Indésirables infiltrés...
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Indésirables infiltrés...
Dans la pénombre précédent l'aube, le pas feutré du félin ne laissait échapper absolument aucun bruit, comme si ses pattes évoluaient sur un nuage. L'illusion était stupéfiante: les extrémités sombres du fauve étrange se posaient sur une nappe de brouillard opaque, velouté, qui stagnait à moins de cinq centimètres du sol. Tout était recouvert de cette nappe silencieuse et glaciale, et pourtant Fyea avançait d'un pas assuré, sans même regardait où poser ses membres. Ses pattes gracieuses s'enfonçaient dans la mixture sans provoquer le moindre remous, ce qui, pour un oeil exercé, aurait tout de suite fait comprendre que cet animal était empreint d'une magie inhérente à elle-même, aussi subtile qu'indécelable. Soudain, elle s'arrêtait, sa patte avant droite suspendue dans le vide, totalement immobile. Ses sens naturels captaient enfin les premiers bruits des Joutes Geadrasiennes à plusieurs kilomètres à l'est. Ses yeux violets étincelèrent quelques instants, par intermittence, puis elle émit un feulement de dépit en sentant la présence mentale étrangère auprès de Nathrae. En outre, parmi toutes celles qui lui avaient été donné de percevoir... C'était celle-ci. Elle se retrancha rapidement de l'esprit de sa compagne de toujours pour ne pas avoir à supporter cette aura perturbante, intruse.
Il fallut de longues minutes avant qu'une silhouette ne fasse irruption d'une convexité du terrain blanc, reconnaissable à sa noirceur semblable à celle de l'animal fabuleux. Nathrae, avec une grâce semblable à sa Familière, se glissa jusqu'à elle et posa sa main à un de ses endroits favoris: entre les deux omoplates. Elle ne tenta pas de renforcer le contact mental entre elles, sachant pertinemment que c'était la présence du nouvel arrivant qui la rendait si tendue. Bientôt, une sorte de forme indistincte sembla se mouvoir et jaillir du brouillard même. Aussi blanche que ce dernier, la silhouette encapuchonnée de Fanaël ne se laissa deviner que lorsque ses lèvres neigeuses s'entrouvrirent pour prononcer dans la langue des N'Elfir:
- Un problème?
Nathrae retira son couvre-chef pour révéler son visage ovale, encadré de sa chevelure de jais empreinte de magie. Il l'imita. En cet instant, la scène paraissait presque irréelle. Les trois êtres présents semblaient se dresser sur une mer de nuages, et irradier d'auras indescriptibles, aussi palpables les unes que les autres. En ces terres, cela faisait très longtemps qu'un tel regroupement n'avait eu lieu et provoquait une sorte de remous inhabituels dans les essences naturelles. Ces dernières frétillaient à vive allure, comme si on les avaient perturbées dans leur long sommeil tranquille.
- Fyea sent beaucoup des magies à l'oeuvre plus avant.
- Quel type? fit-il en fixant ses yeux sur Fyea.
Cette dernière émit un grognement sourd et s'éloigna, ignorant même la main de Nathrae posée sur son dos. L'esprit de la N'Elfir s'interposa devant celui, indiscipliné, de Fanaël et le poussa à rediriger son regard ailleurs.
- Un enchantement multi-générationnel de très grande ampleur, probablement celui du rempart de Munduce. Nous ne devrions pas en subir les effets si nous restons suffisamment éloignés. De nombreux enchantements mineurs disséminés sur des points stratégiques de la Mergetale.
- Y en a-t-il de spécifiques?
- Aucun. Ils sont basés sur les intentions ou les contresorts.
- Ce qui signifie qu'ils ont employés des mages gardiens pour les menaces spécifiques. Est-ce qu'elle a pu estimer leur nombre?
- Assez pour que nous soyons obligés de les croiser.
Il y eut un silence. La situation était plus ennuyeuse que prévu. Bien que n'ayant commis aucun méfait particulier, les N'Elfir n'avait pas été conviés ici, et une apparition ne serait sûrement pas vue du bon oeil. Pourtant ils n'avaient pas choix: Fanaël était sûr que ses cibles allaient profiter de ces joutes pour se cacher. Normalement, ils auraient pu les attraper avant l'arrivée à Munduce, mais ç'aurait été nettement plus difficile. Et ici, elles se croiraient à l'abris.
Depuis que Nathrae l'avait prémuni d'une issue qui s'avérait plus que délicate - contre le puissant mage Elfe qu'il avait eu le malheur de croiser il y avait plusieurs jours de cela - , quelque chose avait quelque peu changé. Non pas qu'il éprouvât une certaine reconnaissance à l'égard de la N'Elfir, car c'était un sentiment qu'il avait balayé de son être depuis des lustres, mais il ne ressentait pas le besoin de lui demander pourquoi elle l'avait secouru. C'était un geste totalement absurbe venant d'une N'Elfir, surtout envers lui, qui était la plupart du temps méprisé de ses semblables. Il n'avait aucun doute sur le fait qu'il inspirait une gêne permanente à Nathrae, à tous les niveaux: son aura la perturbait et la répugnait, sa magie devait la désespérer par son anarchie, ses manières l'irritaient le plus souvent, et le simple fait qu'il se déplace à pied en les ralentissant considérablement devait lui coûter en patience. Pourtant, tout comme lui, elle s'abstenait de faire des commentaires ou de chercher le pourquoi du comment. Et étrangement, ce tabou qui s'était installé entre eux avait construit quelque chose d'imprévu. Ce n'était certainement pas de la confiance, ou un rapprochement... Cela relevait plus de la perplexité.
Nathrae l'avait secouru et rétabli. Pourquoi? Elle l'avait suivi. Pourquoi? Ils se toléraient mutuellement. Pourquoi? Aucun d'eux ne cherchait à connaître les raisons de l'autre. Pourquoi? Toutes ces questions muettes tournoyaient autour d'eux sans oser naître et effleurer leurs propres pensées. Un jour. Mais plus tard. De toute façon, attendre faisait partie de l'éternité qu'ils traversaient. L'impatience ou l'empressement n'ont pas leurs place dans des vies qui ne peuvent pas souffrir du temps.
- Echapper aux mages Humains et Naniques sera un jeu d'enfant pour moi, reprit Nathrae, mais s'il y a des Elfes ou des Orcs, les plus attentifs des premiers sentiront l'absence de Lumière, et s'ils y a des Orcs d'Elesas, ils reconnaîtront nos attitudes...
- Nous allons nous faire passer pour des Démons, affirma-t-il sans appel.
Même Fyea s'offusqua de cette phrase. Son pelage se hérissa instantanément. Sa compagne protesta:
- Tu ne songes tout de même pas...
- C'est le moyen le plus sûr et le plus pratique, trancha Fanaël. Croyez-moi, j'ai déjà infiltré ce genre des places surveillées comme celles-ci.
Outre le message premier de sa phrase, Nathrae et sa Familière décryptaient tous les sous-entendus et les informations invisibles de l'esprit de leur interlocuteur. On lisait dans Fanaël très facilement, son aura spirituelle étant ouverte presque de manière insolente. Au jour le jour, ce comportement était vécu par Nathrae et Fyea comme une agression perpétuelle, car ne filtraient que des bribes la plupart du temps indéchiffrables et très difficiles à supporter, comme si elles étaient d'une nature trop différente. Mais en cet instant, cela avantageait leur perception. Abruptement, Fanaël leur faisait savoir qu'il ne plaisantait pas: ce qui était d'autant plus choquant. Ensuite, ces mots n'avaient pas été choisis au hasard: le "sûr" s'appliquait à Nathrae, et le "pratique" à Fyea. Par là, il faisait savoir qu'il était persuadé avoir l'avantage sur elles dans cette situation. Disons que c'était son point de vue, en tout cas. Jamais Nathrae ne s'abaisserait à se faire passer pour une autre race du Pacte des Cinq... L'idée ne lui traversait même pas l'esprit une seule seconde. Les N'Elfir avaient été exclus de tous leurs rassemblement, ce n'était certainement pas pour venir ensuite ramper dans leurs rangs. Au delà de ce propos plus qu'outrageant, Fanaël poursuivait par "Croyez-moi". Ce faisant, il avait pris soin de s'adresser à toutes deux, considérant Fyea comme partie intégrante de leur étrange collaboration. Cela sonnait comme l'ouverture d'une porte. Non pas amicale, mais il faisait preuve par ce simple mot d'une certaine considération à l'égard de la Familière, ce qui n'était pas mesure courante entre N'Elfir. C'était déstabilisant, mais cela provoquait comme une sorte de reconnaissance indescriptible, infime. Pour la première fois depuis leur côtoiement, Fyea était concernée, appelée à y prendre part d'elle-même. Cela donnait comme une impression de liberté d'arbitre sur ses propositions, qui n'étaient usuellement pas à l'ordre du jour entre un N'Elfir et son Familier. Ensuite, il évoquait son expérience des lieux "comme celui-ci". Cela faisait écho au fait de se faire passer pour des Démons. Quelles expériences si dangereuse avait-il eu à faire face pour devoir se faire passer pour un Démon les premières fois? Ce comportement, qu'un Ombre ne prendrait jamais en considération en temps normal, était des plus stupéfiants.
Dans un même temps, l'esprit de Fanaël abordait tout cela avec un calme mesuré, qui semblait signifier comme un "Faites-moi confiance" implicite. Et rien que cette notion provoquait un certain désarroi en face de lui. Hormis Thriondël, en qui elle avait confiance depuis avant le grand bannissement, nul autre n'avait fait une telle initiative envers elle depuis ce sombre événement, et encore moins envers Fyea par la même occasion.
Nathrae chassa toutes ces perturbations de son esprit avec une sorte de dédain pour retrouver son flegme originel. Il avait réussi à les troubler le temps d'une seule phrase... Même en ayant les idées claires, elle hésitait à réfuter la proposition, parce que celle-ci allait au delà du simple fait de se faire passer pour des Démons. Et pourtant, rien que cette idée la répugnait. Fanaël, qu'il eût ou non pressenti leur balbutiements intérieurs, planta consciencieusement son lied dans le sol, tout en se concentrant sur les flux de magie environnants. Son attention ainsi détournée libéra Nathrae et Fyea d'un point insoupçonné: ce faisant, il leur laissait l'opportunité de ne pas répondre directement. Il prononça alors:
- Nech'al inibrëdr eer'nassjadd ïll drü da'hën...
Soudain, la magie crépita et la nature entière gémit de désapprobation. Le brouillard sous ses pieds se dissipa en brûlant, et l'herbe se dessécha instantanément. L'air s'emplit de vibrations pulsées, malsaines. Nathrae recula, et Fyea montra ses crocs: l'aura de Fanaël, en un instant, venait de passer d'une nature d'Ombre à une nature démoniaque. Le changement était saisissant, bien que déjà présent à la base. Nathrae était fascinée par ce changement si aisé... Et cette formule... Jamais elle n'aurait prononcé une telle chose. Il y avait une telle violence dans ces mots... Et une manière de s'adresser aux Essences... Comme s'il voulait les plier à sa volonté sans se soucier des conséquences. Toutes deux barricadèrent leurs esprits face à la nouvelle agression, mais durent également renforcer leurs barrières corporelles pour supporter l'influence néfaste. Nathrae, stupéfiée, venait d'assister à une sorte de magie qui lui était étrangère. Il n'avait pas utilisé de sort précis pour accomplir ce virement brutal: la phrase en elle-même n'organisait pas les flux magiques, elle leur annonçait ce qui allait se produire. Les sens en alerte, la N'Armetla et sa Familière analysaient ce qu'il venait de faire, et parvenaient à la même conclusion: au lieu de prononcer une formule magique en règles, il s'était contenté de traduire une phrase comme l'aurait dite un Etre des Profondeurs. Elles n'en avaient pas côtoyé beaucoup, mais elles en savaient assez pour savoir qu'ils s'exprimaient par le langage de magie, qui était leur langue d'origine. Les Démons ne se souciaient d'aucune règle de la magie, car leur nature en Inferës y était confondue. Ils en usaient pour plier le monde, et non pour s'adapter à lui. C'était d'ailleurs ce que signalait leur aura: "De ma force, je t'écrase, ô Monde".
Comment Fanaël avait-il eu ne serait-ce que l'idée de s'exprimer ainsi? D'un point de vue savant, c'était fabuleux... Et d'un autre, c'était terrifiant. Cela ressemblait presque à du sacrilège. Rien que de saccager la construction d'un beau sort, cela était quasi inconcevable. Pourtant...
- Comment tu fais cela? interrogea Nathrae, fascinée.
Quand il dirigea son regard vers elle, elle constata non sans gêne que ses iris étaient devenus aussi brûlants que la lave.
- Révèle la partie démoniaque qui t'habite.
Il faisait référence à la malédiction qui les avait chassé à tout jamais des Forêts Elfiques. Rien qu'à évoquer ce souvenir, elle ne put même pas entrevoir la possibilité de faire une telle chose. Fanaël devait l'avoir compris, puisqu'il intervint:
- Vois cela comme une nouvelle technique de magie que tu essaierais. Mais cette fois-ci, au lieu de tenter d'organiser ton sort, essaie de démonter le processus jusqu'à sa source. Choisis un sort qui te permettrait de prendre l'apparence seulement d'un Démon. Prends conscience de ton être, puis de ton intention: laisse les t'envahir. Puis sépare ce qui te permet de lancer les sorts et pénètres-y pour puiser les éléments qui construisent ton sort. Disloque les, et fais-en une phrase pulsionnelle, émancipée de toute contrainte. Prononce-la comme si tu n'avais pas à envisager d'être contredite.
- En pensant que le sort ne peut pas échouer? C'est impossible. La magie régit elle-même ce qui est possible ou non d'accomplir. On ne peut pas faire ce que l'on veut.
- Ce n'est pas ce que pensent les Démons.
- Les Démons se trompent.
- Ah oui?
Il avait prononcé ces deux derniers mots en langage démoniaque. La vague de puissance qui s'échappa de lui dissipa tout le brouillard et brûla un large cercle autour d'eux, tandis que tout air se consuma instantanément. Nathrae et Fyea ressentirent la volonté de Fanaël les écraser comme un étau impitoyable, comme si par ses mots, toute sa volonté s'appliquait, sans demi-mesure ni limite. Puis soudain, la pression s'arrêta. Il y eut un immense appel d'air, qui provoqua un tourbillon immense. Toutes les cendres autour d'eux furent éjectées au loin, dans des volutes de brouillard immaculées.
Nathrae et Fyea se fondirent l'une dans l'autre, stabilisant leurs esprits et analysant ce qui venait de se passer. Fanaël portait bien son nom: Fausse Ombre... Aucun N'Elfir ne ferait de telles expériences délibérément. Ce qui laissait supposer deux hypothèses: soit il n'était pas vraiment N'Elfir, soit il avait subi des situations si impensables qu'il avait eu la nécessité de mettre au point de telles magies. Dans tous les cas, Nathrae brûlait de connaître la réponse, mais ce n'était pas le moment de poser des questions. Et il était de toute façon très incertain qu'il accepte d'y répondre. Mais cela la confortait dans son choix de le suivre. Il fallait qu'elle comprenne.
Décidée, elle se lança dans le processus que lui avait expliqué Fanaël. Fyea se retira, réticente à cette idée. La N'Elfir formula en pensées un sort qui la rapprocherait des Démons, puis le démonta, pièce par pièce, en sondant son être, et son intention. Elle remonta à la source de cette dernière, et tenta de laisser libre cours aux mots pour dire ce qu'elle voulait qui soit. Mais hélas, rien n'y fit. Seul son sort originel se mettait en place, comme une évidence.
Irritée, elle rouvrit les yeux. Fanaël la regardait, un air étrange collé au visage. Ces yeux flamboyants n'étaient pas pour arranger ce sentiment.
- Je n'y arriverai pas, annonça-t-elle, catégorique.
- Toi non, mais Fyea, si.
La surprise fut telle que toutes deux restèrent de marbre un instant.
- Fyea?
- Oui. Les Familiers sont des êtres particuliers: ils ont la faculté d'accepter en eux une entité différente, sans se confondre ni entrer en conflit avec. Fyea, en ce sens, est la mieux placée pour te comprendre: sans être toi, elle est très proche de ce que tu es. Ainsi, elle peut discerner les parties qui te composent et -si tu lui en laisse le droit- elle peut influer spécifiquement sur chacune d'elle. C'est ce qu'elle fait lorsque vous vous ouvrez: elle stabilise toutes les parties de toi dont tu n'as pas forcément conscience.
Nathrae ne fit aucun geste pour prendre la parole, comme elle remarquait que Fyea ne contredisait aucune de ces dires. Comment pouvait-il en savoir autant sur les Familier? La N'Elfir avait déjà étudié et lu nombre d'études, autant elfiques qu'à Elesas, et jamais des affirmations telles n'avaient pu être formulées. La seule chose certaine était que le lien avec un Familier était d'une nature si subtile et complexe qu'aucun sage ne pouvait en décrire clairement le fonctionnement ou l'origine exacte. Alors pourquoi...
- De plus, Fyea est très sensible à la nuance entre la nature démoniaque et celle que tu as actuellement. Et lorsqu'elle agit sur toi, elle ne sera pas dérangée de l'opération, ce qui lui permettra de s'y consacrer entièrement. Ensuite seulement, lorsque tu auras changé, tu pourras t'ouvrir à elle, et elle pourra s'harmoniser avec ce que tu seras devenue.
Il paraissait si sûr de lui que s'en était à la fois rassurant et effrayant. Il donnait l'impression de tout savoir sur le lien qui les unissait, ce qui était quasi-insupportable. Et l'absence de réaction de Fyea était... sidérante. Pourtant, elles étaient en contact relativement étroit, mais hormis sa présence sereine et rassurante, elle n'apportait à la N'Armetla aucune contre-vérité, aucun message particulier... Ce qui tendait à conclure qu'elle approuvait ses paroles. Cela dit, un soupçon de méfiance planait encore à la surface de l'esprit de la Familière. Elle semblait intriguée par la perspicacité de Fanaël en ce domaine.
Celui-ci se tourna finalement vers elle et la fixa. A la grande surprise de Nathrae, cette dernière se redressa et s'approcha de lui pour s'arrêter devant. Il prévint:
- Je vais manifester l'aura démoniaque une nouvelle fois. Fyea, elle te servira de modèle pour agir sur Nathrae.
Il se tourna vers celle-ci:
- Il va falloir t'ouvrir complètement à elle, sans chercher à te lier en retour. Laisse-la intervenir sur toi sans lui faire obstacle. L'opération risque d'être désagréable, mais ne reprends le contrôle que lorsque Fyea s'ouvrira à toi. Sinon tout échouera.
Un silence se fit, durant lequel chacun se concentrait sur son rôle. Le choix était donc pris: Nathrae et Fyea allaient s'initier à cette nouvelle sorte de magie, chose qu'elle n'aurait jamais faite auparavant. Que se passait-il? Qui était-il pour bouleverser ainsi l'ordre des choses? Et puis... Comment pouvait-il savoir autant de chose sur les Familier? Qu'avait-il vécu de si incroyable pour apprendre de telles choses? Tant de question se bousculaient dans leurs têtes...
- Allons-y! fit-il.
Nathrae laissa Fyea l'envahir, sans tendre vers elle. Cet abandon n'était en rien nouveau, mais la présence de Fanaël l'était. Et elle ne savait pas encore à quel point...
Quand la main blanche approcha pelage noir, tous frissonnèrent. Même la nature. Les Essences Magiques de cet endroit n'avait pas connu de magie depuis des lustres. Surtout que celle-ci était d'un genre comme il n'en est pas courant sur Naravel... Le corps de Fanaël s'embrasa aussitôt de gerbes rouges et orangées, soufflant un vent surnaturel. Les volutes blanches furent balayées par l'aura funeste qui se déversa de lui tel un ras-de-marée. Puis... Ce fut le contact.
Quand la peau lumineuse toucha Fyea, celle-ci se hérissa et se tendit toute entière. La magie l'enveloppa elle aussi dans un tonnerre de sensations indescriptible. Nathrae voulut annuler le phénomène, mais une présence d'une puissance terrible s'abattit sur elle et la cloua sur place.
C'était trop tard...
***********************
Musiques:
1) Dante by O. Michiru in "Fullmetal Alchemist OST".
2) Fortune Plango Vulnera by Orff in "Carmina Burana".
- Spoiler:
- 1er RP de la semaine: 1 Pièce d'Argent...
Moi-même: c'est reporté
Validation Itrenog : 9 Pièces D'Argent (ou quelque chose comme ça)
Dernière édition par Yuke le Mar 20 Juil 2010 - 9:25, édité 1 fois
Re: Indésirables infiltrés...
Nathrae observa sa main, plia et déplia ses doigts, aussi fascinée qu'incrédule. Comment était-ce possible? Une telle sensation... Elle laissa son nouvel état la gonfler, l'emplir et la submerger... Pour ne finalement plus laisser qu'elle. Différente et identique à la fois. La forme de magie dont elle faisait encore l'expérience était si surprenante qu'elle se devait d'analyser tout ce qu'elle ressentait dans les moindres détails. Au tout début, ça avait été atroce. Elle avait eu l'impression qu'on la noyait dans le vide, puis qu'elle plongeait dans le magma rougeoyant du coeur de Naravel. Elle avait perçu des milliers de choses qui souffraient autour d'elle, pour enfin se rendre compte que c'était sa souffrance à elle qu'elle infligeait au monde qui l'entourait. La violence du contact avait été telle qu'elle avait perdu tout contact avec Fyea. Impossible de sentir la présence de sa compagne de toujours. Tous ses sens et ses perceptions hurlaient, de peur, de colère, d'incompréhension. Puis elle s'était souvenu. Laisser Fyea la guider. Ne pas résister. S'ouvrir toute entière. Les mots de Fanaël étaient revenus en elle comme un torrent doux et salvateur, pour se muer en fleuve apaisant et tranquille. Il faisait quelque chose. C'était quasi inaccessible à Nathrae, car cela était à la limite de sa conscience, mais il se passait quelque chose d'autre par le touché avec Fyea. Quelque chose auquel la N'Elfir n'avait pas accès. Puis, l'influence de Fanaël cessa. Il y eut une nouvelle déferlante, cinglante et terrifiante, qui frappa physiquement Nathrae: son corps tout entier avait suffoqué, tremblé. Toutes ses choses que Nathrae ressentait étaient extérieure à elle. Ces émotions primitives... Ces sensations brutes... Elle se sentait connectée à toutes les choses, et en même temps avait l'impression de les écraser. Puis, tout s'était tu. Son esprit, son corps, et tout ce qu'elle percevait.
Elle avait changé.
En face d'elle, baignée de lumière, une silhouette qu'elle ne reconnaissait presque plus l'observait. Elle ne voyait qu'un amalgame de scintillements. De l'énergie. Une volonté. Un être? De la nourriture...
- Tu vois à moitié comme les Démons, maintenant. Mais je te déconseille d'essayer de dévorer mon âme. Tu n'as pas le métabolisme adéquat pour ce faire...
Nathrae fut surprise d'entendre la voix de Fanaël, qui avait changée elle aussi. Elle percevait chaque son comme un bruit étrange qu'elle devait réagencer en mots et phrases. Chaque inflexion de voix éveillait un décryptage. Prudence. Neutralité. Dissimulation. Sens caché. Malaise... Ce n'était qu'une partie de ce qu'elle décelait dans le timbre de Fanaël. En tant que N'Elfir, elle savait déjà tout ça, mais du manière complètement différente.
- Incroyable...
Le pelage d'ordinaire si familier de Fyea vint se glisser sous sa main. La forte concentration de flux magiques lui donna envie de tout absorber avec avidité, mais son contrôle de N'Elfir fit son office. La nature démoniaque était-elle si puissante qu'elle émerge à ce point d'elle? Cette découverte était majeure pour tous les N'Armetla. Comment Fanaël avait pu cacher une telle avancée? Sous cet état, Nathrae ne souhaitait plus retenir ses questions. Et à ce stade, de toute façon, il lui fallait des réponses. Fanaël en avait trop fait, ou pas assez. Curieusement, l'étrange transformation qui s'opérait en elle la poussait à agir, comme si elle était guidée par quelque chose d'irrésistible. Comme si la confiance en elle était telle que rien ne pourrait l'arrêter.
- Ainsi, c'est cela la puissance des Démons... Ne reculer devant rien. Ecraser tout sur sa route?
Fanaël hocha la tête sans répondre franchement.
- Depuis quand sais-tu accomplir ce genre de magie? Comment l'as-tu apprise? Dans quelles circonstances?
Vu qu'il ne semblait pas vouloir répondre, une impulsion saisit Nathrae, qui d'un seul coup provoqua un souffle soudain. Ce dernier chassa les dernières nappes de brouillard et souleva autour d'eux un nuage de cendres noires qui crépita en retombant tel de la neige en tourbillons hasardeux. La N'Elfir n'avait pas volontairement provoqué cela. Ca s'était imposé de soi-même. Elle voulait une réponse. Le monde autour d'elle s'était plié à cette exigence pour le faire comprendre à son interlocuteur. Ce dernier resta immobile jusqu'à ce que la neige sombre retombe, puis s'en fut vers l'est en déclarant:
- Nous allons parler en chemin.
Nathrae fut quelque peu surprise de cette réaction imprévue, surtout que Fyea ne bougea pas. Il s'était passé quelque chose. Que lui avait-il fait? Le contact avec Fyea était différent sous son état, mais ce n'était pas ça. Sa Familière sembla en proie à une sorte d'hésitation. Non, c'était plus vif que ça. Beaucoup plus vif. Un dilemne.
La N'Elfir avait beau le percevoir, elle n'en saisissait pas une bribe. Ce n'était pas un dilemme ordinaire, qui pouvait s'exprimer. Peut-être même que Fyea n'en connaissait pas la réelle signification.
Elle pointa un regard catégorique sur le dos de Fanaël.
Lui savait.
Elle en était sûre.
Nathrae lui emboîta le pas, ignora toutes les sensations étranges qui continuaient de l'assaillir. Dès qu'elle fut arrivé non loin de lui, il la devança d'un ton monocorde, indéchiffrable:
- C'est curieux. Tous les N'Elfir se connaissent entre eux. Les êtres qui ne meurent pas finissent toujours par se rencontrer un jour ou l'autre, à Elesas. J'ai beau remonter au plus loin dans le temps, je ne me souviens pas t'avoir parlée ni même croisée, hormis notre dernière entrevue...
- ...
Il n'attendait visiblement pas de réponse, car il poursuivit:
- Pourtant, une partie de moi me dit...
Il se ravisa:
- Je suppose que si tu m'as secouru, c'est sur ordre du Prince. Tu dois avoir reçu l'ordre de me suivre, de me protéger et de m'observer pour lui assurer que la mission qu'il m'a confiée sera bien menée à terme. Saches que je n'ai pas l'intention de le décevoir. Je ne sais pas qui tu es ni pourquoi tu n'apparais pas dans mes souvenirs... Mais ceci est ma dernière mission. Je n'échouerai pas. Tu peux le lui faire savoir.
Nathrae, silencieuse, analysait toutes ses paroles, modulations de voix, gestes, avec toute son attention. Il y avait tant de messages à différents niveaux que c'en était presque trop. Fanaël semblait se relâcher. Sa dernière mission... Qu'est-ce que cela voulait dire? Le Prince des Ombres allait-il le révoquer de sa fonction d'Emissaire? Quelle était cette mission qui semblait tant l'accabler? Pourquoi Fanaël était venu ici sans son Familier? Si elle tentait un raisonnement logique, elle en déduisait que Fanaël ne prévoyait pas de retour. Mais même avec cette hypothèse... Ca n'expliquait pas la séparation avec son compagnon de magie.
Et puis...
Non.
Nathrae ne pouvait rien dire. C'était trop tôt. Rien n'était sûr. Et elle se trompait peut-être.
Elle était certaine à présent d'avoir fait le bon choix de le suivre. Fanaël cachait une immensité de secrets. Et plusieurs choses s'emboîtaient bizarrement.
Quoi qu'il en soit, pour l'instant, Fanaël en avait dit suffisamment. Il était trop tôt pour aller plus loin.
Tout allait bientôt arriver, très vite. Trop vite.
Oui, ça approchait...
En haut d'une collinette, ils découvrirent soudain un paysage stupéfiant. La Mergetale s'étendait devant eux, rayonnante dans la matin clair; elle était couverte de milliers de tentes, de construction en bois et grouillait de monde.
Le fracas des clameurs de tous les voyageurs venus assister aux Joutes Geadrasiennes s'élevait haut dans le ciel pur. Au loin derrière, le grand rempart blanc nacré de Munduce, la Cité Irisée, resplendissait.
La main de Nathrae se crispa. Sans se retourner, Fanaël expliqua:
- C'est la transformation définitive. Ne la laisse pas te dominer. Impose ta volonté pour prendre la forme démoniaque que tu souhaites. Attention, une fois déterminée, cette forme est très difficile à...
- On y va? trancha une voix des profondeurs derrière lui, impatiente.
Le contrôle de Nathrae en magie était plus qu'excellent, et bien supérieur à celui de son compagnon de route. Ce dernier laissa échapper un dernier sourire, durant lequel son corps entier se zébra de rouge, s'allongea et s'affina. Des cornes se mirent à pousser à vue d'oeil sur son crâne.
Nathrae avait maintenant un Démon devant elle. Impossible de le distinguer d'un vrai. Elle le sentit relâcher son contrôle, et libérer son aura funeste. Il dégageait quelque chose de vraiment différent d'elle. Mais ils avaient un point commun à présent: le monde s'écrasait sous leurs pas.
Il était temps de gagner les Joutes et de se rapprocher un peu plus de cette mystérieuse "dernière mission".
Elle avait changé.
En face d'elle, baignée de lumière, une silhouette qu'elle ne reconnaissait presque plus l'observait. Elle ne voyait qu'un amalgame de scintillements. De l'énergie. Une volonté. Un être? De la nourriture...
- Tu vois à moitié comme les Démons, maintenant. Mais je te déconseille d'essayer de dévorer mon âme. Tu n'as pas le métabolisme adéquat pour ce faire...
Nathrae fut surprise d'entendre la voix de Fanaël, qui avait changée elle aussi. Elle percevait chaque son comme un bruit étrange qu'elle devait réagencer en mots et phrases. Chaque inflexion de voix éveillait un décryptage. Prudence. Neutralité. Dissimulation. Sens caché. Malaise... Ce n'était qu'une partie de ce qu'elle décelait dans le timbre de Fanaël. En tant que N'Elfir, elle savait déjà tout ça, mais du manière complètement différente.
- Incroyable...
Le pelage d'ordinaire si familier de Fyea vint se glisser sous sa main. La forte concentration de flux magiques lui donna envie de tout absorber avec avidité, mais son contrôle de N'Elfir fit son office. La nature démoniaque était-elle si puissante qu'elle émerge à ce point d'elle? Cette découverte était majeure pour tous les N'Armetla. Comment Fanaël avait pu cacher une telle avancée? Sous cet état, Nathrae ne souhaitait plus retenir ses questions. Et à ce stade, de toute façon, il lui fallait des réponses. Fanaël en avait trop fait, ou pas assez. Curieusement, l'étrange transformation qui s'opérait en elle la poussait à agir, comme si elle était guidée par quelque chose d'irrésistible. Comme si la confiance en elle était telle que rien ne pourrait l'arrêter.
- Ainsi, c'est cela la puissance des Démons... Ne reculer devant rien. Ecraser tout sur sa route?
Fanaël hocha la tête sans répondre franchement.
- Depuis quand sais-tu accomplir ce genre de magie? Comment l'as-tu apprise? Dans quelles circonstances?
Vu qu'il ne semblait pas vouloir répondre, une impulsion saisit Nathrae, qui d'un seul coup provoqua un souffle soudain. Ce dernier chassa les dernières nappes de brouillard et souleva autour d'eux un nuage de cendres noires qui crépita en retombant tel de la neige en tourbillons hasardeux. La N'Elfir n'avait pas volontairement provoqué cela. Ca s'était imposé de soi-même. Elle voulait une réponse. Le monde autour d'elle s'était plié à cette exigence pour le faire comprendre à son interlocuteur. Ce dernier resta immobile jusqu'à ce que la neige sombre retombe, puis s'en fut vers l'est en déclarant:
- Nous allons parler en chemin.
Nathrae fut quelque peu surprise de cette réaction imprévue, surtout que Fyea ne bougea pas. Il s'était passé quelque chose. Que lui avait-il fait? Le contact avec Fyea était différent sous son état, mais ce n'était pas ça. Sa Familière sembla en proie à une sorte d'hésitation. Non, c'était plus vif que ça. Beaucoup plus vif. Un dilemne.
La N'Elfir avait beau le percevoir, elle n'en saisissait pas une bribe. Ce n'était pas un dilemme ordinaire, qui pouvait s'exprimer. Peut-être même que Fyea n'en connaissait pas la réelle signification.
Elle pointa un regard catégorique sur le dos de Fanaël.
Lui savait.
Elle en était sûre.
Nathrae lui emboîta le pas, ignora toutes les sensations étranges qui continuaient de l'assaillir. Dès qu'elle fut arrivé non loin de lui, il la devança d'un ton monocorde, indéchiffrable:
- C'est curieux. Tous les N'Elfir se connaissent entre eux. Les êtres qui ne meurent pas finissent toujours par se rencontrer un jour ou l'autre, à Elesas. J'ai beau remonter au plus loin dans le temps, je ne me souviens pas t'avoir parlée ni même croisée, hormis notre dernière entrevue...
- ...
Il n'attendait visiblement pas de réponse, car il poursuivit:
- Pourtant, une partie de moi me dit...
Il se ravisa:
- Je suppose que si tu m'as secouru, c'est sur ordre du Prince. Tu dois avoir reçu l'ordre de me suivre, de me protéger et de m'observer pour lui assurer que la mission qu'il m'a confiée sera bien menée à terme. Saches que je n'ai pas l'intention de le décevoir. Je ne sais pas qui tu es ni pourquoi tu n'apparais pas dans mes souvenirs... Mais ceci est ma dernière mission. Je n'échouerai pas. Tu peux le lui faire savoir.
Nathrae, silencieuse, analysait toutes ses paroles, modulations de voix, gestes, avec toute son attention. Il y avait tant de messages à différents niveaux que c'en était presque trop. Fanaël semblait se relâcher. Sa dernière mission... Qu'est-ce que cela voulait dire? Le Prince des Ombres allait-il le révoquer de sa fonction d'Emissaire? Quelle était cette mission qui semblait tant l'accabler? Pourquoi Fanaël était venu ici sans son Familier? Si elle tentait un raisonnement logique, elle en déduisait que Fanaël ne prévoyait pas de retour. Mais même avec cette hypothèse... Ca n'expliquait pas la séparation avec son compagnon de magie.
Et puis...
Non.
Nathrae ne pouvait rien dire. C'était trop tôt. Rien n'était sûr. Et elle se trompait peut-être.
Elle était certaine à présent d'avoir fait le bon choix de le suivre. Fanaël cachait une immensité de secrets. Et plusieurs choses s'emboîtaient bizarrement.
Quoi qu'il en soit, pour l'instant, Fanaël en avait dit suffisamment. Il était trop tôt pour aller plus loin.
Tout allait bientôt arriver, très vite. Trop vite.
Oui, ça approchait...
En haut d'une collinette, ils découvrirent soudain un paysage stupéfiant. La Mergetale s'étendait devant eux, rayonnante dans la matin clair; elle était couverte de milliers de tentes, de construction en bois et grouillait de monde.
Le fracas des clameurs de tous les voyageurs venus assister aux Joutes Geadrasiennes s'élevait haut dans le ciel pur. Au loin derrière, le grand rempart blanc nacré de Munduce, la Cité Irisée, resplendissait.
La main de Nathrae se crispa. Sans se retourner, Fanaël expliqua:
- C'est la transformation définitive. Ne la laisse pas te dominer. Impose ta volonté pour prendre la forme démoniaque que tu souhaites. Attention, une fois déterminée, cette forme est très difficile à...
- On y va? trancha une voix des profondeurs derrière lui, impatiente.
Le contrôle de Nathrae en magie était plus qu'excellent, et bien supérieur à celui de son compagnon de route. Ce dernier laissa échapper un dernier sourire, durant lequel son corps entier se zébra de rouge, s'allongea et s'affina. Des cornes se mirent à pousser à vue d'oeil sur son crâne.
Nathrae avait maintenant un Démon devant elle. Impossible de le distinguer d'un vrai. Elle le sentit relâcher son contrôle, et libérer son aura funeste. Il dégageait quelque chose de vraiment différent d'elle. Mais ils avaient un point commun à présent: le monde s'écrasait sous leurs pas.
Il était temps de gagner les Joutes et de se rapprocher un peu plus de cette mystérieuse "dernière mission".
*************************
- Spoiler:
- 1er RP de la semaine: ma première obole =D
Moi-même: ajoutée ^^ (1 Pièce d'Argent)
RP d'introduction Terminé pour moi (je laisse le topic ouvert car Nathrae va faire le sien à la suite, normalement ^^
Valid Yuke: Introduction réalisée. 20 Ducats fournis pour débuter les Joutes. Notés dans la Bourse.
Validation Itrenog : 4 Pièces D'argent (les capacités étant complètes)
Re: Indésirables infiltrés...
C'était comme revêtir une peau ancienne que l'on aurait délaissée quelques centaines de décennies dans l'oubli, presqu'à en devenir étrangère. Puis, tel un habit taillé sur mesure, elle roule sur tout votre être et semble reprendre une place qu'elle sait sienne, comme si elle ne l'avait jamais quitté. L'insolite était qu'elle n'avait jamais réellement pris la peine de creuser cette fournaise bouillant au plus profond d'elle. Maintenant qu'elle y songeait, cela lui rappelait les premiers jours, les premiers mois, alors que sortant d'une torpeur hébétée, ils percevaient déjà les premiers indices de la malédiction qui, inexorable, modifiait radicalement leurs êtres. Non, elle ne pouvait pas dire ignorer cette nature, enfouie au plus profond de son âme mais y sillonnant à sa guise. En revanche, la puissance à laquelle elle donnait accès, cela elle ne s'en doutait point. Elle n'aurait jamais songé à la faire surgir de telle manière, et ce fait l'interpella davantage à mesure qu'ils poursuivaient leur descente vers la Mergetale.
Marchant en silence, elle prenait du temps à analyser sa nouvelle forme, singulièrement familière dans son étrangèreté. Sa peau s'était nettement assombrie, devenue presque aussi épaisse que du cuir, bien qu'aussi souple ; arabesques et formes inexplicables en marquaient le cuir, luisant d'un rouge sombre soutenu, comme gravées dans sa chair ardente. Ces iris s'étaient tintés d'or et d'ocre flamboyant, transperçant toute créature vivante d'une écrasante volonté. De fines plaques plus ou moins larges recouvraient son corps à la manière d'une armure ; série d'écailles opaques collées à sa peau brune, leur agencement lui octroyait une grande aisance de mouvement, d'autant plus nécessaire aux serres allongées qui avaient remplacé ses ongles. Ses mains élégantes s'étaient davantage affinées, s'achevant désormais en griffes noires et acérées. Sa chevelure d'ébène formait un halo sombre autour de son visage, flottant vaguement vers le ciel, faisant fi de toute pesanteur. S'y mêlant, une forme obscure et indistincte aux yeux d'un violet étincelant lévitait doucement au-dessus de son épaule. Immatérielle, Fyea ne prenait pas la peine de discerner plus que nécessaire, se contentant d'accompagner les mouvements de la N'Elfir comme s'ils étaient les siens, entremêlant leurs deux auras. Elle restait silencieuse, sa conscience se faisant distante dans son esprit.
Au loin, les premières tentes commençaient à se distinguer dans les herbes hautes de la Mergetale, et la rumeur des conversations à se faire entendre. Nul doute que leur arrivée ne passerait pas inaperçue, toutefois la suite la préoccupait bien davantage. La laissant à ses réflexions, Fanaël n'avait pas dit mot, ne s'attardant pas plus sur la mission qui lui avait été confiée par Elderian. Sa nature inconnue pour l'heure, il lui était difficile de savoir ce qu'ils feraient une fois sur place. La musique leur parvenait à présent de plus en plus clairement, et la pente s'adoucit nettement. Nathrae sentit vivement les auras des mages gardiens plus en avant, mais aussi les milliers d'autres âmes qui grouillaient sur la plaine. Elle s'habituait à ses nouveaux sens et à cette étrange faim qui n'était pas la sienne, et que son contrôle naturel taisait impérieusement. En revanche, il semblait difficile de réprimer cette aura sinistre qu'elles dégageaient sa Familière et elle.
- Si le risque est moindre, nous risquons toujours d'attirer l'attention plus que nécessaire, fit la N'Elfir, brisant le silence.
Fanaël hocha la tête sans se retourner. Elles ne savaient pas encore bien réprimer leur aura, qui répandait un sentiment mêlé de désespoir et de désolation purs, à dessécher toute forme de vie à chacun de leurs pas. Tous deux en avaient parfaitement conscience, le formuler était inutile. S'ils voulaient éviter les ennuis et une attention particulière, il allait falloir arranger ce détail assez rapidement. Nathrae avait déjà entamé une litanie sourde, semblant prendre en main le problème.
- Trop sophistiqué..., commenta Fanaël, en percevant les esquisses.
Elle le foudroya brièvement du regard, agacée, bien qu'elle comprît le sens de sa remarque. Toute subtilité étrangère aux usages démoniaques serait susceptible d'attirer les soupçons, au même titre qu'un contrôle approximatif, bien qu'il pût passer plus facilement que des indices de magie N'Elfir. Il lui fallait procéder autrement. Se remémorant les paroles de Fanaël, elle se laissa porter par cette sensation de plier le monde à sa volonté, s'efforçant de disperser le moindre doute quant à la réussite de son entreprise. C'était contre nature pour elle, qui avait toujours envisagé la magie comme un flux libre de toute entrave que l'on amadoue, que l'on guide, sans jamais le faire fléchir de force à ses désirs. La manière démoniaque était radicalement différente : usant du langage de magie au quotidien, les Démons ne faisaient guère de manière ; leur parler était franc et abrupt, sans détour. Il n'y avait aucune possibilité d'échec envisagé ; la certitude que l'ordre énoncé, consciemment ou inconsciemment, se verrait accompli en représentait d'ailleurs le plus grand danger...
Toutefois, elle ne répugnait pas à l'idée d'aborder une nouvelle approche. Sous son nouvel état, elle se sentait capable de l'impossible. C'en était terriblement grisant. Remontant à la source du sort qu'elle avait eu l'intention de tisser, elle le réduisit au plus simple appareil, le dépouillant progressivement des nombreuses enjolivures et sophistications inhérentes à son usage premier.
- Obreption.
Prononcé en langage démoniaque, le mot claqua brièvement dans l'air, sec et précis. Le changement s'opéra aussi succinctement, presque avec docilité. Nathrae eut un sourire satisfait, passant en revue la fiabilité de son ouvrage. L'essai était plus que concluant. Sans pour autant étouffer leur aura, le sort jouait un rôle beaucoup plus subtil... Fanaël, qui avait suivi son œuvre avec un certain intérêt, fronça légèrement les sourcils, discernant petit à petit le véritable but du sortilège ; il hésita un court instant, mais elle lui épargna sa salive.
- Cela n'empêchera pas les moins résistants de se voir affectés, précisa-t-elle. La différence sera qu'ils seront incapables de dire d'où cela vient, ou en tout cas de le retenir. Simple et complexe à la fois...
Être vu sans l'être. Assez tordu pour qu'un mage s'y laissât prendre malgré toute sa bonne volonté, et largement suffisant pour les moins ouverts aux arcanes. Un Démon serait une autre histoire, cependant... Avec ou sans, le risque de ce point-de-vue-ci ne différait guère.
- Ca ne règle pas spécialement le premier problème, fit-il remarquer tandis qu'elle l'incluait dans le sortilège.
- Non, pas tout à fait, admit-elle. Mais quoi que tu aies à faire, cela ne devrait faciliter que davantage notre progression.
Alors qu'elle tissait un autre sort, de dissipation cette fois, elle l'observa du coin de l'œil. Ils avaient fait halte à une centaine de mètres de la première ligne de tentes. Le tracé des allées improvisées leur apparaissait nettement, sillonnant la plaine au détour des milliers de tentes plantées sur la Mergetale. Les clameurs leur parvenaient clairement à présent, se mêlant aux chants scandés sur une musique entraînante, probablement l'œuvre d'une bande de ménestrels sévissant à quelque carrefour non loin de là. De leur position, ils apercevaient quelques groupes de toute race flânant à l'orée des tentes, errant librement d'une allée à l'autre, jouant parfois des coudes pour se frayer un chemin à travers les artères bondées. Les Joutes avaient rassemblé mille âmes en ces lieux, toute race confondue - ou presque -. On pourrait sans doute trouver tout et n'importe quoi, voire même n'importe qui. Des caravelles entières cheminaient toujours vers Munduce pour se joindre aux festivités. Assurément, quel meilleur endroit pour retrouver quiconque ou quoi que ce soit ? Bien que, songeait Nathrae, aucune certitude n'aurait pu être acquise, et que l'entreprise relèverait de la folie. Peut-être...
Les derniers préparatifs achevés, ils reprirent la descente en silence, marchant à pas vifs, et passèrent la première ligne de tentes. Aussitôt plongés dans l'effervescence, ils ne tardèrent pas à se faufiler, assez facilement, dans l'allée empruntée. Du reste, leur présence funeste suffisait à leur libérer la voie, tandis que les âmes effectuaient un bref écart. A son passage, Nathrae voyait clairement les essences frémir d'effroi, pris à la gorge par une terreur et un désespoir bruts, puis se replier sur elles-mêmes, comme pour étouffer leur existence à un mince filet de vie. Le regard commun y verrait une poignée de visages blêmes, des phrases interrompues le temps d'une seconde, quelques regards fuyants. Une vieille femme naine derrière son étal les regarda passer sans broncher, attendant que le sang eut afflué de nouveau à ses joues pour marmonner qu'elle ne s'y habituerait jamais. Le malaise s'estompa toutefois bien vite alors qu'elle reprenait son marchandage, surveillant d'un œil suspect cet humain au sourire un peu trop avenant qui lorgnait le bijou de sa collection. Comme si rien ne s'était passé.
Jusque là, rien de notoire. Comme elle l'avait présumé, l'on trouvait de tout et de toute origine. Ils avaient apparemment pénétré dans la partie la plus commerciale de la Mergetale ; artisans et colporteurs divers et variés se disputaient la clientèle en vendant à qui mieux mieux. Des bijoux et charmes orciques aux orfèvreries naines, des parchemins de sort aux sabres et épées tout juste sortis de la forge... chaque race du pacte était désireuse de montrer ce qu'elle avait de mieux. C'était une autre manière de faire la guerre, se dit-elle, songeuse, observant un elfe vanter les propriétés d'un parchemin de soin à un jeune nain à l'air dubitatif. Elle sut au premier regard qu'il s'agissait d'une vulgaire pièce de vélin ; elle se contenta de regarder le nain hésiter, incapable de dire s'il était victime d'une escroquerie ou non. Elle détourna les yeux avec un sourire amusé alors qu'il finissait par le troquer contre une amulette, elle aussi fausse. Certaines choses ne changeaient pas...
Fanaël s'était arrêté devant un jeu de Sper, paraissant absorbé par la partie en cours, ignoré par les deux joueurs perdus dans leurs réflexions. Nathrae sentit cependant son attention portée ailleurs. A peine allait-elle tendre son esprit tout aussi furtivement qu'une présence brûlante frôla sa conscience. Fyea frémit. Un Démon.
C'était probablement le pire qui pût leur arriver. Seul un Démon pouvait être susceptible de percevoir la nuance. Qu'ils en fussent arriver au point où l'un d'eux vînt tâter pour disperser un doute ou confirmer un soupçon n'était pas une bonne nouvelle. La réaction de son compagnon de route la surprit : sans se retourner, il la prit par le bras et les fit traverser la foule à grands pas, pour autant sans précipitation. Ils marchèrent un temps, tout juste assez pour voir la présence s'estomper, bien qu'elle fût certaine de la sentir se rétracter de manière volontaire. Il l'entraîna alors entre deux tentes, à l'écart de la foule et des oreilles indiscrètes. Puis, dans un murmure indistinct, à moitié en pensée :
- Nous allons devoir aviser...
Marchant en silence, elle prenait du temps à analyser sa nouvelle forme, singulièrement familière dans son étrangèreté. Sa peau s'était nettement assombrie, devenue presque aussi épaisse que du cuir, bien qu'aussi souple ; arabesques et formes inexplicables en marquaient le cuir, luisant d'un rouge sombre soutenu, comme gravées dans sa chair ardente. Ces iris s'étaient tintés d'or et d'ocre flamboyant, transperçant toute créature vivante d'une écrasante volonté. De fines plaques plus ou moins larges recouvraient son corps à la manière d'une armure ; série d'écailles opaques collées à sa peau brune, leur agencement lui octroyait une grande aisance de mouvement, d'autant plus nécessaire aux serres allongées qui avaient remplacé ses ongles. Ses mains élégantes s'étaient davantage affinées, s'achevant désormais en griffes noires et acérées. Sa chevelure d'ébène formait un halo sombre autour de son visage, flottant vaguement vers le ciel, faisant fi de toute pesanteur. S'y mêlant, une forme obscure et indistincte aux yeux d'un violet étincelant lévitait doucement au-dessus de son épaule. Immatérielle, Fyea ne prenait pas la peine de discerner plus que nécessaire, se contentant d'accompagner les mouvements de la N'Elfir comme s'ils étaient les siens, entremêlant leurs deux auras. Elle restait silencieuse, sa conscience se faisant distante dans son esprit.
Au loin, les premières tentes commençaient à se distinguer dans les herbes hautes de la Mergetale, et la rumeur des conversations à se faire entendre. Nul doute que leur arrivée ne passerait pas inaperçue, toutefois la suite la préoccupait bien davantage. La laissant à ses réflexions, Fanaël n'avait pas dit mot, ne s'attardant pas plus sur la mission qui lui avait été confiée par Elderian. Sa nature inconnue pour l'heure, il lui était difficile de savoir ce qu'ils feraient une fois sur place. La musique leur parvenait à présent de plus en plus clairement, et la pente s'adoucit nettement. Nathrae sentit vivement les auras des mages gardiens plus en avant, mais aussi les milliers d'autres âmes qui grouillaient sur la plaine. Elle s'habituait à ses nouveaux sens et à cette étrange faim qui n'était pas la sienne, et que son contrôle naturel taisait impérieusement. En revanche, il semblait difficile de réprimer cette aura sinistre qu'elles dégageaient sa Familière et elle.
- Si le risque est moindre, nous risquons toujours d'attirer l'attention plus que nécessaire, fit la N'Elfir, brisant le silence.
Fanaël hocha la tête sans se retourner. Elles ne savaient pas encore bien réprimer leur aura, qui répandait un sentiment mêlé de désespoir et de désolation purs, à dessécher toute forme de vie à chacun de leurs pas. Tous deux en avaient parfaitement conscience, le formuler était inutile. S'ils voulaient éviter les ennuis et une attention particulière, il allait falloir arranger ce détail assez rapidement. Nathrae avait déjà entamé une litanie sourde, semblant prendre en main le problème.
- Trop sophistiqué..., commenta Fanaël, en percevant les esquisses.
Elle le foudroya brièvement du regard, agacée, bien qu'elle comprît le sens de sa remarque. Toute subtilité étrangère aux usages démoniaques serait susceptible d'attirer les soupçons, au même titre qu'un contrôle approximatif, bien qu'il pût passer plus facilement que des indices de magie N'Elfir. Il lui fallait procéder autrement. Se remémorant les paroles de Fanaël, elle se laissa porter par cette sensation de plier le monde à sa volonté, s'efforçant de disperser le moindre doute quant à la réussite de son entreprise. C'était contre nature pour elle, qui avait toujours envisagé la magie comme un flux libre de toute entrave que l'on amadoue, que l'on guide, sans jamais le faire fléchir de force à ses désirs. La manière démoniaque était radicalement différente : usant du langage de magie au quotidien, les Démons ne faisaient guère de manière ; leur parler était franc et abrupt, sans détour. Il n'y avait aucune possibilité d'échec envisagé ; la certitude que l'ordre énoncé, consciemment ou inconsciemment, se verrait accompli en représentait d'ailleurs le plus grand danger...
Toutefois, elle ne répugnait pas à l'idée d'aborder une nouvelle approche. Sous son nouvel état, elle se sentait capable de l'impossible. C'en était terriblement grisant. Remontant à la source du sort qu'elle avait eu l'intention de tisser, elle le réduisit au plus simple appareil, le dépouillant progressivement des nombreuses enjolivures et sophistications inhérentes à son usage premier.
- Obreption.
Prononcé en langage démoniaque, le mot claqua brièvement dans l'air, sec et précis. Le changement s'opéra aussi succinctement, presque avec docilité. Nathrae eut un sourire satisfait, passant en revue la fiabilité de son ouvrage. L'essai était plus que concluant. Sans pour autant étouffer leur aura, le sort jouait un rôle beaucoup plus subtil... Fanaël, qui avait suivi son œuvre avec un certain intérêt, fronça légèrement les sourcils, discernant petit à petit le véritable but du sortilège ; il hésita un court instant, mais elle lui épargna sa salive.
- Cela n'empêchera pas les moins résistants de se voir affectés, précisa-t-elle. La différence sera qu'ils seront incapables de dire d'où cela vient, ou en tout cas de le retenir. Simple et complexe à la fois...
Être vu sans l'être. Assez tordu pour qu'un mage s'y laissât prendre malgré toute sa bonne volonté, et largement suffisant pour les moins ouverts aux arcanes. Un Démon serait une autre histoire, cependant... Avec ou sans, le risque de ce point-de-vue-ci ne différait guère.
- Ca ne règle pas spécialement le premier problème, fit-il remarquer tandis qu'elle l'incluait dans le sortilège.
- Non, pas tout à fait, admit-elle. Mais quoi que tu aies à faire, cela ne devrait faciliter que davantage notre progression.
Alors qu'elle tissait un autre sort, de dissipation cette fois, elle l'observa du coin de l'œil. Ils avaient fait halte à une centaine de mètres de la première ligne de tentes. Le tracé des allées improvisées leur apparaissait nettement, sillonnant la plaine au détour des milliers de tentes plantées sur la Mergetale. Les clameurs leur parvenaient clairement à présent, se mêlant aux chants scandés sur une musique entraînante, probablement l'œuvre d'une bande de ménestrels sévissant à quelque carrefour non loin de là. De leur position, ils apercevaient quelques groupes de toute race flânant à l'orée des tentes, errant librement d'une allée à l'autre, jouant parfois des coudes pour se frayer un chemin à travers les artères bondées. Les Joutes avaient rassemblé mille âmes en ces lieux, toute race confondue - ou presque -. On pourrait sans doute trouver tout et n'importe quoi, voire même n'importe qui. Des caravelles entières cheminaient toujours vers Munduce pour se joindre aux festivités. Assurément, quel meilleur endroit pour retrouver quiconque ou quoi que ce soit ? Bien que, songeait Nathrae, aucune certitude n'aurait pu être acquise, et que l'entreprise relèverait de la folie. Peut-être...
Les derniers préparatifs achevés, ils reprirent la descente en silence, marchant à pas vifs, et passèrent la première ligne de tentes. Aussitôt plongés dans l'effervescence, ils ne tardèrent pas à se faufiler, assez facilement, dans l'allée empruntée. Du reste, leur présence funeste suffisait à leur libérer la voie, tandis que les âmes effectuaient un bref écart. A son passage, Nathrae voyait clairement les essences frémir d'effroi, pris à la gorge par une terreur et un désespoir bruts, puis se replier sur elles-mêmes, comme pour étouffer leur existence à un mince filet de vie. Le regard commun y verrait une poignée de visages blêmes, des phrases interrompues le temps d'une seconde, quelques regards fuyants. Une vieille femme naine derrière son étal les regarda passer sans broncher, attendant que le sang eut afflué de nouveau à ses joues pour marmonner qu'elle ne s'y habituerait jamais. Le malaise s'estompa toutefois bien vite alors qu'elle reprenait son marchandage, surveillant d'un œil suspect cet humain au sourire un peu trop avenant qui lorgnait le bijou de sa collection. Comme si rien ne s'était passé.
Jusque là, rien de notoire. Comme elle l'avait présumé, l'on trouvait de tout et de toute origine. Ils avaient apparemment pénétré dans la partie la plus commerciale de la Mergetale ; artisans et colporteurs divers et variés se disputaient la clientèle en vendant à qui mieux mieux. Des bijoux et charmes orciques aux orfèvreries naines, des parchemins de sort aux sabres et épées tout juste sortis de la forge... chaque race du pacte était désireuse de montrer ce qu'elle avait de mieux. C'était une autre manière de faire la guerre, se dit-elle, songeuse, observant un elfe vanter les propriétés d'un parchemin de soin à un jeune nain à l'air dubitatif. Elle sut au premier regard qu'il s'agissait d'une vulgaire pièce de vélin ; elle se contenta de regarder le nain hésiter, incapable de dire s'il était victime d'une escroquerie ou non. Elle détourna les yeux avec un sourire amusé alors qu'il finissait par le troquer contre une amulette, elle aussi fausse. Certaines choses ne changeaient pas...
Fanaël s'était arrêté devant un jeu de Sper, paraissant absorbé par la partie en cours, ignoré par les deux joueurs perdus dans leurs réflexions. Nathrae sentit cependant son attention portée ailleurs. A peine allait-elle tendre son esprit tout aussi furtivement qu'une présence brûlante frôla sa conscience. Fyea frémit. Un Démon.
C'était probablement le pire qui pût leur arriver. Seul un Démon pouvait être susceptible de percevoir la nuance. Qu'ils en fussent arriver au point où l'un d'eux vînt tâter pour disperser un doute ou confirmer un soupçon n'était pas une bonne nouvelle. La réaction de son compagnon de route la surprit : sans se retourner, il la prit par le bras et les fit traverser la foule à grands pas, pour autant sans précipitation. Ils marchèrent un temps, tout juste assez pour voir la présence s'estomper, bien qu'elle fût certaine de la sentir se rétracter de manière volontaire. Il l'entraîna alors entre deux tentes, à l'écart de la foule et des oreilles indiscrètes. Puis, dans un murmure indistinct, à moitié en pensée :
- Nous allons devoir aviser...
- Here I am again:
- 1er RP de la semaine : 1 pièce d'argent. (Si jamais j'arrive un jour à effectuer deux posts hebdomadaires... j'invite tout le monde chez moi.) Edit moi: 1PA ajoutée
Répart environ 50/50 en Conc et Intell, si possible.
Validation Itrenog : 45 Concentration
Dernière édition par Nathrae le Sam 8 Jan 2011 - 13:35, édité 1 fois
Re: Indésirables infiltrés...
[Suite immédiate]
Fanaël en était quasiment certain. La sensation avait été de courte durée, mais ce démon là dégageait une forte aura baignée dans le sang et la mort. Ce n'était pas tant ça qui gênait, mais plus que ceux-ci provenaient d'êtres vivants. Un démon qui avait tué d'innombrables vies sur la surface de Naravel. Beaucoup plus que des siens en Inferës. Cette "odeur" ne devait pas lui valoir une très bonne renommée parmi les siens. Les êtres de la surface étaient réputés faibles pour ceux des Profondeurs. Il devait, de plus, avoir une raison particulière au fait qu'il tue aussi bien des êtres de la surface que des siens; Fanaël la devinait aisément, s'il s'avérait que ses soupçons sur l'identité de ce démon étaient exacts, ce dont il ne doutait pas vraiment. Il ignorait si Nathrae était capable de percevoir l'effluve spécifique de celui-ci par rapport à ceux de son espèce. Si il était bien celui qu'il croyait, de toute façon il y avait très peu de chance que Nathrae l'ait connu, même durant sa longue vie... Alors que toute sa méfiance et ses souvenirs l'assaillaient, il n'avait pas remarqué que son esprit commençait à lui jouer son tour habituel. La présence de Nathrae s'étendit tout autour de lui comme pour le contenir et l'enchaîner. Par réflexe, il tenta de s'extirper en se retournant physiquement vers elle, mais il la découvrit en train de murmurer un sortilège. Cette vision lui causa une drôle de sensation, comme si...
Leurs corps devinrent aussi léger que des nuages. Ils glissèrent lentement entre les interstices des tentes, filant tels des courants d'air entre les passants qui semblaient s'être arrêtés de bouger. Puis Fyea relâcha son étreinte, les déposant à la terrasse ouverte d'une taverne mobile, peu fréquentée. Leur consistance revint aussitôt. Fanaël remit de l'ordre dans son esprit, pour que Nathrae le libère enfin. Son intrusion avait été plutôt désagréable, mais nécessaire: si elle n'avait pas muselé son esprit, l'influence sur toutes les créatures alentours aurait pu être catastrophique. Il semblait clair que Nathrae avait perçu quelque chose, et elle ne tarda pas à le faire remarquer:
- Qu'est-ce qu'il t'a pris? Relâcher tes digues mentales devant tous ces êtres...
Il ne souhaitait pas soutenir son regard. Ces reproches, il en avait eu des milliers de fois, et même plus. Les remparts mentaux constituent les plus élémentaires sécurités des N'Elfir: sans elles, leurs pensées pénétreraient toutes choses, provoquant une sorte de fusion mentale. Ce phénomène relevait plutôt du tabou que de la prouesse chez les N'Armetla. On utilisait constamment les digues pour réguler le flux spirituel, mais il était hors de question de libérer le flot dans plusieurs directions et sans contrôle. Fanaël, d'aussi loin qu'il se souvienne, avait toujours eu du mal à maîtriser cet aspect de la magie N'Elfir, ce qui le condamnait à une maîtrise imparfaite de tous les autres arts mentaux, et, par extension, plutôt maladroit dans les pratiques sophistiquées de la magie. Son manque de maîtrise causait le plus souvent l'exaspération des N'Armetla, quand ce n'était pas une hostilité féroce. La rupture des digues constituait la plupart du temps une agression démesurée, produite volontairement.
- Qu'est-ce que je vous sers?
La voix du Nain tonna comme un coup de gong. Bedonnant, le tavernier était vêtu d'un tablier dont les tâches révélaient une préparation à base de viande dans les cuisines. Il déposa sans plus attendre deux chopes gigantesques et une cruche - que dis-je, un tonneau - d'une boisson répandant une forte odeur de grume fermenté. Ses moustaches beiges dessinaient deux magnifiques pointes recourbées, lui donnant en toute circonstance un air souriant. Il tiqua un peu lorsque la voix froide de Nathrae commanda deux plats du jour, mais acquiesça et s'en retourna à ses fourneaux. L'Elfe Noire reporta son attention sur son compagnon de route, qui refusait toujours de la regarder en face. Ce comportement n'avait plus court chez les N'Elfir depuis des millénaires: la lecture dans les esprits ne permettait pas de se dissimuler très longtemps. Ca demeurait donc futile, et très puéril.
A cette pensée, des rires lointains remontèrent à la surface. Si cristallins... Si purs... Elle se délecta quelques instants de ces souvenirs dont elle avait presque oublié l'existence, puis le contact avec Fyea la poussa à se rassembler sur la situation présente. Mais d'un seul coup, tout avait changé. Sa vision de Fanaël s'était colorée d'une nouvelle manière. Ce geste qu'il avait, si primaire, si méprisable... Elle en comprenait à nouveau le sens. En cet instant, elle percevait une partie d'elle-même à travers lui, qu'elle ne soupçonnait même plus d'exister. Cela ne s'était plus produit depuis...
Elle se décida à engager un dialogue direct avec lui. C'était une chose que jamais un Elfe Noir ne ferait, mais elle avait l'intuition qu'avec lui, elle aurait peut-être plus de chances qu'avec un contact mental.
- Il y a une question que je me pose depuis longtemps. Après avoir passé la frontière des Humains et dépassé Alcantare, tu te dirigeais vers les terres Ezzaranes, mais soudain, ton trajet a bifurqué radicalement pour se diriger vers l'est de Munduce. Pourquoi ce changement brutal?
Fanaël parut apprécier le retrait mental total de Nathrae. Comme il ne répondait pas, elle insista:
- Est-ce que cela a un rapport avec le Medülijjani que tu as attaqué proche des royaumes elfiques?
Tout en observant les passant dans la ruelle non loin de là, il répondit:
- Je ne l'ai pas attaqué, c'était un accident. Je n'ai pas senti son arrivée, et je crois que lui non plus.
Nathrae sourit intérieurement. Ne pas sentir un Elfir arriver était une des pires erreurs que pouvait faire un N'Armetla. D'ailleurs, si elle n'avait pas été là...
- La coïncidence de votre rencontre est tout de même étrange, tu ne trouves pas?
- Ce n'était pas une coïncidence. Et ce n'était pas lui que je devais rencontrer.
L'Elfe Noire était de plus en plus intriguée. Le fait que Fanaël consente à répondre était bien plus encourageant que les quelques bribes d'informations qu'elle avait pu récolter mentalement. Elle était peut-être sur la bonne voie, même si ce procédé lui était inhabituel.
- Tu veux dire que tu as changé de direction pour rencontrer quelqu'un? Qui était-ce?
- Je ne sais pas.
- Tu ne sais pas qui tu devais rencontrer mais tu y es allé quand même?
Il avait perçu le sarcasme dans sa voix. Elle se ravisa et tenta d'une autre manière, en tâchant d'éliminer son jugement sur les actes de Fanaël:
- Tu m'as dit qu' "Il" t'avait donné une mission. Est-ce que tu envisages de ne pas la remplir?
Le tavernier les interrompit en apportant les commandes. Après avoir souhaité le traditionnel "Mouillez vos barbes!", il s'en alla vers une autre table où s'étaient installés des arrivants: quelques Orcs bruyants mais à l'allure sympathique.
- Je peux accomplir ma mission depuis Munduce. A vrai dire, ça me laisse plus de temps pour la préparer.
Nathrae réfléchit au parcours qu'il avait fait, puis à son détour, en reliant avec cette information. Elle en déduisit:
- Ta mission implique des voyageurs entre Ezzarà et Munduce?
Alors qu'elle attendait la réponse, son attention se porta sur le plat du jour pour ceux de la race dont elle semblait faire partie. Un assortiment de petits animaux encore vivants... Non pas que la chose la choquât - elle avait vu de quoi était capable de se nourir les Démons, ceci étant une manière très civilisée de le faire - , mais elle ignorait totalement comment elle devait faire. Elle savait que dévorer le tout avec emphase pouvait se faire dans le feu de l'action, mais elle doutait que cela convenait à une taverne, surtout en pleines joutes. Elle supposait également que de si petits êtres n'allaient guère que calmer son appétit - si tant est qu'elle trouvât le moyen de les assimiler - pour une courte période. Fanaël, devinant son désarroi, se pencha au dessus de sa portion, et prit comme une grande aspiration. Nathrae vit instantanément la vie quitter les pauvres créatures et se fondre dans l'aura de Fanaël. Il fit de même avec le breuvage, même si l'énergie cette fois-ci parut nettement moins concentrée. Il faisait ça avec un tel naturel que c'en était déconcertant. Les Elfes Noirs pouvaient utiliser ce genre d'absorption, mais ils ne considéraient pas du tout cela comme de la nourriture. Cela servait plutôt dans certains rituels particulier, pour mélanger les essences ou transmuter de l'énergie sans utiliser la sienne. Elle se laissa tenter par l'expérience. La sensation de départ fut atroce, et l'aide de Fyea ne fut pas de trop pour dissoudre les consciences rudimentaires des êtres qu'elle absorbait. Mais une fois que la première tentative fut passée, elle la grava dans son esprit pour la réutiliser parfaitement. La forme démoniaque avait une forte composante instinctive qu'elle apprenait petit à petit à débrider progressivement, suivant les conseils de Fanaël, implicites ou explicites. Le maître mot était "plier à sa volonté sans se soucier des conséquences". Ca n'était pas si facile que ça en avait l'air, surtout pour un esprit sur-discipliné, mais ça venait petit à petit.
- Je dois retrouver des personnes pour lui, confia-t-il enfin.
- Quel genre? fit-elle d'un air faussement désinvolte, pour donner l'impression que la réponse ne lui importait pas plus que ça.
- Elles ont des choses qui l'intéressent.
Soit il n'avait pas le droit d'en parler, soit il ne savait pas ce que c'était. A moins qu'il ne veuille pas lui dire. Après tout, il n'était pas obligé de tout lui révéler. A cette pensée, elle buta sur un point:
- Tu as besoin de moi pour les récupérer? s'enquit-elle.
Il ne répondit pas, plongeant son regard dans le vague. Eprise d'une curieuse sensation, Nathrae se tourna mentalement vers Fyea. Celle-ci s'était mise en état de fixité mentale, empêchant son âme d'être lue. Elle s'ouvrit aussitôt à son contact, mais c'était déjà trop tard. La suspicion de Nathrae se mua en quasi-certitude. Elle était à présent intimement persuadée que Fanaël vouait une attention toute particulière à Fyea. N'importe quel N'Elfir avait sa manière propre d'ignorer les Familiers de ses compères. Lui ne fonctionnait absolument pas de cette manière, c'était même comme s'il s'en approchait volontairement. Ceci constituait un autre tabou des N'Armetla: le contact mental avec un autre familier que le sien était fortement réprouvé. La raison en restait assez confuse, mais en cet instant, Nathrae était poussée à y réfléchir. Que se passerait-il si Fanaël et Fyea entraient en contact comme elles le faisaient? Pourquoi chercherait-il à faire une telle chose?
Elle sentit l'influence douce de cette dernière calmer les remous de son esprit. Fyea avait peut-être l'intuition de ses soupçons, même si Nathrae les dissimulait instinctivement. Rien que le fait de penser de telles choses lui donnait l'impression de trahir sa Familière. Imaginer qu'elle puisse la délaisser pour établir un autre lien? Comment osait-elle pensait une telle abjection?
- Toi et Fyea formez une paire assez remarquable... fit Fanaël en revenant à elle. J'espère seulement...
- ... que quoi? trancha Nathrae sur un ton vif.
- As-tu déjà entendu parler des Neutrins?
Nathrae fut frappée si violemment par la question qu'elle fut incapable de réagir quand les souvenirs se superposèrent à l'instant présent. La souffrance. Le déshonneur. Des pleurs... Les chants... de confiance? Retrouvés! Morts... Jamais plus... La force. Espoir. Joie. Horreur... Disparition... Aveugles. Fin. Oubli. Masques. Gouffres. Oubli. Ne jamais revenir. Fermer... Enfermer... Toujours.
Quand l'Elfe Noire revint à elle, ce fut pour entendre:
- Vous avez fini?!
Le nain cuistot n'en était visiblement pas à sa première tentative. Il s'était toutefois abstenu de la toucher ou de lui parler avec agressivité, chose qui n'était pas recommandée auprès des Etres des Profondeurs, même civilisés. Hébétée, elle ne comprit tout d'abord pas vraiment où elle se trouvait, puis le contact discret avec Fyea se fit plus vif, lui remettant les idées en place. Le tavernier ramassa la monnaie que Fanaël avait laissé sur la table... Fanaël!
Elle sonda tous les environs, sans trouver aucune trace de sa présence. Elle se leva d'un bond, et s'en fut sans même tenir compte des regards qui parfois captaient sa silhouette, puis, comme hypnotisés, retournaient à leur repas si passionnant. Elle mit un temps avant de remettre la main sur le fil invisible qui la reliait à Fanaël grâce au sortilège qui les rendait négligeables aux sens des autres. Il n'était pas très loin, et ne semblait pas se déplacer.
Elle se mit en route d'un pas démoniaque, n'hésitant pas à carboniser l'herbe sous ses pieds. Les émotions étaient très différentes du flegme N'Elfir, sous cette forme. Ce qu'elle éprouvait restait toutefois indéfinissable: elle pouvait seulement en sentir l'intensité. S'il avait fallu transcrire pour un humain, cela se serait approché d'un sentiment mêlé de curiosité, de colère, de mélancolie, d'angoisse, d'espoir, de force, d'amertume, de cruauté et de soif.
Elle déboucha enfin sur un grand espace vert, sur lequel avaient été dressé des tapis éparpillés à même le sol. Dessus, d'innombrables êtres se mesuraient silencieusement entre eux, les yeux rivés sur d'étranges cartes scintillantes. Fanaël se tenait debout, observant attentivement la masse de gens assis. Nathrae avait déjà du mal à concevoir le principe des jeux, mais que Fanaël puisse s'y intéresser la dépassait totalement. De toute façon, elle avait bien plus urgent à discuter avec lui. Elle se rapprocha, et attaqua de but en blanc:
- Maintenant, j'ai besoin de savoir.
Visiblement, il l'attendait, car il répliqua aussitôt:
- Tu sauras tout demain au coucher du soleil, si nous ressortons vivants.
- Nous? fit-elle avec une sorte de défiance.
- Oui, je ne peux pas le faire seul.
- De quoi est-il question?
- Pénétrer et ressortir de Munduce sans être reconnus ni attrapés.
Nathrae aurait pu écarquiller ses yeux si son contrôle mental ne l'en avait pas dispensé. Quelle était cette nouvelle folie?!?
- C'est impossible.
C'était une réponse purement pragmatique et totalement évidente. Voyant qu'il ne relevait tout de même pas, elle étoffa son raisonnement:
- Munduce est protégée par des enchantements pluriels, multigénérationnels, embriqués, probablement renforcés pour les Joutes, ainsi que certainement une garnison de sol extérieure, une garnison de muraille et des renforts dans l'enceinte. La moindre tentative ne serait-ce que d'approcher de trop près pourrait être fatale pour des intrus.
Elle distingua un sourire se dessiner sur le profil de Fanaël:
- Vois-tu le groupe de soldats qui jouent là-bas? Ce sont des Legioni assignés à la garde de la Grand-Porte la nuit. Et là-bas, c'est un mage impliqué dans les enchantements de la porte...
- Tu ne comptes tout de même pas...
- Le jeu des Spieri Cartis détend les esprit et concentre l'attention sur la victoire. Nous n'aurons aucun mal à extraire les informations nécessaires.
Elle analysa son plan, tout à fait censé, mais...
- Même si nous arrivons à pénétrer par miracle, nous allons être traqué par toutes les formes armées sans exception. Et en ressortir sera impossible. Briser les protections de la Grand-Porte une seconde fois ne sera pas envisageable.
- Je vous expliquerai chaque phase en son temps. Si toi et Fyea m'aidez, je vous dirai ce que vous voulez savoir avant le prochain crépuscule.
Ce chantage insupportait Nathrae au plus haut point. Il avait décidément des manières exécrables. Mais quelque chose lui disait qu'il n'avait pas le choix. Loin de le considérer en position de force, il semblait réellement avoir besoin de leur aide. Pourquoi, Nathrae l'ignorait encore. Toutefois, ses raisons semblaient trop importantes et dangereuses pour qu'il les révèlent au grand jour. Elle ne pouvait se résoudre à laisser passer un mystère de Naravel entre ses doigts, surtout que celui-ci provoquait chez elle une intuition spécifique. Elle n'était pas encore certaine de ce qu'elle devait faire ou croire, mais il était clair qu'une chose très secrète se tramait autour de Fanaël. Quelque chose qui, elle en était convaincue, allait bouleverser tout ce qu'elle avait connu jusqu'à présent. Maintenant qu'elle l'accompagnait depuis quelque temps, elle ressentait de plus en plus le poids de ce qu'il semblait cacher en lui. Et elle devinait que cela arrivait à terme, comme un oeuf près à éclore. Ca bouillonnait sous la surface. Et elle était là. Elle pouvait voir ce qui sortirait ensuite. Si elle en faisait le choix.
- Allons-y, fit-elle d'un ton décidé.
Le bras de Fanaël se tendit gracieusement dans sa direction, et sa main se retourna, déployant un éventail de Spieri Cartis imprégnées de magie. Il lui transmit mentalement les règles, et tous deux s'aventurèrent sur le terrain de jeu, s'éloignant l'un de l'autre sans se regarder, comme deux inconnus.
Ce fut sans méfiance que les joueurs accompagnant le mage et les Legioni les accueillirent dans leur partie.
Fanaël en était quasiment certain. La sensation avait été de courte durée, mais ce démon là dégageait une forte aura baignée dans le sang et la mort. Ce n'était pas tant ça qui gênait, mais plus que ceux-ci provenaient d'êtres vivants. Un démon qui avait tué d'innombrables vies sur la surface de Naravel. Beaucoup plus que des siens en Inferës. Cette "odeur" ne devait pas lui valoir une très bonne renommée parmi les siens. Les êtres de la surface étaient réputés faibles pour ceux des Profondeurs. Il devait, de plus, avoir une raison particulière au fait qu'il tue aussi bien des êtres de la surface que des siens; Fanaël la devinait aisément, s'il s'avérait que ses soupçons sur l'identité de ce démon étaient exacts, ce dont il ne doutait pas vraiment. Il ignorait si Nathrae était capable de percevoir l'effluve spécifique de celui-ci par rapport à ceux de son espèce. Si il était bien celui qu'il croyait, de toute façon il y avait très peu de chance que Nathrae l'ait connu, même durant sa longue vie... Alors que toute sa méfiance et ses souvenirs l'assaillaient, il n'avait pas remarqué que son esprit commençait à lui jouer son tour habituel. La présence de Nathrae s'étendit tout autour de lui comme pour le contenir et l'enchaîner. Par réflexe, il tenta de s'extirper en se retournant physiquement vers elle, mais il la découvrit en train de murmurer un sortilège. Cette vision lui causa une drôle de sensation, comme si...
Leurs corps devinrent aussi léger que des nuages. Ils glissèrent lentement entre les interstices des tentes, filant tels des courants d'air entre les passants qui semblaient s'être arrêtés de bouger. Puis Fyea relâcha son étreinte, les déposant à la terrasse ouverte d'une taverne mobile, peu fréquentée. Leur consistance revint aussitôt. Fanaël remit de l'ordre dans son esprit, pour que Nathrae le libère enfin. Son intrusion avait été plutôt désagréable, mais nécessaire: si elle n'avait pas muselé son esprit, l'influence sur toutes les créatures alentours aurait pu être catastrophique. Il semblait clair que Nathrae avait perçu quelque chose, et elle ne tarda pas à le faire remarquer:
- Qu'est-ce qu'il t'a pris? Relâcher tes digues mentales devant tous ces êtres...
Il ne souhaitait pas soutenir son regard. Ces reproches, il en avait eu des milliers de fois, et même plus. Les remparts mentaux constituent les plus élémentaires sécurités des N'Elfir: sans elles, leurs pensées pénétreraient toutes choses, provoquant une sorte de fusion mentale. Ce phénomène relevait plutôt du tabou que de la prouesse chez les N'Armetla. On utilisait constamment les digues pour réguler le flux spirituel, mais il était hors de question de libérer le flot dans plusieurs directions et sans contrôle. Fanaël, d'aussi loin qu'il se souvienne, avait toujours eu du mal à maîtriser cet aspect de la magie N'Elfir, ce qui le condamnait à une maîtrise imparfaite de tous les autres arts mentaux, et, par extension, plutôt maladroit dans les pratiques sophistiquées de la magie. Son manque de maîtrise causait le plus souvent l'exaspération des N'Armetla, quand ce n'était pas une hostilité féroce. La rupture des digues constituait la plupart du temps une agression démesurée, produite volontairement.
- Qu'est-ce que je vous sers?
La voix du Nain tonna comme un coup de gong. Bedonnant, le tavernier était vêtu d'un tablier dont les tâches révélaient une préparation à base de viande dans les cuisines. Il déposa sans plus attendre deux chopes gigantesques et une cruche - que dis-je, un tonneau - d'une boisson répandant une forte odeur de grume fermenté. Ses moustaches beiges dessinaient deux magnifiques pointes recourbées, lui donnant en toute circonstance un air souriant. Il tiqua un peu lorsque la voix froide de Nathrae commanda deux plats du jour, mais acquiesça et s'en retourna à ses fourneaux. L'Elfe Noire reporta son attention sur son compagnon de route, qui refusait toujours de la regarder en face. Ce comportement n'avait plus court chez les N'Elfir depuis des millénaires: la lecture dans les esprits ne permettait pas de se dissimuler très longtemps. Ca demeurait donc futile, et très puéril.
A cette pensée, des rires lointains remontèrent à la surface. Si cristallins... Si purs... Elle se délecta quelques instants de ces souvenirs dont elle avait presque oublié l'existence, puis le contact avec Fyea la poussa à se rassembler sur la situation présente. Mais d'un seul coup, tout avait changé. Sa vision de Fanaël s'était colorée d'une nouvelle manière. Ce geste qu'il avait, si primaire, si méprisable... Elle en comprenait à nouveau le sens. En cet instant, elle percevait une partie d'elle-même à travers lui, qu'elle ne soupçonnait même plus d'exister. Cela ne s'était plus produit depuis...
Elle se décida à engager un dialogue direct avec lui. C'était une chose que jamais un Elfe Noir ne ferait, mais elle avait l'intuition qu'avec lui, elle aurait peut-être plus de chances qu'avec un contact mental.
- Il y a une question que je me pose depuis longtemps. Après avoir passé la frontière des Humains et dépassé Alcantare, tu te dirigeais vers les terres Ezzaranes, mais soudain, ton trajet a bifurqué radicalement pour se diriger vers l'est de Munduce. Pourquoi ce changement brutal?
Fanaël parut apprécier le retrait mental total de Nathrae. Comme il ne répondait pas, elle insista:
- Est-ce que cela a un rapport avec le Medülijjani que tu as attaqué proche des royaumes elfiques?
Tout en observant les passant dans la ruelle non loin de là, il répondit:
- Je ne l'ai pas attaqué, c'était un accident. Je n'ai pas senti son arrivée, et je crois que lui non plus.
Nathrae sourit intérieurement. Ne pas sentir un Elfir arriver était une des pires erreurs que pouvait faire un N'Armetla. D'ailleurs, si elle n'avait pas été là...
- La coïncidence de votre rencontre est tout de même étrange, tu ne trouves pas?
- Ce n'était pas une coïncidence. Et ce n'était pas lui que je devais rencontrer.
L'Elfe Noire était de plus en plus intriguée. Le fait que Fanaël consente à répondre était bien plus encourageant que les quelques bribes d'informations qu'elle avait pu récolter mentalement. Elle était peut-être sur la bonne voie, même si ce procédé lui était inhabituel.
- Tu veux dire que tu as changé de direction pour rencontrer quelqu'un? Qui était-ce?
- Je ne sais pas.
- Tu ne sais pas qui tu devais rencontrer mais tu y es allé quand même?
Il avait perçu le sarcasme dans sa voix. Elle se ravisa et tenta d'une autre manière, en tâchant d'éliminer son jugement sur les actes de Fanaël:
- Tu m'as dit qu' "Il" t'avait donné une mission. Est-ce que tu envisages de ne pas la remplir?
Le tavernier les interrompit en apportant les commandes. Après avoir souhaité le traditionnel "Mouillez vos barbes!", il s'en alla vers une autre table où s'étaient installés des arrivants: quelques Orcs bruyants mais à l'allure sympathique.
- Je peux accomplir ma mission depuis Munduce. A vrai dire, ça me laisse plus de temps pour la préparer.
Nathrae réfléchit au parcours qu'il avait fait, puis à son détour, en reliant avec cette information. Elle en déduisit:
- Ta mission implique des voyageurs entre Ezzarà et Munduce?
Alors qu'elle attendait la réponse, son attention se porta sur le plat du jour pour ceux de la race dont elle semblait faire partie. Un assortiment de petits animaux encore vivants... Non pas que la chose la choquât - elle avait vu de quoi était capable de se nourir les Démons, ceci étant une manière très civilisée de le faire - , mais elle ignorait totalement comment elle devait faire. Elle savait que dévorer le tout avec emphase pouvait se faire dans le feu de l'action, mais elle doutait que cela convenait à une taverne, surtout en pleines joutes. Elle supposait également que de si petits êtres n'allaient guère que calmer son appétit - si tant est qu'elle trouvât le moyen de les assimiler - pour une courte période. Fanaël, devinant son désarroi, se pencha au dessus de sa portion, et prit comme une grande aspiration. Nathrae vit instantanément la vie quitter les pauvres créatures et se fondre dans l'aura de Fanaël. Il fit de même avec le breuvage, même si l'énergie cette fois-ci parut nettement moins concentrée. Il faisait ça avec un tel naturel que c'en était déconcertant. Les Elfes Noirs pouvaient utiliser ce genre d'absorption, mais ils ne considéraient pas du tout cela comme de la nourriture. Cela servait plutôt dans certains rituels particulier, pour mélanger les essences ou transmuter de l'énergie sans utiliser la sienne. Elle se laissa tenter par l'expérience. La sensation de départ fut atroce, et l'aide de Fyea ne fut pas de trop pour dissoudre les consciences rudimentaires des êtres qu'elle absorbait. Mais une fois que la première tentative fut passée, elle la grava dans son esprit pour la réutiliser parfaitement. La forme démoniaque avait une forte composante instinctive qu'elle apprenait petit à petit à débrider progressivement, suivant les conseils de Fanaël, implicites ou explicites. Le maître mot était "plier à sa volonté sans se soucier des conséquences". Ca n'était pas si facile que ça en avait l'air, surtout pour un esprit sur-discipliné, mais ça venait petit à petit.
- Je dois retrouver des personnes pour lui, confia-t-il enfin.
- Quel genre? fit-elle d'un air faussement désinvolte, pour donner l'impression que la réponse ne lui importait pas plus que ça.
- Elles ont des choses qui l'intéressent.
Soit il n'avait pas le droit d'en parler, soit il ne savait pas ce que c'était. A moins qu'il ne veuille pas lui dire. Après tout, il n'était pas obligé de tout lui révéler. A cette pensée, elle buta sur un point:
- Tu as besoin de moi pour les récupérer? s'enquit-elle.
Il ne répondit pas, plongeant son regard dans le vague. Eprise d'une curieuse sensation, Nathrae se tourna mentalement vers Fyea. Celle-ci s'était mise en état de fixité mentale, empêchant son âme d'être lue. Elle s'ouvrit aussitôt à son contact, mais c'était déjà trop tard. La suspicion de Nathrae se mua en quasi-certitude. Elle était à présent intimement persuadée que Fanaël vouait une attention toute particulière à Fyea. N'importe quel N'Elfir avait sa manière propre d'ignorer les Familiers de ses compères. Lui ne fonctionnait absolument pas de cette manière, c'était même comme s'il s'en approchait volontairement. Ceci constituait un autre tabou des N'Armetla: le contact mental avec un autre familier que le sien était fortement réprouvé. La raison en restait assez confuse, mais en cet instant, Nathrae était poussée à y réfléchir. Que se passerait-il si Fanaël et Fyea entraient en contact comme elles le faisaient? Pourquoi chercherait-il à faire une telle chose?
Elle sentit l'influence douce de cette dernière calmer les remous de son esprit. Fyea avait peut-être l'intuition de ses soupçons, même si Nathrae les dissimulait instinctivement. Rien que le fait de penser de telles choses lui donnait l'impression de trahir sa Familière. Imaginer qu'elle puisse la délaisser pour établir un autre lien? Comment osait-elle pensait une telle abjection?
- Toi et Fyea formez une paire assez remarquable... fit Fanaël en revenant à elle. J'espère seulement...
- ... que quoi? trancha Nathrae sur un ton vif.
- As-tu déjà entendu parler des Neutrins?
Nathrae fut frappée si violemment par la question qu'elle fut incapable de réagir quand les souvenirs se superposèrent à l'instant présent. La souffrance. Le déshonneur. Des pleurs... Les chants... de confiance? Retrouvés! Morts... Jamais plus... La force. Espoir. Joie. Horreur... Disparition... Aveugles. Fin. Oubli. Masques. Gouffres. Oubli. Ne jamais revenir. Fermer... Enfermer... Toujours.
Quand l'Elfe Noire revint à elle, ce fut pour entendre:
- Vous avez fini?!
Le nain cuistot n'en était visiblement pas à sa première tentative. Il s'était toutefois abstenu de la toucher ou de lui parler avec agressivité, chose qui n'était pas recommandée auprès des Etres des Profondeurs, même civilisés. Hébétée, elle ne comprit tout d'abord pas vraiment où elle se trouvait, puis le contact discret avec Fyea se fit plus vif, lui remettant les idées en place. Le tavernier ramassa la monnaie que Fanaël avait laissé sur la table... Fanaël!
Elle sonda tous les environs, sans trouver aucune trace de sa présence. Elle se leva d'un bond, et s'en fut sans même tenir compte des regards qui parfois captaient sa silhouette, puis, comme hypnotisés, retournaient à leur repas si passionnant. Elle mit un temps avant de remettre la main sur le fil invisible qui la reliait à Fanaël grâce au sortilège qui les rendait négligeables aux sens des autres. Il n'était pas très loin, et ne semblait pas se déplacer.
Elle se mit en route d'un pas démoniaque, n'hésitant pas à carboniser l'herbe sous ses pieds. Les émotions étaient très différentes du flegme N'Elfir, sous cette forme. Ce qu'elle éprouvait restait toutefois indéfinissable: elle pouvait seulement en sentir l'intensité. S'il avait fallu transcrire pour un humain, cela se serait approché d'un sentiment mêlé de curiosité, de colère, de mélancolie, d'angoisse, d'espoir, de force, d'amertume, de cruauté et de soif.
Elle déboucha enfin sur un grand espace vert, sur lequel avaient été dressé des tapis éparpillés à même le sol. Dessus, d'innombrables êtres se mesuraient silencieusement entre eux, les yeux rivés sur d'étranges cartes scintillantes. Fanaël se tenait debout, observant attentivement la masse de gens assis. Nathrae avait déjà du mal à concevoir le principe des jeux, mais que Fanaël puisse s'y intéresser la dépassait totalement. De toute façon, elle avait bien plus urgent à discuter avec lui. Elle se rapprocha, et attaqua de but en blanc:
- Maintenant, j'ai besoin de savoir.
Visiblement, il l'attendait, car il répliqua aussitôt:
- Tu sauras tout demain au coucher du soleil, si nous ressortons vivants.
- Nous? fit-elle avec une sorte de défiance.
- Oui, je ne peux pas le faire seul.
- De quoi est-il question?
- Pénétrer et ressortir de Munduce sans être reconnus ni attrapés.
Nathrae aurait pu écarquiller ses yeux si son contrôle mental ne l'en avait pas dispensé. Quelle était cette nouvelle folie?!?
- C'est impossible.
C'était une réponse purement pragmatique et totalement évidente. Voyant qu'il ne relevait tout de même pas, elle étoffa son raisonnement:
- Munduce est protégée par des enchantements pluriels, multigénérationnels, embriqués, probablement renforcés pour les Joutes, ainsi que certainement une garnison de sol extérieure, une garnison de muraille et des renforts dans l'enceinte. La moindre tentative ne serait-ce que d'approcher de trop près pourrait être fatale pour des intrus.
Elle distingua un sourire se dessiner sur le profil de Fanaël:
- Vois-tu le groupe de soldats qui jouent là-bas? Ce sont des Legioni assignés à la garde de la Grand-Porte la nuit. Et là-bas, c'est un mage impliqué dans les enchantements de la porte...
- Tu ne comptes tout de même pas...
- Le jeu des Spieri Cartis détend les esprit et concentre l'attention sur la victoire. Nous n'aurons aucun mal à extraire les informations nécessaires.
Elle analysa son plan, tout à fait censé, mais...
- Même si nous arrivons à pénétrer par miracle, nous allons être traqué par toutes les formes armées sans exception. Et en ressortir sera impossible. Briser les protections de la Grand-Porte une seconde fois ne sera pas envisageable.
- Je vous expliquerai chaque phase en son temps. Si toi et Fyea m'aidez, je vous dirai ce que vous voulez savoir avant le prochain crépuscule.
Ce chantage insupportait Nathrae au plus haut point. Il avait décidément des manières exécrables. Mais quelque chose lui disait qu'il n'avait pas le choix. Loin de le considérer en position de force, il semblait réellement avoir besoin de leur aide. Pourquoi, Nathrae l'ignorait encore. Toutefois, ses raisons semblaient trop importantes et dangereuses pour qu'il les révèlent au grand jour. Elle ne pouvait se résoudre à laisser passer un mystère de Naravel entre ses doigts, surtout que celui-ci provoquait chez elle une intuition spécifique. Elle n'était pas encore certaine de ce qu'elle devait faire ou croire, mais il était clair qu'une chose très secrète se tramait autour de Fanaël. Quelque chose qui, elle en était convaincue, allait bouleverser tout ce qu'elle avait connu jusqu'à présent. Maintenant qu'elle l'accompagnait depuis quelque temps, elle ressentait de plus en plus le poids de ce qu'il semblait cacher en lui. Et elle devinait que cela arrivait à terme, comme un oeuf près à éclore. Ca bouillonnait sous la surface. Et elle était là. Elle pouvait voir ce qui sortirait ensuite. Si elle en faisait le choix.
- Allons-y, fit-elle d'un ton décidé.
Le bras de Fanaël se tendit gracieusement dans sa direction, et sa main se retourna, déployant un éventail de Spieri Cartis imprégnées de magie. Il lui transmit mentalement les règles, et tous deux s'aventurèrent sur le terrain de jeu, s'éloignant l'un de l'autre sans se regarder, comme deux inconnus.
Ce fut sans méfiance que les joueurs accompagnant le mage et les Legioni les accueillirent dans leur partie.
* *
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*
- Spoiler:
- Ahah... Une petite partie de Sper pour moi (tu fais comme tu veux si tu veux la faire vraiment ou pas).
Tu sais déjà ce qu'il va se passer à l'aube du jour suivant, à toi de voir si tu veux raconter entre temps, ou enchaîner sur directement après ce que raconte le RP Principal (auquel cas je serai là pour voir avec toi ce qu'on pourrait faire =) )
J'espère que ça plaira é_è (et pfiouuu purée ce que ça fait du bien de RP!!! @_@)
Prochain épisodes: révélations sur la mission de Fanaël, les enjeux, et ptet quelques trucs sur son passé. ptet des trucs inédits aussi et pis bien sûr quelques infos sur les Neutrins de Naravel (ceux qui savent déjà quelques petites choses, vous aurez quand même des détails supplémentaires parce que vous savez pas tout =D )
Voilà voilàààà! Merci aux lecteurs/commentateurs =D
- Spoiler:
- 1er RP de la semaine: 1 Pièce d'A ^^
Capaz équilibrées
Validation Itrenog : 8 Pièces D'Argent
Re: Indésirables infiltrés...
[Suite immédiate de ce post-ci. Plus précisément, la seconde partie du post mentionné: après avoir fait diversion autour du palais du Duce, une ombre animale rejoint ses deux compères au nord-est de la cité, et ils s'engouffrent dans un passage secret, échappant à la traque des Nains et des Legioni.]
La silhouette longiligne, plus grande qu'un humain se redressa dans la pénombre, et ses yeux de braise parcoururent l'espace vide dans lequel elle venait de déboucher. Bientôt, sans aucun bruit, un tourbillon de brume encore plus ténébreuse que la pièce se matérialisa à l'embouchure du conduit, qui se dissipa rapidement en révélant ce qui semblait être une démone dont la peau ornées d'arabesque rouge sombre pulsait doucement. Elle ausculta également la pièce, avant que leur dernier complice ne s'infiltre dans l'espace tel un serpent immatériel. La première créature à être entrée prononça:
- Ebren Natjib'...
Les mots frappèrent les murs avec violence, provoquant une secousse. Des bruits d'objets brisés et de métal retentirent dans la pièce, puis le calme revint. Une voix plus féminine murmura une incantation beaucoup plus recherchée, qui cette fois-ci provoqua un sort de répulsion étincelant. Celui-ci manqua de frapper son auteure, mais la forme spectrale féline qui l'accompagnait se mit devant, et absorba le trait mortel sans mal. La stupeur étant passée, la démone fit:
- Un enchantement répulseur... Plutôt bien fait, remarqua la voix féminine.
- Merci.
La démone sembla surprise, puisqu'elle demanda:
- C'est toi qui l'as fait?
... se surprenant elle-même de laisser ainsi paraître son état émotionnel primitif. Son interlocuteur s'approcha d'une paroi et posa sa main dessus. Il répondit avec un amusement sous-jacent en réaction au relâchement instinctif de sa complice:
- Oui, il y a longtemps.
- Pourquoi avoir tenter de forcer ton propre enchantement?
- C'était un test.
Il n'y eut pas besoin de mot pour comprendre le sarcasme qui effleurait l'esprit de la démone en cet instant. Puis, soudain, son état d'esprit changea, comme si elle venait de comprendre quelque chose qui effaçait le ressenti précédent. Son regard se déporta sur le mur, comme si elle regardait au travers. Lentement, elle vint elle aussi toucher la paroi.
- Ce n'est pas... un enchantement répulseur! souffla-t-elle, grisée par la magie qui frémissait sous ses doigts.
Son compagnon esquissa un sourire devant sa perspicacité, qui révéla sa dentition démoniaque féroce. Le voir ainsi de profil, arborant une transformation parfaite vers une espèce différente, et savoir qu'il était l'auteur de l'enchantement autour d'eux...
- Puis-je...?
Leur dialogue devenait de plus en plus superflu. Même si la confiance entre eux était encore très ténue, elle commençait à s'instaurer, et le mépris que matérialisait le dialogue oral allait bientôt pouvoir s'abolir. L'absence de refus qu'elle perçut sonna comme un consentement muet. Elle plongea son esprit dans la magie, se déployant dans l'enchantement pour l'analyser entièrement. Elle s'était complètement fourvoyée en se focalisant sur les apparences. Tout d'abord, l'enchantement captait la magie de celui qui agissait sur lui. Il entrait en résonance avec et restituait le tout. C'était d'une ingéniosité remarquable. Elle ne tarda pas à se rendre compte que sa compréhension était possible parce que Fanaël était là avec elle. Ce qui entraînait quelque chose de bien plus inattendu qu'elle pouvait imaginer. Il lui avait laissé accès à certaines de ses pensées, sans même qu'elle s'en rende compte. La forme démoniaque semblait brouiller de plus en plus sa conscience des actes magiques, comme s'ils devenaient naturels, inhérents à sa condition. Le sort qu'il lui avait enseigné ne ressemblait pas du tout aux rituels de transformation courants. Ceux-ci étaient ponctuels et superficiels, alors que depuis l'instant où il avait révélé la part démoniaque en elles, le rituel ne cessait d'agir. Il façonnait chaque recoin de leurs êtres pour les convertir totalement dans la nouvelle nature. C'était une transformation ultime. Ils ne semblaient pas. Ils devenaient.
C'était si terrifiant de s'en rendre compte, qu'à présent elle comprenait pourquoi jamais elle n'aurait pensé à user d'une telle magie; la conversion pouvait être définitive. Etait-ce cela qui était arrivé à Fanaël? Etait-ce pour cette raison qu'il était devenu si étrange, si anormal? Cela expliquerait pas mal de choses. Mais cela voulait dire qu'elle aussi allait changer? Etait-il déjà trop tard?
Brusquement, la magie sous ses doigts la tira de sa torpeur. Fanaël venait d'insuffler à nouveau son premier sort. Comme si son précédent raisonnement avait accéléré sa conversion, elle décela immédiatement ce qu'il faisait. L'enchantement était extrêmement bien pensé: aucun sort ne pouvait l'ouvrir, et en même temps, tous pouvaient le faire. Aucun mage traditionnel ne pouvait le délier sans comprendre la solution qui le gouvernait. Il n'était nulle question de trouver la puissance ou l'incantation adéquate pour ouvrir, ce qui était pratiquement toujours le cas. Il fallait prononcer un sort, n'importe lequel, et de préférence non nocif. Celui-ci réglait l'enchantement sur une fréquence, qu'il fallait répéter pour désenclencher la protection.
Si on lançait un contresort, celui-ci était renvoyé vers l'auteur immédiatement. N'importe quelle forme de magie était renvoyée lors de la première tentative. Ce que n'importe quel mage - s'il survivait à son propre sort, ce qui était très peu probable - interpréterait comme un échec. Ainsi, il tenterait un autre sort, ce qui provoquerait une nouvelle fréquence et une nouvelle riposte.
Le système était d'une habileté stupéfiante.
Grâce au sort mineur de Fanaël, l'enchantement se dissipa pour révéler deux portes simples. Elle n'en revenait pas qu'il ait placé un enchantement qui se déverrouillait par des sorts aussi faibles que celui qu'il avait utilisé. C'était ridicule et terriblement brillant.
Mais bientôt, elle revint à une inquiétude bien plus pesante. Elle demanda:
- Fanaël... La transformation...
- ... Sans risque pour toi, tant que Fyea est à tes côtés.
Elle hésita un moment avant de suggérer la suite:
- Ton Familier n'est pas ici...
Il détourna la tête comme si cette pensée le blessait. Nathrae venait de mettre le doigt sur un mystère de plus, qui semblait plus important qu'il n'y paraissait. Elle retint son impatience. Il avait dit qu'il lui dirait ce qu'elle voudrait savoir après être sorti de cette cité. Ce qui la ramena à leur situation présente. Empressée, elle leva les yeux sur les portes qu'ils venaient de mettre à jour, et demanda:
- Laquelle?
- Aucune.
Fanaël s'avança droit sur le mur entre les deux portes, et le traversa telle une illusion. Il n'en finissait pas de l'émerveiller. Elle traversa et se retrouva dans un couloir où il les attendait.
- Ingénieux. Si on avait choisi une porte?
- Un sort mortel.
Rien que ça. Et bien...
- Combien y a-t-il de protections?
- Autant que d'intrusions.
- Il en reste donc une...
Elle parcourut le couloir des yeux. Il était aménagé avec une voûte à peine plus grande qu'eux, et n'était guère étroit. Il descendait dans le noir total. La lumière ne venait d'aucune part, ce qui était négligeable pour leurs yeux.
- Je suppose que si on nous invite à descendre, il ne faut surtout pas le faire.
Il acquiesça. Deviner ce que Fanaël avait bien pu penser en créant cette protection était très intéressant. Peut-être allait-elle comprendre un peu mieux sa logique. Evitant de profiter de leur contact mental pour ne bénéficier d'aucune aide, elle raisonna à haute voix:
- Peut-être faut-il passer à nouveau par là où ça ne semble pas possible. Par les murs. Mais cela ressemblerait trop aux épreuves précédentes. Dans ce cas...
Elle fit un demi-tour complet, faisant face à là d'où ils venaient.
- Il faut revenir en arrière?
- Bien pensé. Mais ce n'est pas tout à fait ça. Il ne faut pas revenir en arrière. Il faut faire venir la porte à soi.
Nathrae se doutait bien qu'il manquait un point, ça ne pouvait pas être que simplement une énigme. Elle se demanda comment elle pouvait faire venir une porte à elle. A part l'arracher de ses gonds... Mais il ne s'agissait probablement pas de ce genre de porte. Comment appeler une porte magique? Elle retournait toutes les incantations possibles, mais rien ne lui venait. Il n'y avait aucun moyen d'appeler de l'immatériel à soit, s'il était inanimé. Soudain, elle pensa à quelque chose. Les Démons n'envisageaient pas l'échec. Leur langage n'avait pas de limite. Si ils voulaient quelque chose, ils l'ordonnaient sans se soucier de si c'était possible ou non. Elle tenta alors:
- Mar'd'na rajpadd'r fwon rahl!
Soudain, le mur face à eux s'avança vers eux à une vitesse folle. Nathrae se protégea pour éviter le choc, mais rien ne se produisit. Un vent surnaturel souffla face à eux, tandis qu'ils traversaient un tunnel d'étincelles qui fusaient comme des étoiles filantes. Elles piquaient agréablement la peau. Elle se rendit bientôt compte que ces flammèches brûlaient réellement. Sans être sous forme démoniaque ou disposer d'un sort de protection, ce passage aurait causé de lourds dégâts, voire la mort.
Puis soudain, ils débouchèrent dans une pièce. La lumière aveuglante d'un brasier les agressa. Une fois qu'ils se furent habitués, ils sortirent de la grande alcôve où ils avaient atterri. Les arrivants se trouvaient dans une pièce circulaire pourvue de 6 alcôve comme la leur, bardée d'inscriptions occultes. Un brasier intense brûlait au centre de la pièce, dans un grand calice doré. Ce feu n'était pas naturel: sa source provenait du calice, dont l'aura dégageait une aura intense. L'objet était suspendu par 6 chaînes reliées au sommet des alcôves, des visages grimaçant plusieurs émotions diverses. L'air empestait la magie et l'odeur humaines. Fanaël intervint à haute voix:
- Suivez-moi et ne dites rien. Restez vigilantes.
Il se dirigea vers l'issue de la salle, et elles lui emboîtèrent le pas en silence. Nathrae ne savait que deux choses: ils devaient trouver quelqu'un et ce quelqu'un était en contact avec les dangereux Ange Neri, les maîtres assassins de Munduce. Cette personne devait disposer d'une chose que Fanaël nécessitait au plus haut point, pour braver tant de dangers. Alors qu'ils pénétraient dans une nouvelle salle, après une volée de marche de pierres, son allié stopa net devant elle et l'arrêta par une intimidation mentale. Elle comprit vite pourquoi:
- Tiens, tiens, tiens... Qui voilà? fit une voix masculine humaine d'un ton sarcastique.
Il avait inconsciemment repoussée pour qu'elle ne soit pas vue. Elle utilisa un sort pour voir ce qui se passait au dessus. Sept humains. Non, huit. L'un d'eux semblait prisonnier. Son esprit était si faible qu'il devait être sur le point de mourir. Elle replia instinctivement son esprit en sentant celui de Fanaël frôler sa conscience. Puis elle décida de le laisser passer un peu. Il lui donnait accès à un autre esprit... Le prisonnier!
Ses soupçons se confirmaient: son état était critique. Il n'en avait plus pour très longtemps. On l'avait torturé. Sa douleur même était difficile à supportait. Cependant, une chose d'une puissance insoupçonnée émanait de lui. C'était comme un appel. Un appel d'une telle détresse... Cela provoquait une envie irrésistible de le secourir, de le tirer de cette souffrance qui le terrassait. Une colère sourde s'empara de Nathrae avant qu'elle comprenne que tout ceci était à l'intérieur de Fanaël. C'était cet être qui avait appelé Fanaël ici. C'était cet appel qui l'avait mené jusqu'ici, malgré le danger mortel que cela représentait.
Pourquoi tenait-il à lui montrer ceci? Quel était ce lien si fort qui liait ces deux êtres?
- Voici donc ton démon, sorcier... Il était temps qu'il vienne à ton secours. A moins qu'il ne veuille te voir souffrir.
La colère de Fanaël blessa Nathrae, qui se réfugia mentalement aussitôt auprès de Fyea. Les humains poussèrent des cris de douleur et soudain, l'intrus fondit sur eux.
°° Libère-le!!! °°
Nathrae bondit hors de sa cachette et envoya une vague pourpre devant elle, éjecta trois des ennemis sur les parois. Elle s'élança vers le prisonnier, attaché à une croix de torture. Celle-ci était parcourue d'un enchantement funeste qui provoquait mille tourments à chaque instant. Son mépris pour les humains ne put que croître devant une telle utilisation de la magie. Hélas, le libérer allait s'avérer compliqué: elle ne pouvait le tirer de là sans risquer de le tuer, ce qui n'était probablement pas le but de Fanaël. Et de plus...
Un rugissement retentit derrière elle, et une douleur atroce la prit aux côtes. Elle se retourna juste à temps pour voir Fyea projetée sur le sol, puis se relever difficilement avec un jappement. Un marteau magique!
- Ahaha! Comme si de simples démons allaient nous faire peur...
La situation était bien plus périlleuse qu'elles ne l'avaient imaginé. Ces humains n'étaient pas des Legioni. Ils disposaient de multitudes d'armes et toutes portaient des enchantements puissants. Et ils semblaient experts en combat. De plus, la force de celui qui avait frappé était bien supérieure à la moyenne. Etait-ce cela, des Ange Neri?
Une onde de choc explosa soudain de Fanaël, et frappa tout le monde. Nathrae eut à peine le temps de créer une protection spéciale qu'elle avait mise au point pour les cas comme celui-ci. Deux sphères occultes apparurent autour d'elles, repoussant toute la magie pendant quelques seconde. Le ricochet s'abattit à nouveau sur les cibles, provoquant un nouveau capharnaüm. Quand le calme revint, la pièce était à moitié détruite, le plafond s'était écroulé.
°° Fanaël!!!°°
Il y eut un temps, pendant lequel Nathrae dissipa la protection ultime. Elle n'avait pas eu le temps de penser à lui, mais elle ne doutait pas qu'il dispose de la parade à sa propre attaque. Brusquement, un tas de pierres se désintégra, et il se redressa. La défense de sa compère ne l'avait pas blessé, en revanche...
- Ce n'est rien. Echappons-nous d'ici.
Il ignora le large filet de sang démoniaque qui ruisselait sur son torse et s'avança vers elle. Son esprit était complètement fermé. Nathrae était sûre qu'il faisait ça pour lui épargner la douleur. Il avait été probablement frappé par une arme enchantée.
- Laisse-moi voir ça... commença-t-elle.
- Non! trancha-t-il. Occupe toi de lui. Je me débrouillerai.
Elle mit un temps avant de renoncer devant sa hargne. Cet être semblait vraiment important. Elle se tourna vers l'humain, et prononça de quoi atténuer l'enchantement de torture. Ensuite, elle le sortit avec précaution de ses chaînes. Elle le rattrapa avant qu'il ne s'écroule au sol, et prononça une formule de premiers soins. Fanaël l'interrompit quand elle commença des incantations plus poussées:
- Ils ne sont pas morts. Et d'autres vont venir. Nous devons partir. Tout de suite!
Nathrae s'apprêtait à protester, mais elle sonda les pierres, et comprit que leurs adversaires n'étaient que blessés. Leurs équipements magiques les avaient épargnés de la mort. Ils se réveilleraient et sortiraient de dessous les pierres. Il avait raison. Ainsi, c'était ça les Ange Neri? De redoutables guerriers...
- Porte-le, s'il te plait. Je m'occuperai de dégager notre route. Fyea, couvre nos arrières et protège Nathrae.
Il s'élança sans attendre de réponse. Nathrae lança un sort de lévitation sur leur précieux rescapé et le suivit, talonnée de près par Fyea, dont les protections magiques commençaient à se renforcer, de plus en plus nombreuses. Fanaël ne cessait de prononcer des phrases en langage de magie, qui défonçaient les obstacles qu'ils croisaient. Nathrae n'avait aucune idée du plan qu'il avait pour sortir de ce guêpier, mais il semblait en avoir un.
- Halte-là!!! Qui êtes-v...
- Rashattra!!
La force inouie de la volonté exprimée par ce seul mot comprima le chef d'escouade au sol. Fanaël dégaina son lied de combat et embrocha le premier à sa portée. Il virevolta et en assomma un autre, avant de libérer une salve de sa main libre. La partie invisible de son arme cloua le dernier éléments au mur. Il fit signe à Nathrae de passer. Dès que ce fut le cas, il bondit derrière elle et prononça un sort pour faire s'écrouler le conduit derrière eux. Mais soudain, une ombre s’abattit sur lui et les fit rouler dans l'obscurité. Nathrae stoppa sa course. Fyea se transforma en un rideau de fumée noire protecteur. Sa maîtresse en profita pour améliorer les soins sur l'humain, que ce trajet agité malmenait. Elle ne disposait que de peu d'information sur son système vital, ce qui compliquait lourdement sa tâche. Pour l'instant, elle ne pouvait qu'atténuer sa douleur, lui donner de l'énergie. Elle ne savait pas de quelles influences il fallait le protéger, s'il fallait le réchauffer ou le refroidir. Peut-être de la nouriture... Mais il ne semblait pas en état de se nourir, et elle serait bien incapable de choisir ce qui pourrait lui convenir. Les humains mangeaient tant de choses répugnantes et mauvaises... Ils ne savaient même pas ce qui était bon pour eux-mêmes...
La protection de Fyea s'estompa. Nathrae dût se maîtriser pour ne pas montrer ses émotions. Fanaël était agenouillé devant la dépouille de son adversaire, son lied planté dans sa poitrine. Du sang coulait à présent aussi de son crâne, et quand il se releva, ce fut avec peine. Les blessures infligées par les Ange Neri n'avaient rien de commun. Percevant son inquiétude malgré sa dissimulation, il fit d'une voix haletante:
- Allons-y. D'autres arrivent.
Elle s'éxécuta. A ce train, il ne survivrait pas aux assauts répétés d'Ange Neri. C'était étrange qu'il se fasse autant blessé. On aurait dit qu'il ne prenait aucune précaution. Comme si...
- Par là...
Ils bifurquèrent dans un étroit conduit qui se termina par un escalier en colimaçon, que Fanaël monta 4 à 4.
- Es-tu sûr que c'est le chemin? On dirait...
- Nous nous approchons du coeur de ce repère des Ange Neri. Tout en haut se trouve leur volière. Nous nous échapperons par le ciel.
Elle n'en revenait pas d'une telle folie.
- C'est impossible, nous allons...
Un ennemi surgit au dessus d'eux, armé d'une pointe exhalant une odeur de mort étrange. Fanaël évita le coup mortel de justesse, et frappa le guerrier qui la tenait de ses pieds. Celui-ci poussa un cri de surprise. C'était une femme. Elle n'eut pas le temps de se relever que déjà la lame de son adversaire la transperçait de part en part. Elle mourut avec un sourire aux lèvres. Fanaël recula en titubant. La pointe ensorcelée partie en fumée, signe qu'elle était créée à partir de magie noire. Le vainqueur essaya le sang de son menton, et regarda Nathrae dans les yeux.
- Fais moi confiance. Comme cette fois-là...
Les derniers mots la percutèrent sans ménage. Des images se superposèrent à sa vision actuelle. Des images qui lui semblaient familières, mais incompréhensibles... Quelque chose la poussait à l'écouter. Et pourtant, tout son être hurlait d'arrêter là cette folie... Mais que feraient-ils alors? Il fallait poursuivre. Fanaël reprenait lentement son souffle, et prit pourtant la peine de prononcer, alors que chaque mot devait être un supplice:
- Laisse-moi faire et protège ce qui t'es confié. Tu sauras ce que tu veux savoir ce soir, comme promis. D'ici là, fais-moi confiance.
Elle était clouée sur place. Elle avait l'impression d'entendre quelqu'un surgi d'un autre temps. Les visions qui se superposaient étaient de plus en plus rapprochées. Sans qu'elle comprenne, ses yeux se mirent à faire quelque chose qu'elle ne connaissait plus depuis...
- Tu me fais confiance, Araëniel?
Ce nom... Le frisson qui la parcourut venait véritablement d'un autre âge.
- ... Oui. Je te suis.
Ils repartirent enfin. Nathrae avait l'impression d'évoluer dans un rêve. Ou plutôt, un cauchemar. Devant elle, elle voyait une silhouette blanche se mouver dans un brouillard lointain. Du sang. Des cris. Il frappait, tuait, et les coups pleuvaient. Mais sans cesse, il se relevait. Et ils avançaient. Ils montaient.
Une voix inconnue la ramena soudain à plus de lucidité. Ils se trouvaient à présent dans un jardin à ciel ouvert, couvert d'un dôme magique scintillant. Quelques montures volantes évoluaient dans la volière, sous le regard alléché des vouivres recluses dans des cages individuelles. Une escouade d'Ange Neri leur faisait face. Ils portaient tous des tenues blanches immaculées, ainsi que des masques. Ils étaient toutes griffes dehors.
- Qui que vous soyez, vous ne pouvez pas quitter Munduce avec ce qui m'appartient...
Celui qui avait parlé désigna leur protégé aux frontières de la mort. Fanaël dégagea une telle aura funeste que l'herbe se mit à dépérir instantanément, faisant reculer tous les ennemis. Certains tentèrent de l'atteindre avec des carreaux ou des flèches, mais ceux-ci se consumèrent littéralement avant de l'atteindre. Il grinça:
- Nous n'appartenons qu'à nous-mêmes...
Puis, il fondit sur eux comme un éclair blanc. Le groupe se dispersa comme un essaim, mais l'aura démoniaque en enflamma plusieurs qui se mirent à hurler. Fyea renforça le rempart contre l'influence de l'aura de Fanaël, qui ne cessait de grandir, en consumant toute vie aux environs. Ce dernier se déchainait contre les Ange Neri, qui tombaient un à un, le plus souvent dans des cris atroces. Ils parvenaient parfois à le toucher, mais il semblait pris d'une frénésie qui coupait toute douleur. Il les fracassait comme s'il voulait les réduire à néant. En cet instant, c'était un véritable Démon qui se battait ici. Il n'avait plus rien d'un N'Elfir ou de quelque espèce que ce fut. Le combat se calma un instant. Tous les Ange Neri étaient à terre, dévorés par des flammes des profondeurs. Seul leur chef se tenait encore à distance, terrifié, entouré d'un globe translucide protecteur. Le sang des blessures du démon blanc avaient cessé de couler. Ces dernière se cautérisaient d'elle-même en brûlant. Bientôt, l'air se mit à bleuir autour de Fanaël, et s'enflamma. Quand il parla, ce fut avec une voix de l'Inferës:
- Pauvre fou... Croyais-tu pouvoir t'approprier notre essence par des rituels aussi pathétiques?
Son interlocuteur semblait pétrifié. Son regard allait de son ennemis à feu ses alliés calcinés.
- N... Notre? Es-tu comme lui?
- Je ne suis pas comme lui. Savoir ce que nous sommes te réduirait à néant instantanément.
- Tu... m... mens. Nous nous sommes approprié sa puissance.
Le rire que poussa Fanaël sonna comme un glas dans la volière. Les animaux qui n'avaient pas pu s'échapper depuis le début de la bataille se tapirent encore plus avec des jappements de terreur.
- Votre magie immonde n'est que poussière au pied de celle que vous profanez. Je vais te montrer une infime partie de ce que vous tentiez de contrôler...
La pesanteur se mit soudain à augmenter, craquelant le sol.
°° Fyea! Renforce les barrières!!°°
La puissance occulte qui se dégageait de Fanaël était stupéfiante. Soudain, il ouvrir la bouche, et prononça un mot que Nathrae ne put entendre, grâce aux multiples protections de sa Familière. La puissance du mot pulvérisa le dôme magique et la protection puissance du chef Ange Neri. Le corps de celui-ci décola dans les airs, et se désintégra en cendres, tandis qu'un halo pâle fut aspiré par Fanaël. La magie désintégra ainsi la moitié de la volière, et de multiple halos comme celui-ci, de diverses tailles, formes vinrent à lui. Nathrae dut mobiliser toutes ses ressources pour soutenir Fyea. Heureusement qu'elles n'avaient pas entendu le mot. Ce simple fait les auraient anéanties elles aussi. Quand le phénomène se calma, le sol s'écroula dans un fracas épouvantable. Il se fallut de peu pour qu'ils fussent entraînés: Nathrae se réfugia sur l'escalier qui les avaient conduits ici.
Elle regarda en direction de Fanaël. Celui-ci s'avançait vers elles, consumant l'air autour de lui. Nathrae confia le rescapé à Fyea, épuisée, et se prépara au combat. Mais alors qu'il s'approchait, les flammes décrurent et l'aura de leur auteur décrut dangereusement. Il s'arrêta à mi-chemin, puis s'écroula.
Nathrae s'approcha précautionneusement, puis s'agenouilla. Sa force vitale était vacillante. Son état de conscience et physique ne lui permettrait pas de répondre oralement, mais il réagit lorsqu'elle effleura son esprit.
°° Est-ce que vous alliez bien?°°
°° Oui, nous sommes sains et saufs... Mais toi...°°
°° Aucune importance. Amène le moi. Je vais pouvoir lui rendre une partie de ce qu'ils lui ont pris.°°
°° Il est là, prêt de toi.°°
Fanaël ouvrit les yeux. Ceux-ci n'avaient plus leur teinte démoniaque. Ils étaient voilés. Il mouvait son corps grâce à la magie, par la volonté de son esprit. Il ne pouvait plus le contrôler consciemment par les voies habituelle, ce qui donnait l'impression qu'il évoluait en apesanteur. Il toucha le corps du rescapé, et déversa en lui une énergie inconnue. Peut-être était-ce ces halos pâles qu'il avait aspirés? Etaient-ce des âmes? Si ça l'était, ça ne ressemblait pas à celles qu'elle avait étudié par le passé. Quoi qu'il en fût, la force vitale du prisonnier se stabilisa rapidement, et bientôt sa vie ne fut plus en danger. Fanaël pratiquait une fois de plus un magie bien inhabituelle.
°° J'ai fini. Nous devons partir. Beaucoup d'autres arrivent, en plus des Legioni qui viennent de détecter notre présence. Espérons que les conflits d'intérêts entre leurs deux forces vont nous faire gagner du temps.°°
°° Je vais chercher des montures, si certaines ont survécu. Mais une seule ne pourra pas nous supporter à trois.°°
°° Je sais. J'en monterai une.°°
°° ...°°
Nathrae utilisa la magie pour se matérialiser sur la partie non démolie de la volière, et soumit 2 vouivres parmi les 3 survivantes. Elle fit sauter les verrous pour les libérer, et les fit rejoindre les autres avant de les rejoindre. Ils escaladèrent leurs montures, et échangèrent à nouveau mentalement:
°° Comment allons-nous échapper aux garnisons volantes?°°
°° Je vais faire diversion. Une diversion dont Munduce et les peuples se souviendront longtemps. Pendant ce temps, filez par la mer et faites un large détour pour revenir sur la Mergetale. Une fois que vous y serez... va trouver celui que je t'ai indiqué. Tu sauras alors tout ce que tu dois savoir.°°
°° Une diversion? Tu es gravement blessé!! Tu ne survivras pas à un combat aérien dans cet état! Ne me dis pas que tu comptes mourir pour nous couvrir!!!°°
Il y eut un silence, puis...
°° Adieu Nathrae. Veille bien sur eux... °°
Il prononça un ordre et sa vouivre décolla d'un puissant battement d'aile, s'envola vers le ciel et la mort. Le cavalier blanc s'éleva dans le ciel avec une vrille étincelante. Soudain, des traits immaculés en jaillirent dans toutes les directions, frappant ça et là les garnisons céleste de la Cité Irisée. Nathrae, hébétée, contempla la pluie cristalline de magie se déployer dans le ciel grondant. De longs éclairs blancs se mirent à fuser tandis que s'amoncelait une flotte d'ennemis autour de l'intrus solitaire.
Elle sursauta quand une main se leva devant elle. Son regard s'abaissa, et découvrit le visage pâle de leur protégé. Ou plutôt leur protégée. Maintenant que son corps reprenait vie, elle regagnait lentement une apparence plus distincte. Le sort particulier de Fanaël semblait l'avoir rétablie considérablement: ses yeux d'un noir absolu s'étaient entrouverts, et sondaient le ciel en quête d'espoir. Son corps était recouvert de pansements usagés et répugnants que ses bourreaux avaient laissés sur elle, mais toute impureté semblait se détâcher d'elle, comme si elle était purifiée. Sa main levée découvrit ses doigts, qui révélèrent une peau d'un blanc laiteux. Ses lèvres craquelées bougèrent à peine, mais sa gorge sèche n'y fit rien. L'énergie semblait se générer en elle de manière exponentielle, comme si elle était revitalisée totalement. Son énergie vitale resurgissait des tréfonds... Ses lèvres remuèrent à nouveau, sa main se tendant de plus en plus vers le ciel. Enfin, son murmure devint audible.
- ... père...?
La silhouette longiligne, plus grande qu'un humain se redressa dans la pénombre, et ses yeux de braise parcoururent l'espace vide dans lequel elle venait de déboucher. Bientôt, sans aucun bruit, un tourbillon de brume encore plus ténébreuse que la pièce se matérialisa à l'embouchure du conduit, qui se dissipa rapidement en révélant ce qui semblait être une démone dont la peau ornées d'arabesque rouge sombre pulsait doucement. Elle ausculta également la pièce, avant que leur dernier complice ne s'infiltre dans l'espace tel un serpent immatériel. La première créature à être entrée prononça:
- Ebren Natjib'...
Les mots frappèrent les murs avec violence, provoquant une secousse. Des bruits d'objets brisés et de métal retentirent dans la pièce, puis le calme revint. Une voix plus féminine murmura une incantation beaucoup plus recherchée, qui cette fois-ci provoqua un sort de répulsion étincelant. Celui-ci manqua de frapper son auteure, mais la forme spectrale féline qui l'accompagnait se mit devant, et absorba le trait mortel sans mal. La stupeur étant passée, la démone fit:
- Un enchantement répulseur... Plutôt bien fait, remarqua la voix féminine.
- Merci.
La démone sembla surprise, puisqu'elle demanda:
- C'est toi qui l'as fait?
... se surprenant elle-même de laisser ainsi paraître son état émotionnel primitif. Son interlocuteur s'approcha d'une paroi et posa sa main dessus. Il répondit avec un amusement sous-jacent en réaction au relâchement instinctif de sa complice:
- Oui, il y a longtemps.
- Pourquoi avoir tenter de forcer ton propre enchantement?
- C'était un test.
Il n'y eut pas besoin de mot pour comprendre le sarcasme qui effleurait l'esprit de la démone en cet instant. Puis, soudain, son état d'esprit changea, comme si elle venait de comprendre quelque chose qui effaçait le ressenti précédent. Son regard se déporta sur le mur, comme si elle regardait au travers. Lentement, elle vint elle aussi toucher la paroi.
- Ce n'est pas... un enchantement répulseur! souffla-t-elle, grisée par la magie qui frémissait sous ses doigts.
Son compagnon esquissa un sourire devant sa perspicacité, qui révéla sa dentition démoniaque féroce. Le voir ainsi de profil, arborant une transformation parfaite vers une espèce différente, et savoir qu'il était l'auteur de l'enchantement autour d'eux...
- Puis-je...?
Leur dialogue devenait de plus en plus superflu. Même si la confiance entre eux était encore très ténue, elle commençait à s'instaurer, et le mépris que matérialisait le dialogue oral allait bientôt pouvoir s'abolir. L'absence de refus qu'elle perçut sonna comme un consentement muet. Elle plongea son esprit dans la magie, se déployant dans l'enchantement pour l'analyser entièrement. Elle s'était complètement fourvoyée en se focalisant sur les apparences. Tout d'abord, l'enchantement captait la magie de celui qui agissait sur lui. Il entrait en résonance avec et restituait le tout. C'était d'une ingéniosité remarquable. Elle ne tarda pas à se rendre compte que sa compréhension était possible parce que Fanaël était là avec elle. Ce qui entraînait quelque chose de bien plus inattendu qu'elle pouvait imaginer. Il lui avait laissé accès à certaines de ses pensées, sans même qu'elle s'en rende compte. La forme démoniaque semblait brouiller de plus en plus sa conscience des actes magiques, comme s'ils devenaient naturels, inhérents à sa condition. Le sort qu'il lui avait enseigné ne ressemblait pas du tout aux rituels de transformation courants. Ceux-ci étaient ponctuels et superficiels, alors que depuis l'instant où il avait révélé la part démoniaque en elles, le rituel ne cessait d'agir. Il façonnait chaque recoin de leurs êtres pour les convertir totalement dans la nouvelle nature. C'était une transformation ultime. Ils ne semblaient pas. Ils devenaient.
C'était si terrifiant de s'en rendre compte, qu'à présent elle comprenait pourquoi jamais elle n'aurait pensé à user d'une telle magie; la conversion pouvait être définitive. Etait-ce cela qui était arrivé à Fanaël? Etait-ce pour cette raison qu'il était devenu si étrange, si anormal? Cela expliquerait pas mal de choses. Mais cela voulait dire qu'elle aussi allait changer? Etait-il déjà trop tard?
Brusquement, la magie sous ses doigts la tira de sa torpeur. Fanaël venait d'insuffler à nouveau son premier sort. Comme si son précédent raisonnement avait accéléré sa conversion, elle décela immédiatement ce qu'il faisait. L'enchantement était extrêmement bien pensé: aucun sort ne pouvait l'ouvrir, et en même temps, tous pouvaient le faire. Aucun mage traditionnel ne pouvait le délier sans comprendre la solution qui le gouvernait. Il n'était nulle question de trouver la puissance ou l'incantation adéquate pour ouvrir, ce qui était pratiquement toujours le cas. Il fallait prononcer un sort, n'importe lequel, et de préférence non nocif. Celui-ci réglait l'enchantement sur une fréquence, qu'il fallait répéter pour désenclencher la protection.
Si on lançait un contresort, celui-ci était renvoyé vers l'auteur immédiatement. N'importe quelle forme de magie était renvoyée lors de la première tentative. Ce que n'importe quel mage - s'il survivait à son propre sort, ce qui était très peu probable - interpréterait comme un échec. Ainsi, il tenterait un autre sort, ce qui provoquerait une nouvelle fréquence et une nouvelle riposte.
Le système était d'une habileté stupéfiante.
Grâce au sort mineur de Fanaël, l'enchantement se dissipa pour révéler deux portes simples. Elle n'en revenait pas qu'il ait placé un enchantement qui se déverrouillait par des sorts aussi faibles que celui qu'il avait utilisé. C'était ridicule et terriblement brillant.
Mais bientôt, elle revint à une inquiétude bien plus pesante. Elle demanda:
- Fanaël... La transformation...
- ... Sans risque pour toi, tant que Fyea est à tes côtés.
Elle hésita un moment avant de suggérer la suite:
- Ton Familier n'est pas ici...
Il détourna la tête comme si cette pensée le blessait. Nathrae venait de mettre le doigt sur un mystère de plus, qui semblait plus important qu'il n'y paraissait. Elle retint son impatience. Il avait dit qu'il lui dirait ce qu'elle voudrait savoir après être sorti de cette cité. Ce qui la ramena à leur situation présente. Empressée, elle leva les yeux sur les portes qu'ils venaient de mettre à jour, et demanda:
- Laquelle?
- Aucune.
Fanaël s'avança droit sur le mur entre les deux portes, et le traversa telle une illusion. Il n'en finissait pas de l'émerveiller. Elle traversa et se retrouva dans un couloir où il les attendait.
- Ingénieux. Si on avait choisi une porte?
- Un sort mortel.
Rien que ça. Et bien...
- Combien y a-t-il de protections?
- Autant que d'intrusions.
- Il en reste donc une...
Elle parcourut le couloir des yeux. Il était aménagé avec une voûte à peine plus grande qu'eux, et n'était guère étroit. Il descendait dans le noir total. La lumière ne venait d'aucune part, ce qui était négligeable pour leurs yeux.
- Je suppose que si on nous invite à descendre, il ne faut surtout pas le faire.
Il acquiesça. Deviner ce que Fanaël avait bien pu penser en créant cette protection était très intéressant. Peut-être allait-elle comprendre un peu mieux sa logique. Evitant de profiter de leur contact mental pour ne bénéficier d'aucune aide, elle raisonna à haute voix:
- Peut-être faut-il passer à nouveau par là où ça ne semble pas possible. Par les murs. Mais cela ressemblerait trop aux épreuves précédentes. Dans ce cas...
Elle fit un demi-tour complet, faisant face à là d'où ils venaient.
- Il faut revenir en arrière?
- Bien pensé. Mais ce n'est pas tout à fait ça. Il ne faut pas revenir en arrière. Il faut faire venir la porte à soi.
Nathrae se doutait bien qu'il manquait un point, ça ne pouvait pas être que simplement une énigme. Elle se demanda comment elle pouvait faire venir une porte à elle. A part l'arracher de ses gonds... Mais il ne s'agissait probablement pas de ce genre de porte. Comment appeler une porte magique? Elle retournait toutes les incantations possibles, mais rien ne lui venait. Il n'y avait aucun moyen d'appeler de l'immatériel à soit, s'il était inanimé. Soudain, elle pensa à quelque chose. Les Démons n'envisageaient pas l'échec. Leur langage n'avait pas de limite. Si ils voulaient quelque chose, ils l'ordonnaient sans se soucier de si c'était possible ou non. Elle tenta alors:
- Mar'd'na rajpadd'r fwon rahl!
Soudain, le mur face à eux s'avança vers eux à une vitesse folle. Nathrae se protégea pour éviter le choc, mais rien ne se produisit. Un vent surnaturel souffla face à eux, tandis qu'ils traversaient un tunnel d'étincelles qui fusaient comme des étoiles filantes. Elles piquaient agréablement la peau. Elle se rendit bientôt compte que ces flammèches brûlaient réellement. Sans être sous forme démoniaque ou disposer d'un sort de protection, ce passage aurait causé de lourds dégâts, voire la mort.
Puis soudain, ils débouchèrent dans une pièce. La lumière aveuglante d'un brasier les agressa. Une fois qu'ils se furent habitués, ils sortirent de la grande alcôve où ils avaient atterri. Les arrivants se trouvaient dans une pièce circulaire pourvue de 6 alcôve comme la leur, bardée d'inscriptions occultes. Un brasier intense brûlait au centre de la pièce, dans un grand calice doré. Ce feu n'était pas naturel: sa source provenait du calice, dont l'aura dégageait une aura intense. L'objet était suspendu par 6 chaînes reliées au sommet des alcôves, des visages grimaçant plusieurs émotions diverses. L'air empestait la magie et l'odeur humaines. Fanaël intervint à haute voix:
- Suivez-moi et ne dites rien. Restez vigilantes.
Il se dirigea vers l'issue de la salle, et elles lui emboîtèrent le pas en silence. Nathrae ne savait que deux choses: ils devaient trouver quelqu'un et ce quelqu'un était en contact avec les dangereux Ange Neri, les maîtres assassins de Munduce. Cette personne devait disposer d'une chose que Fanaël nécessitait au plus haut point, pour braver tant de dangers. Alors qu'ils pénétraient dans une nouvelle salle, après une volée de marche de pierres, son allié stopa net devant elle et l'arrêta par une intimidation mentale. Elle comprit vite pourquoi:
- Tiens, tiens, tiens... Qui voilà? fit une voix masculine humaine d'un ton sarcastique.
Il avait inconsciemment repoussée pour qu'elle ne soit pas vue. Elle utilisa un sort pour voir ce qui se passait au dessus. Sept humains. Non, huit. L'un d'eux semblait prisonnier. Son esprit était si faible qu'il devait être sur le point de mourir. Elle replia instinctivement son esprit en sentant celui de Fanaël frôler sa conscience. Puis elle décida de le laisser passer un peu. Il lui donnait accès à un autre esprit... Le prisonnier!
Ses soupçons se confirmaient: son état était critique. Il n'en avait plus pour très longtemps. On l'avait torturé. Sa douleur même était difficile à supportait. Cependant, une chose d'une puissance insoupçonnée émanait de lui. C'était comme un appel. Un appel d'une telle détresse... Cela provoquait une envie irrésistible de le secourir, de le tirer de cette souffrance qui le terrassait. Une colère sourde s'empara de Nathrae avant qu'elle comprenne que tout ceci était à l'intérieur de Fanaël. C'était cet être qui avait appelé Fanaël ici. C'était cet appel qui l'avait mené jusqu'ici, malgré le danger mortel que cela représentait.
Pourquoi tenait-il à lui montrer ceci? Quel était ce lien si fort qui liait ces deux êtres?
- Voici donc ton démon, sorcier... Il était temps qu'il vienne à ton secours. A moins qu'il ne veuille te voir souffrir.
La colère de Fanaël blessa Nathrae, qui se réfugia mentalement aussitôt auprès de Fyea. Les humains poussèrent des cris de douleur et soudain, l'intrus fondit sur eux.
°° Libère-le!!! °°
Nathrae bondit hors de sa cachette et envoya une vague pourpre devant elle, éjecta trois des ennemis sur les parois. Elle s'élança vers le prisonnier, attaché à une croix de torture. Celle-ci était parcourue d'un enchantement funeste qui provoquait mille tourments à chaque instant. Son mépris pour les humains ne put que croître devant une telle utilisation de la magie. Hélas, le libérer allait s'avérer compliqué: elle ne pouvait le tirer de là sans risquer de le tuer, ce qui n'était probablement pas le but de Fanaël. Et de plus...
Un rugissement retentit derrière elle, et une douleur atroce la prit aux côtes. Elle se retourna juste à temps pour voir Fyea projetée sur le sol, puis se relever difficilement avec un jappement. Un marteau magique!
- Ahaha! Comme si de simples démons allaient nous faire peur...
La situation était bien plus périlleuse qu'elles ne l'avaient imaginé. Ces humains n'étaient pas des Legioni. Ils disposaient de multitudes d'armes et toutes portaient des enchantements puissants. Et ils semblaient experts en combat. De plus, la force de celui qui avait frappé était bien supérieure à la moyenne. Etait-ce cela, des Ange Neri?
Une onde de choc explosa soudain de Fanaël, et frappa tout le monde. Nathrae eut à peine le temps de créer une protection spéciale qu'elle avait mise au point pour les cas comme celui-ci. Deux sphères occultes apparurent autour d'elles, repoussant toute la magie pendant quelques seconde. Le ricochet s'abattit à nouveau sur les cibles, provoquant un nouveau capharnaüm. Quand le calme revint, la pièce était à moitié détruite, le plafond s'était écroulé.
°° Fanaël!!!°°
Il y eut un temps, pendant lequel Nathrae dissipa la protection ultime. Elle n'avait pas eu le temps de penser à lui, mais elle ne doutait pas qu'il dispose de la parade à sa propre attaque. Brusquement, un tas de pierres se désintégra, et il se redressa. La défense de sa compère ne l'avait pas blessé, en revanche...
- Ce n'est rien. Echappons-nous d'ici.
Il ignora le large filet de sang démoniaque qui ruisselait sur son torse et s'avança vers elle. Son esprit était complètement fermé. Nathrae était sûre qu'il faisait ça pour lui épargner la douleur. Il avait été probablement frappé par une arme enchantée.
- Laisse-moi voir ça... commença-t-elle.
- Non! trancha-t-il. Occupe toi de lui. Je me débrouillerai.
Elle mit un temps avant de renoncer devant sa hargne. Cet être semblait vraiment important. Elle se tourna vers l'humain, et prononça de quoi atténuer l'enchantement de torture. Ensuite, elle le sortit avec précaution de ses chaînes. Elle le rattrapa avant qu'il ne s'écroule au sol, et prononça une formule de premiers soins. Fanaël l'interrompit quand elle commença des incantations plus poussées:
- Ils ne sont pas morts. Et d'autres vont venir. Nous devons partir. Tout de suite!
Nathrae s'apprêtait à protester, mais elle sonda les pierres, et comprit que leurs adversaires n'étaient que blessés. Leurs équipements magiques les avaient épargnés de la mort. Ils se réveilleraient et sortiraient de dessous les pierres. Il avait raison. Ainsi, c'était ça les Ange Neri? De redoutables guerriers...
- Porte-le, s'il te plait. Je m'occuperai de dégager notre route. Fyea, couvre nos arrières et protège Nathrae.
Il s'élança sans attendre de réponse. Nathrae lança un sort de lévitation sur leur précieux rescapé et le suivit, talonnée de près par Fyea, dont les protections magiques commençaient à se renforcer, de plus en plus nombreuses. Fanaël ne cessait de prononcer des phrases en langage de magie, qui défonçaient les obstacles qu'ils croisaient. Nathrae n'avait aucune idée du plan qu'il avait pour sortir de ce guêpier, mais il semblait en avoir un.
- Halte-là!!! Qui êtes-v...
- Rashattra!!
La force inouie de la volonté exprimée par ce seul mot comprima le chef d'escouade au sol. Fanaël dégaina son lied de combat et embrocha le premier à sa portée. Il virevolta et en assomma un autre, avant de libérer une salve de sa main libre. La partie invisible de son arme cloua le dernier éléments au mur. Il fit signe à Nathrae de passer. Dès que ce fut le cas, il bondit derrière elle et prononça un sort pour faire s'écrouler le conduit derrière eux. Mais soudain, une ombre s’abattit sur lui et les fit rouler dans l'obscurité. Nathrae stoppa sa course. Fyea se transforma en un rideau de fumée noire protecteur. Sa maîtresse en profita pour améliorer les soins sur l'humain, que ce trajet agité malmenait. Elle ne disposait que de peu d'information sur son système vital, ce qui compliquait lourdement sa tâche. Pour l'instant, elle ne pouvait qu'atténuer sa douleur, lui donner de l'énergie. Elle ne savait pas de quelles influences il fallait le protéger, s'il fallait le réchauffer ou le refroidir. Peut-être de la nouriture... Mais il ne semblait pas en état de se nourir, et elle serait bien incapable de choisir ce qui pourrait lui convenir. Les humains mangeaient tant de choses répugnantes et mauvaises... Ils ne savaient même pas ce qui était bon pour eux-mêmes...
La protection de Fyea s'estompa. Nathrae dût se maîtriser pour ne pas montrer ses émotions. Fanaël était agenouillé devant la dépouille de son adversaire, son lied planté dans sa poitrine. Du sang coulait à présent aussi de son crâne, et quand il se releva, ce fut avec peine. Les blessures infligées par les Ange Neri n'avaient rien de commun. Percevant son inquiétude malgré sa dissimulation, il fit d'une voix haletante:
- Allons-y. D'autres arrivent.
Elle s'éxécuta. A ce train, il ne survivrait pas aux assauts répétés d'Ange Neri. C'était étrange qu'il se fasse autant blessé. On aurait dit qu'il ne prenait aucune précaution. Comme si...
- Par là...
Ils bifurquèrent dans un étroit conduit qui se termina par un escalier en colimaçon, que Fanaël monta 4 à 4.
- Es-tu sûr que c'est le chemin? On dirait...
- Nous nous approchons du coeur de ce repère des Ange Neri. Tout en haut se trouve leur volière. Nous nous échapperons par le ciel.
Elle n'en revenait pas d'une telle folie.
- C'est impossible, nous allons...
Un ennemi surgit au dessus d'eux, armé d'une pointe exhalant une odeur de mort étrange. Fanaël évita le coup mortel de justesse, et frappa le guerrier qui la tenait de ses pieds. Celui-ci poussa un cri de surprise. C'était une femme. Elle n'eut pas le temps de se relever que déjà la lame de son adversaire la transperçait de part en part. Elle mourut avec un sourire aux lèvres. Fanaël recula en titubant. La pointe ensorcelée partie en fumée, signe qu'elle était créée à partir de magie noire. Le vainqueur essaya le sang de son menton, et regarda Nathrae dans les yeux.
- Fais moi confiance. Comme cette fois-là...
Les derniers mots la percutèrent sans ménage. Des images se superposèrent à sa vision actuelle. Des images qui lui semblaient familières, mais incompréhensibles... Quelque chose la poussait à l'écouter. Et pourtant, tout son être hurlait d'arrêter là cette folie... Mais que feraient-ils alors? Il fallait poursuivre. Fanaël reprenait lentement son souffle, et prit pourtant la peine de prononcer, alors que chaque mot devait être un supplice:
- Laisse-moi faire et protège ce qui t'es confié. Tu sauras ce que tu veux savoir ce soir, comme promis. D'ici là, fais-moi confiance.
Elle était clouée sur place. Elle avait l'impression d'entendre quelqu'un surgi d'un autre temps. Les visions qui se superposaient étaient de plus en plus rapprochées. Sans qu'elle comprenne, ses yeux se mirent à faire quelque chose qu'elle ne connaissait plus depuis...
- Tu me fais confiance, Araëniel?
Ce nom... Le frisson qui la parcourut venait véritablement d'un autre âge.
- ... Oui. Je te suis.
Ils repartirent enfin. Nathrae avait l'impression d'évoluer dans un rêve. Ou plutôt, un cauchemar. Devant elle, elle voyait une silhouette blanche se mouver dans un brouillard lointain. Du sang. Des cris. Il frappait, tuait, et les coups pleuvaient. Mais sans cesse, il se relevait. Et ils avançaient. Ils montaient.
Une voix inconnue la ramena soudain à plus de lucidité. Ils se trouvaient à présent dans un jardin à ciel ouvert, couvert d'un dôme magique scintillant. Quelques montures volantes évoluaient dans la volière, sous le regard alléché des vouivres recluses dans des cages individuelles. Une escouade d'Ange Neri leur faisait face. Ils portaient tous des tenues blanches immaculées, ainsi que des masques. Ils étaient toutes griffes dehors.
- Qui que vous soyez, vous ne pouvez pas quitter Munduce avec ce qui m'appartient...
Celui qui avait parlé désigna leur protégé aux frontières de la mort. Fanaël dégagea une telle aura funeste que l'herbe se mit à dépérir instantanément, faisant reculer tous les ennemis. Certains tentèrent de l'atteindre avec des carreaux ou des flèches, mais ceux-ci se consumèrent littéralement avant de l'atteindre. Il grinça:
- Nous n'appartenons qu'à nous-mêmes...
Puis, il fondit sur eux comme un éclair blanc. Le groupe se dispersa comme un essaim, mais l'aura démoniaque en enflamma plusieurs qui se mirent à hurler. Fyea renforça le rempart contre l'influence de l'aura de Fanaël, qui ne cessait de grandir, en consumant toute vie aux environs. Ce dernier se déchainait contre les Ange Neri, qui tombaient un à un, le plus souvent dans des cris atroces. Ils parvenaient parfois à le toucher, mais il semblait pris d'une frénésie qui coupait toute douleur. Il les fracassait comme s'il voulait les réduire à néant. En cet instant, c'était un véritable Démon qui se battait ici. Il n'avait plus rien d'un N'Elfir ou de quelque espèce que ce fut. Le combat se calma un instant. Tous les Ange Neri étaient à terre, dévorés par des flammes des profondeurs. Seul leur chef se tenait encore à distance, terrifié, entouré d'un globe translucide protecteur. Le sang des blessures du démon blanc avaient cessé de couler. Ces dernière se cautérisaient d'elle-même en brûlant. Bientôt, l'air se mit à bleuir autour de Fanaël, et s'enflamma. Quand il parla, ce fut avec une voix de l'Inferës:
- Pauvre fou... Croyais-tu pouvoir t'approprier notre essence par des rituels aussi pathétiques?
Son interlocuteur semblait pétrifié. Son regard allait de son ennemis à feu ses alliés calcinés.
- N... Notre? Es-tu comme lui?
- Je ne suis pas comme lui. Savoir ce que nous sommes te réduirait à néant instantanément.
- Tu... m... mens. Nous nous sommes approprié sa puissance.
Le rire que poussa Fanaël sonna comme un glas dans la volière. Les animaux qui n'avaient pas pu s'échapper depuis le début de la bataille se tapirent encore plus avec des jappements de terreur.
- Votre magie immonde n'est que poussière au pied de celle que vous profanez. Je vais te montrer une infime partie de ce que vous tentiez de contrôler...
La pesanteur se mit soudain à augmenter, craquelant le sol.
°° Fyea! Renforce les barrières!!°°
La puissance occulte qui se dégageait de Fanaël était stupéfiante. Soudain, il ouvrir la bouche, et prononça un mot que Nathrae ne put entendre, grâce aux multiples protections de sa Familière. La puissance du mot pulvérisa le dôme magique et la protection puissance du chef Ange Neri. Le corps de celui-ci décola dans les airs, et se désintégra en cendres, tandis qu'un halo pâle fut aspiré par Fanaël. La magie désintégra ainsi la moitié de la volière, et de multiple halos comme celui-ci, de diverses tailles, formes vinrent à lui. Nathrae dut mobiliser toutes ses ressources pour soutenir Fyea. Heureusement qu'elles n'avaient pas entendu le mot. Ce simple fait les auraient anéanties elles aussi. Quand le phénomène se calma, le sol s'écroula dans un fracas épouvantable. Il se fallut de peu pour qu'ils fussent entraînés: Nathrae se réfugia sur l'escalier qui les avaient conduits ici.
Elle regarda en direction de Fanaël. Celui-ci s'avançait vers elles, consumant l'air autour de lui. Nathrae confia le rescapé à Fyea, épuisée, et se prépara au combat. Mais alors qu'il s'approchait, les flammes décrurent et l'aura de leur auteur décrut dangereusement. Il s'arrêta à mi-chemin, puis s'écroula.
Nathrae s'approcha précautionneusement, puis s'agenouilla. Sa force vitale était vacillante. Son état de conscience et physique ne lui permettrait pas de répondre oralement, mais il réagit lorsqu'elle effleura son esprit.
°° Est-ce que vous alliez bien?°°
°° Oui, nous sommes sains et saufs... Mais toi...°°
°° Aucune importance. Amène le moi. Je vais pouvoir lui rendre une partie de ce qu'ils lui ont pris.°°
°° Il est là, prêt de toi.°°
Fanaël ouvrit les yeux. Ceux-ci n'avaient plus leur teinte démoniaque. Ils étaient voilés. Il mouvait son corps grâce à la magie, par la volonté de son esprit. Il ne pouvait plus le contrôler consciemment par les voies habituelle, ce qui donnait l'impression qu'il évoluait en apesanteur. Il toucha le corps du rescapé, et déversa en lui une énergie inconnue. Peut-être était-ce ces halos pâles qu'il avait aspirés? Etaient-ce des âmes? Si ça l'était, ça ne ressemblait pas à celles qu'elle avait étudié par le passé. Quoi qu'il en fût, la force vitale du prisonnier se stabilisa rapidement, et bientôt sa vie ne fut plus en danger. Fanaël pratiquait une fois de plus un magie bien inhabituelle.
°° J'ai fini. Nous devons partir. Beaucoup d'autres arrivent, en plus des Legioni qui viennent de détecter notre présence. Espérons que les conflits d'intérêts entre leurs deux forces vont nous faire gagner du temps.°°
°° Je vais chercher des montures, si certaines ont survécu. Mais une seule ne pourra pas nous supporter à trois.°°
°° Je sais. J'en monterai une.°°
°° ...°°
Nathrae utilisa la magie pour se matérialiser sur la partie non démolie de la volière, et soumit 2 vouivres parmi les 3 survivantes. Elle fit sauter les verrous pour les libérer, et les fit rejoindre les autres avant de les rejoindre. Ils escaladèrent leurs montures, et échangèrent à nouveau mentalement:
°° Comment allons-nous échapper aux garnisons volantes?°°
°° Je vais faire diversion. Une diversion dont Munduce et les peuples se souviendront longtemps. Pendant ce temps, filez par la mer et faites un large détour pour revenir sur la Mergetale. Une fois que vous y serez... va trouver celui que je t'ai indiqué. Tu sauras alors tout ce que tu dois savoir.°°
°° Une diversion? Tu es gravement blessé!! Tu ne survivras pas à un combat aérien dans cet état! Ne me dis pas que tu comptes mourir pour nous couvrir!!!°°
Il y eut un silence, puis...
°° Adieu Nathrae. Veille bien sur eux... °°
Il prononça un ordre et sa vouivre décolla d'un puissant battement d'aile, s'envola vers le ciel et la mort. Le cavalier blanc s'éleva dans le ciel avec une vrille étincelante. Soudain, des traits immaculés en jaillirent dans toutes les directions, frappant ça et là les garnisons céleste de la Cité Irisée. Nathrae, hébétée, contempla la pluie cristalline de magie se déployer dans le ciel grondant. De longs éclairs blancs se mirent à fuser tandis que s'amoncelait une flotte d'ennemis autour de l'intrus solitaire.
Elle sursauta quand une main se leva devant elle. Son regard s'abaissa, et découvrit le visage pâle de leur protégé. Ou plutôt leur protégée. Maintenant que son corps reprenait vie, elle regagnait lentement une apparence plus distincte. Le sort particulier de Fanaël semblait l'avoir rétablie considérablement: ses yeux d'un noir absolu s'étaient entrouverts, et sondaient le ciel en quête d'espoir. Son corps était recouvert de pansements usagés et répugnants que ses bourreaux avaient laissés sur elle, mais toute impureté semblait se détâcher d'elle, comme si elle était purifiée. Sa main levée découvrit ses doigts, qui révélèrent une peau d'un blanc laiteux. Ses lèvres craquelées bougèrent à peine, mais sa gorge sèche n'y fit rien. L'énergie semblait se générer en elle de manière exponentielle, comme si elle était revitalisée totalement. Son énergie vitale resurgissait des tréfonds... Ses lèvres remuèrent à nouveau, sa main se tendant de plus en plus vers le ciel. Enfin, son murmure devint audible.
- ... père...?
Validation Itrenog : 13 Pièces d'Argent
Re: Indésirables infiltrés...
(facultatif) Si écouté, veillez à ce que le son ne soit pas trop fort.
Validation Itrenog : 45 Intelligence
Il ne lui fallut qu'un fragment de seconde. L'esquisse d'un frémissement. L'ombre d'une pulsation. Quelque part, l'assentiment de Fyea résonna comme un écho à sa détermination raffermie. Resserrant sa prise sur la rescapée, elle ferma un instant les paupières. Un instant fragile. Un instant volage. Un instant papillon.
Sous leurs pieds, la fourmilière s'activait furieusement. Ils seraient là d'une minute à l'autre, les éboulements leur offrant à peine le temps nécessaire pour déguerpir à leur tour. C'était bien ce qu'elle comptait faire, et autre choix aurait paru désespérément stupide après tout ce qu'ils avaient réussi à traverser. Elle se serait presque étonnée de s'en être tirée jusqu'ici, si la situation n'appelait pas sa concentration à toute autre réflexion. Le temps était compté, et si elle n'avait besoin que d'une poignée de secondes pour enclencher l'enchantement, c'était déjà bien trop octroyer à leurs poursuivants pour les rattraper par la suite. Un murmure rauque émergea de ses entrailles, auquel répondit un grondement sépulcral, se perdant dans l'immensité céleste se déployant au-dessus de la Cité.
Sur la Mergetale, comme dans Munduce, on prévoyait un temps radieux. Si l'on n'était point familier aux particularités de la côte munducienne, et à la signification de ce que la gente locale appelait Embruns Faste-Ciel, on n'aurait pu pourtant s'y tromper à la clarté de la haute voûte, où la nuit finissait de se laisser manger par l'assaut de l'astre solaire, abandonnant sur la toile épurée une poignée d'étoiles scintillantes et une lune diaphane. Mais que valaient de belles promesses face à une soudaine colère océanique ?
Bien vite, des nuages s'amoncelèrent, semblant presque venir de nulle part. Une odeur de tempête commençait à battre les remparts de la cité tandis que la mer changeait rapidement d'humeur. Les rouleaux se firent plus imposants, se fracassant contre les récifs et éclaboussant d'embruns blanchâtres la pierre polie.
Les nuages s'assombrirent davantage encore, formant une masse impénétrable, vibrante de magie et d'électricité. Les nez qui ne s'étaient pas levés au vacarme qu'avait produit la prestation précédente de Fanaël devaient sans doute l'être à présent, humant l'air d'un air inquiet face à l'aspect menaçant de la voûte céleste. Qu'était-ce ? Un mauvais présage ? Après les remue-ménages de la nuit dernière, que celle-ci vînt obstruer la lumière du soleil en plein jour ne pouvait que signe de malheur... Puis un spectacle curieux, au-dessus de la Cité, attirerait bientôt le regard inquiet, puis incrédule, avant qu'un éclair noir ne lui volât la vedette et s'abattît sur un étal proche, ébranlant un sursaut de foule qui devait se répercuter à travers la Mergetale.
Inexorable, la foudre s'abattit simultanément en plusieurs points précis, aussi noire que le néant le plus absolu, semant dévastation et confusion sur son passage. Elle semblait venir de partout, prête à s'abattre à tout moment. Que cette manifestation funeste et céleste pût détenir un office autre que la destruction ne pouvait être envisagé. Du moins pas dans la débandade actuelle. Nathrae ne s'en préoccupa pas davantage, l'enchantement étant lancé et le temps précieux. En une fraction de seconde, elle lança la seconde partie, puis claqua sèchement la langue. Tandis que la vouivre quittait le sol dans un puissant battement d'ailes, un rai de magie filtra à travers les débris encombrant l'escalier et libéra le passage dans une détonation assourdissante. Traits enchantés et carreaux effilés butèrent contre la protection de Fyea qui s'était interposée, puis un cri effaré rompit les rangs. Le flot d'Ange Neri qui avait envahi ce qui restait de la volière eut à peine le temps de lever les yeux qu'un amas de cendres s'abattait sur eux avec violence. L'impact entraîna la chute de nouvelles parcelles, et avec elles quelques malchanceux qui rencontreraient une mort inévitable quelques centaines de mètres plus bas. Malgré un champ de vision grandement entravé, des rais téméraires percèrent l'obscurité et filèrent en direction des fugitifs, qui n'eurent de nouveau aucun mal à les contrer. Dessinant un arc vrillé parfait, la vouivre se ramassa soudain pour plonger vers l'océan, vrombissant au-dessus des rues encombrées de Legioni, sur lesquelles elle ne projeta qu'une ombre fugitive, confondue dans la pénombre du jour oblitéré.
Dans les cieux, l'orage ne décolérait pas, et de nombreux boyaux funèbres fusèrent, semblables à leur frère quelques instants plus tôt, se tordant à la manière de serpents insidieux. Semblant doués d'une volonté propre, ils suivirent des itinéraires diversifiés, empreignant l'air d'un relent de cendre épais. Implacables, ils fondirent sur les assaillants aériens harcelant déjà le cavalier solitaire. S'ils n'en désarçonnaient pas, ils en giflaient d'autres, griffaient, brûlaient, étouffaient, entravaient à n'en plus finir. Sur leur passage, des cendres noires et épaisses rendaient le combat plus difficile que jamais, n'octroyant qu'un champ de vision réduit, malgré l'usage d'un quelconque artifice magique. En quelques minutes, la bataille aérienne s'était noyée dans une véritable mer de cendres déversée des cieux, se confondant dans la masse déjà sombre des nuages. Bien vite, la dispute aérienne devint indiscernable du sol, tandis que la nuit diurne se faisait plus noire et occulte que jamais. Elle devrait se poursuivre à l'abri des regards.
La vouivre plongea dans l'océan sans la moindre hésitation. La pression de la conscience de Nathrae sur la sienne ne lui permettait pas d'émettre la moindre objection, aussi infime fût-elle. La monture et ses cavaliers glissèrent dans l'eau avec une aisance presque insultante, s'attirant le regard étonné et quelque peu offusqué d'un banc de poissons qui nageait là et qui se débanda dans une effervescence fiévreuse à la vue soudaine d'un prédateur potentiel. La vouivre claqua des mâchoires dans le vide, d'humeur joueuse, créant une profusion de bulles énormes qui rejoignirent la surface à l'unisson. D'un battement d'ailes expert, elle se propulsa en avant, se préparant déjà à refaire bientôt surface.
Derrière le sort qui leur permettait de rester immergés plus longtemps qu'il ne leur aurait été permis en temps normal, Nathrae n'avait pas décru sa concentration, la focalisant sur un nouvel ouvrage plus subtil encore. Devant elle, la jeune fille qu'ils avaient enlevée du repère d'Ange Neri s'était redressée en position assise, presque capable à présent de se maintenir seule en selle. Elle n'avait pas pipé mot depuis leur départ du jardin sinistré, et elle ne s'attendait à la voir lui adresser la parole avant que la situation ne se fût calmée, si tant est qu'elles arrivassent en lieu sûr. Elle ne lui avait pas exposé ses plans immédiats, mais elle avait l'impression étrange qu'elle n'en aurait pas eu besoin. Les mystères ne semblaient savoir que s'épaissir, et elle doutait presque d'en recevoir la clé avant le crépuscule, comme il était convenu. Clé qui, elle en était certaine, résidait en la personne de Fanaël, lequel usait probablement de ses dernières ressources pour leur fournir une chance unique d'en sortir indemnes. Une clé à disparaître. Sa concentration se fêla. Un rictus déforma fugitivement son visage, avant qu'elle ne le fermât à nouveau, les yeux fermement clos. Elle lui faisait confiance, mais il ne fallait pas frôler le ridicule.
Elle prit une profonde inspiration, insubstantielle. Plongeant plus profondément dans la transe, elle se laissa submerger par la magie qui coulait dans ses veines, aidée de Fyea qui se mêla à elle pour tisser ce qui demanderait une concentration constante pour être maintenu. Comme dans tous les sortilèges, les risques s'élevaient à même hauteur que les avantages recherchés, voire même au-dessus. L'expérimentation détenait ainsi sa part de dangerosité, et si la prise de risque pouvait s'avérer grisante, il arrivait que l'on trouvât dans la transe davantage que ce que l'on avait cherché -- des choses indésirables, relents insupportables qui vous piégeaient dans un tourbillon si profond que seule la folie semblait s'apparenter à une porte de sortie. Certaines choses nécessitaient toutefois une immersion exceptionnelle.
Nathrae et Fyea s'enfoncèrent ensemble, écartant les écueils familiers, suivant un chemin bien connu de l'une et de l'autre, pour l'avoir déjà emprunté par le passé. Il prenait par endroits des accents étrangers, où elle reconnaissait les changements inexorables qu'opérait la transformation. Plus elles s'enfonçaient, plus elle prenait conscience de l'ampleur de la conversion et de ce qu'elle supposait. Elle accédait à une compréhension plus complète, plus sensible, plus absolue de ce qu'elle était, devenait, pourrait devenir. Elle pouvait facilement s'y perdre. Tant de choses à voir, à embrasser dans un espoir d'entendement plein...
L'injonction muette de Fyea lui fit l'effet d'une gifle. Un soubresaut mental la renvoya sur le chemin indiscernable qu'elles suivaient un instant auparavant. Elle s'appuya contre sa psyché, si intimement mêlée à la sienne, consciente qu'elle venait de lui éviter un sort qu'elle n'aurait souhaité pour rien au monde, malgré les belles promesses entrevues. Oui, aurait-elle pu souffler, si un tel besoin n'avait pas été superflu. Oui, tu as raison.
Lorsqu'elles se furent suffisamment immergées, tout s'accéléra. Le reste relevait presque d'une partie de plaisir. Les muscles dorsaux de la vouivre s'agitèrent d'un bref spasme, percevant comme un changement, radical et déplaisant. Elle secoua la tête lorsqu'elle sentit quelque chose de visqueux recouvrir ses écailles noires, glisser le long de ses ailes musclées, huiler jusqu'à la pointe de ses griffes. Soudainement sourde à toute sensation, elle effectua un violent écart. Ou du moins, l'imagina. Une pression impérieuse l'intimait au calme, et ses yeux voilés cessèrent brièvement de s'affoler dans leurs orbites, tandis que la pulsion urgente et soudaine envahissant son esprit était réduite à l'état d'insignifiance. Une fraction d'immobilisme absolu, mental et physique. Une fraction d'unicité parfaite, de corps et d'esprit. Une fraction. Unique. Multiple. Brutale.
Au-dessus de la tempête, le soleil brillait déjà de mille feux, achevant de chasser les astres lointains de son domaine. Pas le moindre nuage ne flânait à l'horizon, faisant honneur au temps promis. La seule intruse à ce tableau radieux demeurait la masse sombre et vibrante que survolait à présent l'immense créature. Semblant apprécier de réchauffer ses écailles à la lumière du jour après son bain forcé, cette dernière avait légèrement ralenti l'allure, reculant le moment décisif où il faudrait replonger dans la tempête magique qui sévissait quelques dizaines de mètres plus bas. Prenant la direction intimée par sa cavalière, elle parcourut la courte distance à battements lents et réguliers. Un peu trop tôt à son goût, elle amorça enfin une descente énergique.
Sous leurs pieds, la fourmilière s'activait furieusement. Ils seraient là d'une minute à l'autre, les éboulements leur offrant à peine le temps nécessaire pour déguerpir à leur tour. C'était bien ce qu'elle comptait faire, et autre choix aurait paru désespérément stupide après tout ce qu'ils avaient réussi à traverser. Elle se serait presque étonnée de s'en être tirée jusqu'ici, si la situation n'appelait pas sa concentration à toute autre réflexion. Le temps était compté, et si elle n'avait besoin que d'une poignée de secondes pour enclencher l'enchantement, c'était déjà bien trop octroyer à leurs poursuivants pour les rattraper par la suite. Un murmure rauque émergea de ses entrailles, auquel répondit un grondement sépulcral, se perdant dans l'immensité céleste se déployant au-dessus de la Cité.
Sur la Mergetale, comme dans Munduce, on prévoyait un temps radieux. Si l'on n'était point familier aux particularités de la côte munducienne, et à la signification de ce que la gente locale appelait Embruns Faste-Ciel, on n'aurait pu pourtant s'y tromper à la clarté de la haute voûte, où la nuit finissait de se laisser manger par l'assaut de l'astre solaire, abandonnant sur la toile épurée une poignée d'étoiles scintillantes et une lune diaphane. Mais que valaient de belles promesses face à une soudaine colère océanique ?
Bien vite, des nuages s'amoncelèrent, semblant presque venir de nulle part. Une odeur de tempête commençait à battre les remparts de la cité tandis que la mer changeait rapidement d'humeur. Les rouleaux se firent plus imposants, se fracassant contre les récifs et éclaboussant d'embruns blanchâtres la pierre polie.
Les nuages s'assombrirent davantage encore, formant une masse impénétrable, vibrante de magie et d'électricité. Les nez qui ne s'étaient pas levés au vacarme qu'avait produit la prestation précédente de Fanaël devaient sans doute l'être à présent, humant l'air d'un air inquiet face à l'aspect menaçant de la voûte céleste. Qu'était-ce ? Un mauvais présage ? Après les remue-ménages de la nuit dernière, que celle-ci vînt obstruer la lumière du soleil en plein jour ne pouvait que signe de malheur... Puis un spectacle curieux, au-dessus de la Cité, attirerait bientôt le regard inquiet, puis incrédule, avant qu'un éclair noir ne lui volât la vedette et s'abattît sur un étal proche, ébranlant un sursaut de foule qui devait se répercuter à travers la Mergetale.
Inexorable, la foudre s'abattit simultanément en plusieurs points précis, aussi noire que le néant le plus absolu, semant dévastation et confusion sur son passage. Elle semblait venir de partout, prête à s'abattre à tout moment. Que cette manifestation funeste et céleste pût détenir un office autre que la destruction ne pouvait être envisagé. Du moins pas dans la débandade actuelle. Nathrae ne s'en préoccupa pas davantage, l'enchantement étant lancé et le temps précieux. En une fraction de seconde, elle lança la seconde partie, puis claqua sèchement la langue. Tandis que la vouivre quittait le sol dans un puissant battement d'ailes, un rai de magie filtra à travers les débris encombrant l'escalier et libéra le passage dans une détonation assourdissante. Traits enchantés et carreaux effilés butèrent contre la protection de Fyea qui s'était interposée, puis un cri effaré rompit les rangs. Le flot d'Ange Neri qui avait envahi ce qui restait de la volière eut à peine le temps de lever les yeux qu'un amas de cendres s'abattait sur eux avec violence. L'impact entraîna la chute de nouvelles parcelles, et avec elles quelques malchanceux qui rencontreraient une mort inévitable quelques centaines de mètres plus bas. Malgré un champ de vision grandement entravé, des rais téméraires percèrent l'obscurité et filèrent en direction des fugitifs, qui n'eurent de nouveau aucun mal à les contrer. Dessinant un arc vrillé parfait, la vouivre se ramassa soudain pour plonger vers l'océan, vrombissant au-dessus des rues encombrées de Legioni, sur lesquelles elle ne projeta qu'une ombre fugitive, confondue dans la pénombre du jour oblitéré.
Dans les cieux, l'orage ne décolérait pas, et de nombreux boyaux funèbres fusèrent, semblables à leur frère quelques instants plus tôt, se tordant à la manière de serpents insidieux. Semblant doués d'une volonté propre, ils suivirent des itinéraires diversifiés, empreignant l'air d'un relent de cendre épais. Implacables, ils fondirent sur les assaillants aériens harcelant déjà le cavalier solitaire. S'ils n'en désarçonnaient pas, ils en giflaient d'autres, griffaient, brûlaient, étouffaient, entravaient à n'en plus finir. Sur leur passage, des cendres noires et épaisses rendaient le combat plus difficile que jamais, n'octroyant qu'un champ de vision réduit, malgré l'usage d'un quelconque artifice magique. En quelques minutes, la bataille aérienne s'était noyée dans une véritable mer de cendres déversée des cieux, se confondant dans la masse déjà sombre des nuages. Bien vite, la dispute aérienne devint indiscernable du sol, tandis que la nuit diurne se faisait plus noire et occulte que jamais. Elle devrait se poursuivre à l'abri des regards.
La vouivre plongea dans l'océan sans la moindre hésitation. La pression de la conscience de Nathrae sur la sienne ne lui permettait pas d'émettre la moindre objection, aussi infime fût-elle. La monture et ses cavaliers glissèrent dans l'eau avec une aisance presque insultante, s'attirant le regard étonné et quelque peu offusqué d'un banc de poissons qui nageait là et qui se débanda dans une effervescence fiévreuse à la vue soudaine d'un prédateur potentiel. La vouivre claqua des mâchoires dans le vide, d'humeur joueuse, créant une profusion de bulles énormes qui rejoignirent la surface à l'unisson. D'un battement d'ailes expert, elle se propulsa en avant, se préparant déjà à refaire bientôt surface.
Derrière le sort qui leur permettait de rester immergés plus longtemps qu'il ne leur aurait été permis en temps normal, Nathrae n'avait pas décru sa concentration, la focalisant sur un nouvel ouvrage plus subtil encore. Devant elle, la jeune fille qu'ils avaient enlevée du repère d'Ange Neri s'était redressée en position assise, presque capable à présent de se maintenir seule en selle. Elle n'avait pas pipé mot depuis leur départ du jardin sinistré, et elle ne s'attendait à la voir lui adresser la parole avant que la situation ne se fût calmée, si tant est qu'elles arrivassent en lieu sûr. Elle ne lui avait pas exposé ses plans immédiats, mais elle avait l'impression étrange qu'elle n'en aurait pas eu besoin. Les mystères ne semblaient savoir que s'épaissir, et elle doutait presque d'en recevoir la clé avant le crépuscule, comme il était convenu. Clé qui, elle en était certaine, résidait en la personne de Fanaël, lequel usait probablement de ses dernières ressources pour leur fournir une chance unique d'en sortir indemnes. Une clé à disparaître. Sa concentration se fêla. Un rictus déforma fugitivement son visage, avant qu'elle ne le fermât à nouveau, les yeux fermement clos. Elle lui faisait confiance, mais il ne fallait pas frôler le ridicule.
Elle prit une profonde inspiration, insubstantielle. Plongeant plus profondément dans la transe, elle se laissa submerger par la magie qui coulait dans ses veines, aidée de Fyea qui se mêla à elle pour tisser ce qui demanderait une concentration constante pour être maintenu. Comme dans tous les sortilèges, les risques s'élevaient à même hauteur que les avantages recherchés, voire même au-dessus. L'expérimentation détenait ainsi sa part de dangerosité, et si la prise de risque pouvait s'avérer grisante, il arrivait que l'on trouvât dans la transe davantage que ce que l'on avait cherché -- des choses indésirables, relents insupportables qui vous piégeaient dans un tourbillon si profond que seule la folie semblait s'apparenter à une porte de sortie. Certaines choses nécessitaient toutefois une immersion exceptionnelle.
Nathrae et Fyea s'enfoncèrent ensemble, écartant les écueils familiers, suivant un chemin bien connu de l'une et de l'autre, pour l'avoir déjà emprunté par le passé. Il prenait par endroits des accents étrangers, où elle reconnaissait les changements inexorables qu'opérait la transformation. Plus elles s'enfonçaient, plus elle prenait conscience de l'ampleur de la conversion et de ce qu'elle supposait. Elle accédait à une compréhension plus complète, plus sensible, plus absolue de ce qu'elle était, devenait, pourrait devenir. Elle pouvait facilement s'y perdre. Tant de choses à voir, à embrasser dans un espoir d'entendement plein...
L'injonction muette de Fyea lui fit l'effet d'une gifle. Un soubresaut mental la renvoya sur le chemin indiscernable qu'elles suivaient un instant auparavant. Elle s'appuya contre sa psyché, si intimement mêlée à la sienne, consciente qu'elle venait de lui éviter un sort qu'elle n'aurait souhaité pour rien au monde, malgré les belles promesses entrevues. Oui, aurait-elle pu souffler, si un tel besoin n'avait pas été superflu. Oui, tu as raison.
Lorsqu'elles se furent suffisamment immergées, tout s'accéléra. Le reste relevait presque d'une partie de plaisir. Les muscles dorsaux de la vouivre s'agitèrent d'un bref spasme, percevant comme un changement, radical et déplaisant. Elle secoua la tête lorsqu'elle sentit quelque chose de visqueux recouvrir ses écailles noires, glisser le long de ses ailes musclées, huiler jusqu'à la pointe de ses griffes. Soudainement sourde à toute sensation, elle effectua un violent écart. Ou du moins, l'imagina. Une pression impérieuse l'intimait au calme, et ses yeux voilés cessèrent brièvement de s'affoler dans leurs orbites, tandis que la pulsion urgente et soudaine envahissant son esprit était réduite à l'état d'insignifiance. Une fraction d'immobilisme absolu, mental et physique. Une fraction d'unicité parfaite, de corps et d'esprit. Une fraction. Unique. Multiple. Brutale.
~¤~
La vouivre et sa cavalière fusèrent des eaux telle une flèche, comme si leur course n'avait jamais ralenti. Sans le moindre regard en arrière, elles accélérèrent la cadence et vrillèrent tout droit vers l'épais amas nuageux surplombant la Cité Irisée. Au moment d'entrer dans la tempête, l'Elfe noire effectua un geste brusque et lança un ordre sec, inaudible dans le vacarme des vents qui vrombissaient à cette altitude. Une percée s'ouvrit et laissa paraître la lumière du jour un bref instant, avant de disparaître sur leur passage. La vouivre poursuivit sa montée à la verticale, traversant la tempête de part en part, et déboucha enfin sur une accalmie.Au-dessus de la tempête, le soleil brillait déjà de mille feux, achevant de chasser les astres lointains de son domaine. Pas le moindre nuage ne flânait à l'horizon, faisant honneur au temps promis. La seule intruse à ce tableau radieux demeurait la masse sombre et vibrante que survolait à présent l'immense créature. Semblant apprécier de réchauffer ses écailles à la lumière du jour après son bain forcé, cette dernière avait légèrement ralenti l'allure, reculant le moment décisif où il faudrait replonger dans la tempête magique qui sévissait quelques dizaines de mètres plus bas. Prenant la direction intimée par sa cavalière, elle parcourut la courte distance à battements lents et réguliers. Un peu trop tôt à son goût, elle amorça enfin une descente énergique.
- Spoiler:
- Archeeent @_@ please é_è Edit moi: RP de la semaine validé
Et récompenses en Int/Con, comme d'hab
Validation Itrenog : 45 Intelligence
Dernière édition par Nathrae le Sam 8 Jan 2011 - 13:34, édité 3 fois
Re: Indésirables infiltrés...
[suite immédiate du post précédent. Attention au volume pour les musiques ]
La vouivre et sa cavalière plongèrent en piqué dans la masse de ténèbres, qui aussitôt les engloutit comme un monstre vorace. A l'intérieur, le rugissement des vents violents les frappa de plein fouet, les déportant furieusement sur une nouvelle trajectoire. Des éclats de magie jaillissaient de toutes part, accompagnés de cris lorsqu'un cavalier était désarçonné et balloté dans la tourmente tel un fétus de paille. Des éclairs noirs fusaient comme des lames punitives, surgissant des volutes sans prévenir. Nathrae dut se baisser pour éviter l'aile d'une créature. Le hurlement de son maître frappé par un sort qui lui avait arraché le bras ne suffit pas à couvrir le bruit que fit l'articulation de l'animal en se brisant sous la force des vents contraires. Ils disparurent, avalé par les nuées avides.
Nathrae, en tant qu'artisane de ce déchainement occulte, n'était pas inquiétée par ses effets, mais sa monture - et surtout les ailes de celle-ci - n'étaient absolument pas à l'abri d'un accident fatal. Brusquement, cette dernière fit un écart salvateur. Un flux d'une blancheur immaculée avait fusé sur eux, les manquant de peu. Les nuages se disloquèrent quelques instants sous cette magie, confirmant les soupçons de la N'Elfir: ce n'était pas une magie ordinaire. Nul n'était capable de déchirer ces nuages surnaturels, que Nathrae avait mit des décennies à mettre au point. Et ce qui était invraisemblable n'était plus impossible, désormais. Cela conduisait forcément...
Elle tendit une main devant elle dans la direction d'où était provenu ce trait , et intima à sa monture de foncer dans l'ouverture. Leur tunnel d'accalmie créa devant elles un véritable bouclier vortex, qui n'était pas du fait de l'Elfe Noire, mais un phénomène de magie naturel. Les garnisons volantes qui avaient le malheur de s'approcher étaient aspirées, se fracassait contre le turbulence puis étaient éjectées sur les côtés avec pertes et fracas. Leur cris perçaient parfois le mur du vent.
Soudain, une onde magique explosa sur leur droite. Celle-ci consuma toute la noirceur des nuées et rentra en collision avec le vortex créé par Nathrae. Le choc détruisit les deux influences. La N'Elfir eut juste le temps d'apercevoir le lanceur de ce contresort stupéfiant. Au centre d'une sorte de sphère vide, le cavalier blanc lança une salve de traits similaires à celui qui avait guidé Nathrae jusque là. Prise de cours, elle se laissa retomber dans les ténèbres et prononça sans réfléchir un mot démoniaque pour "protection" au lieu de bâtir un sort plus approprié:
- Nejjdarr!!!
Un écran rougeoyant se dressa tout autour. Le trait blanc ricocha comme de l'eau dessus. Mais la vouivre poussa un cri atroce avant que sa tête et des ailes ne se liquéfient. Le reste de son corps protégé par l'influence de Nathrae se mit à chuter. Sa cavalière bondit sans hésiter dans le vide, et son corps se fondit dans la masse nébuleuse. Elle réhémergea au dessus d'un ennemi et lui tomba dessus comme un faucon sur sa proie. Ses griffes de démone s'enfoncèrent dans son épaule avec aisance, et elle le projeta en arrière pour prendre sa place. Son esprit ignora ses cris qui disparurent bientôt, et se propulsa plus haut.
°° Fanaël!!!°°
Pour toute réponse, elle reçut un violent rejet qui l'abasourdit une fraction de seconde. Elle eut juste le temps de reprendre ses esprit quand un ennemi débouchait sur elle, et préparait une boule de feu dans sa main droite. Il la lança sur elle presque à bout portant. Les serres de sa monture éperonnèrent le flanc de sa nouvelle capture, les entrainant dans une série de tonneaux. Nathrae dissipa les flammes d'un revers de la main, et évita le coup d'estoc de son adversaire. Un pique de magie bleue jaillit de la main de l'humain et tenta de la transpercer. Elle se jeta en arrière délibérément, et la pique transperça le dos de la créature volante. Celle-ci se cabra en rugissant et tomba dans le vide. L'Elfe Noire se rétablit sur le dos de celle de son ennemi. Celui-ci devait être en contact mental avec plusieurs des siens, car sans prévenir, une demi-douzaine de renforts jaillirent de toute part, et jetèrent un filet magique sur elle.
Alors qu'elle s'apprêtait à disparaître, une onde de Fanaël éclata juste au dessus, refoulant toute turbulence et créant une sphère ou tout bruit et tout mouvement semblait s'être éteint.
Dans un silence mystique, la silhouette blanche de Fanaël, debout sur sa monture, se découpa sur la voute sombre qui les englobait. Sa silhouette claire les surplombait comme un rayon de lumière vengeur. Son corps n'avait même plus une apparence démoniaque: il s'évaporait de lui des filaments pâles, qui donnait l'impression qu'il était une flamme blanche, seule lumière dans toutes les ténèbres du monde. Tous levaient les yeux vers lui, subjugués par cette lueur surnaturelle qui vacillait et semblait menacer de s'éteindre à chaque instant. Ses yeux translucides ne semblaient plus les voir, comme s'il regardait au delà. Quand Nathrae les croisa, elle sentit sa présence l'écraser, et attaquer toutes ses défenses mentales en même temps. Mais au lieu de lutter, elle fit ce que jamais elle n'aurait fait si Fanaël, sans qu'ils s'en aperçoivent, ne la prépare à ce moment. Elle ouvrit son esprit. D'un seul coup, l'être qui avait cristallisé la scène bondit, et les filaments qui le recouvraient se hérissèrent tout autour de lui. Les volutes claires traversèrent les corps les plus proche, et ceux-ci tombèrent, sans vie, dans les nuages en contrebas.
Le temps reprit son cours normal lorsque les nuées obscures s'engouffrèrent à nouveau dans la sphère. La silhouette de Fanaël, suspendue dans le vide, fondit alors sur celle, sombre, de Nathrae. Comme en apesanteur, il s'immobilisa net face à elle, et les limbes qui ruisselaient de lui l'enveloppèrent comme autant de griffes mortelles.
La voix de Fanaël résonna dans son esprit, lointaine, déformée par une présence terrifiante, multiple, qui mutilait les barrières de Nathrae.
°° Va-t-en...! °°
Un torrent de colère se déversa en elle, et un choc magique la propulsa en arrière.
°° Laisse-moi!!! °°
Des émotions multiples la submergèrent, dont la plupart ne semblaient même pas provenir de Fanaël. Il était perdu. Son esprit était envahi par une abomination dont la puissance provoquait chez Nathrae une terreur qu'elle n'avait connu qu'une seule fois dans sa longue vie.
Maudits. Mutilés. Enchaînés...
La charge mentale était trop horrible pour que Nathrae puisse la supporter plus longtemps. Mais heureusement, celle-ci sembla s'estomper, comme si quelque chose l'appelait, la retenait dans les profondeurs d'où elle jaillissait.
°° Fanaël... °°
Avant de retomber dans la tourmente, elle aperçut des hordes d'ennemis fondre sur lui, en même temps que les nuages allaient tous les engloutir. Puis, le bruit, le vent. Elle se laissa tomber, tétanisée de ce qu'elle venait d'entrevoir. Une essence plus terrible que toutes celles qu'elle avait pu connaître. Pendant un cours instant, elle avait cru revivre le bannissement des Forêts, l'événement le plus douloureux de son existence. Etait-ce cela que Fanaël portait en lui? Elle avait clairement senti qu'il n'était pas seul. Cette horreur n'était pas le fruit d'un être unique...
Soudain... Un craquement sinistre couvrit tous les hurlements du vent et des éclairs. Saisie d'un mauvais pressentiment, elle sonda la tempête. Il n'était plus là. Il était...
°° Non! °°
Elle captura une nouvelle monture et s'élança vers la mer. L'air siffla sur son passage. Et enfin, elle le vit. Son corps blanc s'échappa du ciel d'encre, chutant droit en direction de la mer. La flamme blanche vacilla un instant, puis s'éteignit.
°° Pas ça...°°
Elle commença une litanie complexe. Presque aussitôt, la tempête occulte fondit vers la surface, recouvrant tout Munduce. Des tornades noires s'élancèrent vers le bas, s'écrasèrent dans la mer en créant des maeström. Nathrae fonça dans l'une d'elle, et disparut au vu de tous.
La silhouette blanche sombra dans l'immensité liquide. Un déchainement d'éclairs noirs déchira une dernière fois le ciel, tuant les poursuivants, et les dernières tornades finirent de les disperser violemment. La masse nuageuse commença à se dissiper. Les mages les plus hardis ne renoncèrent toutefois pas: plusieurs d'entre eux commencèrent à raser les eaux, en lançant des sorts à la moindre ombre suspecte en dessous la surface. Tout d'un coup, l'un d'eux lança une gerbe lumineuse. Aussitôt, des éclats de magie jaillirent dans les deux sens. Le combat s'intensifia quand les autres rejoignirent la fuyarde. Celle-ci fonçait vers le nord, mais seule à présent, elle ne résisterait pas longtemps au nombre. Elle émergea bientôt de l'eau, portant le corps inerte de son compagnon abattu. Elle bifurqua en catastrophe vers les petites montagnes qui bordaient la côte. Sur ses talons, les adversaires redoublèrent de sorts pour l'abattre.
Dans leurs hâte, ils ne prirent pas garde à l'ombre qui fondait sur eux depuis le sommet de la montagne. A présent, on ne pouvait plus les voir de Munduce.
Brusquement, un sort elfique frappa la vouivre, qui poussa un hurlement d'agonie, et fusa en plein vers le flanc de la montagne. Alors qu'un cri de victoire s'élevait chez les poursuivant, l'ombre de tout à l'heure les terrassa en rugissant. La fureur de Fyea s'abattit sur eux et les envoya en pâture aux vagues, qui les accueillirent sans rechigner.
Fyea, avant même de l'avoir rejointe, se lia à Nathrae pour s'assurer que tout allait bien. La N'Elfir était à bout de forces. Elle avait dû essuyer quelques dégâts, mais rien qui ne la mettait en péril. Quand enfin elle se posa, la transformation démoniaque avait été réversée. Nathrae n'avait plus les forces nécessaires ni la nécessité de maintenir cette magie opérante.
La N'Elfir consulta sa Familière du regard. Elles n'eurent même pas besoin de plus pour prévoir la suite. Il leur fallait une cachette indétectable... Le temps que...
Nathrae déposa avec précaution la tête de Fanaël sur le sol. Sa force vitale n'était plus qu'une étincelle fragile. Il avait tout donné pour leur permettre de s'enfuir. Il avait prévu de mourir... Et sans l'intervention de Nathrae, ça aurait été le cas à l'heure actuelle. Mais... Il n'était pas encore totalement éteint.
Bien qu'elle ne sache absolument pas si elle pourrait le ramener... Il allait falloir s'atteler à cette tâche si elle voulait que tout ceci n'ait pas été vain.
Quand leur protégée se manifesta enfin, Nathrae monta le regard vers elle, et la regarda s'agenouiller de l'autre côté du corps de Fanaël. Elle était aussi blanche que lui, mais quand elle posa sa main sur la joue de celui-ci, il était évident que cette lueur surnaturelle semblait l'avoir quitté. On aurait dit... qu'il lui avait transmis.
°° C'était ça ton plan?...°° fit Nathrae intérieurement, avec ressentiment. °° Transmettre puis disparaître...?°°
Des larmes noires se mirent à couler des yeux de leur protégée sur ses joues immaculées. Cette vision rappela à l'Ombre des souvenirs d'un autre âge, qui ne cessaient de remonter. Elle murmura un sort qui enveloppa la jeune femme d'une cape sombre, puis se leva. Elle leva les mains et commença à puiser dans les dernières réserves de Fyea pour créer les enchantements de protection qui leurs permettraient de ne pas être inquiétés d'éventuels poursuivants futurs. Quand elle eut fini l'essentiel, elle se retourna pour faire face à ces deux êtres si étranges qui... en cet instant... semblaient aussi faibles et menacés qu'ils s'avéraient mystérieux et dangereux quelques instants plus tôt.
°° Je ne laisserai plus cela arriver... Pas encore une fois sous mes yeux...°°
Elle tenta de s'insinuer dans l'esprit de Fanaël, même si celui-ci n'était presque plus perceptible ou même accessible.
°° Plus jamais...°°
Elle leva la tête, poussée par une chose qu'elle n'avait plus ressentie depuis longtemps. Depuis tout ce temps, elle l'avait sous les yeux, sans parvenir à le saisir. Maintenant qu'elle voyait ces deux être étranges devant elle... Elle comprenait ce qui l'avait mené jusque là. Elle n'avait pas encore toutes les clés, mais elle en était convaincue.
Fanaël et cette humaine, ou quoi qu'elle fût, représentaient l'espoir que les siens avaient perdu depuis longtemps. Pour la première fois depuis dix millénaires, Nathrae ressentait à nouveau la lumière.
Ses lèvres se s'étirèrent doucement, la surprenant elle-même. Elle avait eu raison de sauver Fanaël. Elle en était persuadée. Il était l'étincelle qu'ils avaient tous cherchés.
Elle s'avança vers ses précieux compagnons de route. L'étincelle menaçait de s'éteindre à tout instant.
*************************
La vouivre et sa cavalière plongèrent en piqué dans la masse de ténèbres, qui aussitôt les engloutit comme un monstre vorace. A l'intérieur, le rugissement des vents violents les frappa de plein fouet, les déportant furieusement sur une nouvelle trajectoire. Des éclats de magie jaillissaient de toutes part, accompagnés de cris lorsqu'un cavalier était désarçonné et balloté dans la tourmente tel un fétus de paille. Des éclairs noirs fusaient comme des lames punitives, surgissant des volutes sans prévenir. Nathrae dut se baisser pour éviter l'aile d'une créature. Le hurlement de son maître frappé par un sort qui lui avait arraché le bras ne suffit pas à couvrir le bruit que fit l'articulation de l'animal en se brisant sous la force des vents contraires. Ils disparurent, avalé par les nuées avides.
Nathrae, en tant qu'artisane de ce déchainement occulte, n'était pas inquiétée par ses effets, mais sa monture - et surtout les ailes de celle-ci - n'étaient absolument pas à l'abri d'un accident fatal. Brusquement, cette dernière fit un écart salvateur. Un flux d'une blancheur immaculée avait fusé sur eux, les manquant de peu. Les nuages se disloquèrent quelques instants sous cette magie, confirmant les soupçons de la N'Elfir: ce n'était pas une magie ordinaire. Nul n'était capable de déchirer ces nuages surnaturels, que Nathrae avait mit des décennies à mettre au point. Et ce qui était invraisemblable n'était plus impossible, désormais. Cela conduisait forcément...
Elle tendit une main devant elle dans la direction d'où était provenu ce trait , et intima à sa monture de foncer dans l'ouverture. Leur tunnel d'accalmie créa devant elles un véritable bouclier vortex, qui n'était pas du fait de l'Elfe Noire, mais un phénomène de magie naturel. Les garnisons volantes qui avaient le malheur de s'approcher étaient aspirées, se fracassait contre le turbulence puis étaient éjectées sur les côtés avec pertes et fracas. Leur cris perçaient parfois le mur du vent.
Soudain, une onde magique explosa sur leur droite. Celle-ci consuma toute la noirceur des nuées et rentra en collision avec le vortex créé par Nathrae. Le choc détruisit les deux influences. La N'Elfir eut juste le temps d'apercevoir le lanceur de ce contresort stupéfiant. Au centre d'une sorte de sphère vide, le cavalier blanc lança une salve de traits similaires à celui qui avait guidé Nathrae jusque là. Prise de cours, elle se laissa retomber dans les ténèbres et prononça sans réfléchir un mot démoniaque pour "protection" au lieu de bâtir un sort plus approprié:
- Nejjdarr!!!
Un écran rougeoyant se dressa tout autour. Le trait blanc ricocha comme de l'eau dessus. Mais la vouivre poussa un cri atroce avant que sa tête et des ailes ne se liquéfient. Le reste de son corps protégé par l'influence de Nathrae se mit à chuter. Sa cavalière bondit sans hésiter dans le vide, et son corps se fondit dans la masse nébuleuse. Elle réhémergea au dessus d'un ennemi et lui tomba dessus comme un faucon sur sa proie. Ses griffes de démone s'enfoncèrent dans son épaule avec aisance, et elle le projeta en arrière pour prendre sa place. Son esprit ignora ses cris qui disparurent bientôt, et se propulsa plus haut.
°° Fanaël!!!°°
Pour toute réponse, elle reçut un violent rejet qui l'abasourdit une fraction de seconde. Elle eut juste le temps de reprendre ses esprit quand un ennemi débouchait sur elle, et préparait une boule de feu dans sa main droite. Il la lança sur elle presque à bout portant. Les serres de sa monture éperonnèrent le flanc de sa nouvelle capture, les entrainant dans une série de tonneaux. Nathrae dissipa les flammes d'un revers de la main, et évita le coup d'estoc de son adversaire. Un pique de magie bleue jaillit de la main de l'humain et tenta de la transpercer. Elle se jeta en arrière délibérément, et la pique transperça le dos de la créature volante. Celle-ci se cabra en rugissant et tomba dans le vide. L'Elfe Noire se rétablit sur le dos de celle de son ennemi. Celui-ci devait être en contact mental avec plusieurs des siens, car sans prévenir, une demi-douzaine de renforts jaillirent de toute part, et jetèrent un filet magique sur elle.
Alors qu'elle s'apprêtait à disparaître, une onde de Fanaël éclata juste au dessus, refoulant toute turbulence et créant une sphère ou tout bruit et tout mouvement semblait s'être éteint.
Dans un silence mystique, la silhouette blanche de Fanaël, debout sur sa monture, se découpa sur la voute sombre qui les englobait. Sa silhouette claire les surplombait comme un rayon de lumière vengeur. Son corps n'avait même plus une apparence démoniaque: il s'évaporait de lui des filaments pâles, qui donnait l'impression qu'il était une flamme blanche, seule lumière dans toutes les ténèbres du monde. Tous levaient les yeux vers lui, subjugués par cette lueur surnaturelle qui vacillait et semblait menacer de s'éteindre à chaque instant. Ses yeux translucides ne semblaient plus les voir, comme s'il regardait au delà. Quand Nathrae les croisa, elle sentit sa présence l'écraser, et attaquer toutes ses défenses mentales en même temps. Mais au lieu de lutter, elle fit ce que jamais elle n'aurait fait si Fanaël, sans qu'ils s'en aperçoivent, ne la prépare à ce moment. Elle ouvrit son esprit. D'un seul coup, l'être qui avait cristallisé la scène bondit, et les filaments qui le recouvraient se hérissèrent tout autour de lui. Les volutes claires traversèrent les corps les plus proche, et ceux-ci tombèrent, sans vie, dans les nuages en contrebas.
Le temps reprit son cours normal lorsque les nuées obscures s'engouffrèrent à nouveau dans la sphère. La silhouette de Fanaël, suspendue dans le vide, fondit alors sur celle, sombre, de Nathrae. Comme en apesanteur, il s'immobilisa net face à elle, et les limbes qui ruisselaient de lui l'enveloppèrent comme autant de griffes mortelles.
La voix de Fanaël résonna dans son esprit, lointaine, déformée par une présence terrifiante, multiple, qui mutilait les barrières de Nathrae.
°° Va-t-en...! °°
Un torrent de colère se déversa en elle, et un choc magique la propulsa en arrière.
°° Laisse-moi!!! °°
Des émotions multiples la submergèrent, dont la plupart ne semblaient même pas provenir de Fanaël. Il était perdu. Son esprit était envahi par une abomination dont la puissance provoquait chez Nathrae une terreur qu'elle n'avait connu qu'une seule fois dans sa longue vie.
Maudits. Mutilés. Enchaînés...
La charge mentale était trop horrible pour que Nathrae puisse la supporter plus longtemps. Mais heureusement, celle-ci sembla s'estomper, comme si quelque chose l'appelait, la retenait dans les profondeurs d'où elle jaillissait.
°° Fanaël... °°
Avant de retomber dans la tourmente, elle aperçut des hordes d'ennemis fondre sur lui, en même temps que les nuages allaient tous les engloutir. Puis, le bruit, le vent. Elle se laissa tomber, tétanisée de ce qu'elle venait d'entrevoir. Une essence plus terrible que toutes celles qu'elle avait pu connaître. Pendant un cours instant, elle avait cru revivre le bannissement des Forêts, l'événement le plus douloureux de son existence. Etait-ce cela que Fanaël portait en lui? Elle avait clairement senti qu'il n'était pas seul. Cette horreur n'était pas le fruit d'un être unique...
Soudain... Un craquement sinistre couvrit tous les hurlements du vent et des éclairs. Saisie d'un mauvais pressentiment, elle sonda la tempête. Il n'était plus là. Il était...
°° Non! °°
Elle captura une nouvelle monture et s'élança vers la mer. L'air siffla sur son passage. Et enfin, elle le vit. Son corps blanc s'échappa du ciel d'encre, chutant droit en direction de la mer. La flamme blanche vacilla un instant, puis s'éteignit.
°° Pas ça...°°
Elle commença une litanie complexe. Presque aussitôt, la tempête occulte fondit vers la surface, recouvrant tout Munduce. Des tornades noires s'élancèrent vers le bas, s'écrasèrent dans la mer en créant des maeström. Nathrae fonça dans l'une d'elle, et disparut au vu de tous.
La silhouette blanche sombra dans l'immensité liquide. Un déchainement d'éclairs noirs déchira une dernière fois le ciel, tuant les poursuivants, et les dernières tornades finirent de les disperser violemment. La masse nuageuse commença à se dissiper. Les mages les plus hardis ne renoncèrent toutefois pas: plusieurs d'entre eux commencèrent à raser les eaux, en lançant des sorts à la moindre ombre suspecte en dessous la surface. Tout d'un coup, l'un d'eux lança une gerbe lumineuse. Aussitôt, des éclats de magie jaillirent dans les deux sens. Le combat s'intensifia quand les autres rejoignirent la fuyarde. Celle-ci fonçait vers le nord, mais seule à présent, elle ne résisterait pas longtemps au nombre. Elle émergea bientôt de l'eau, portant le corps inerte de son compagnon abattu. Elle bifurqua en catastrophe vers les petites montagnes qui bordaient la côte. Sur ses talons, les adversaires redoublèrent de sorts pour l'abattre.
Dans leurs hâte, ils ne prirent pas garde à l'ombre qui fondait sur eux depuis le sommet de la montagne. A présent, on ne pouvait plus les voir de Munduce.
Brusquement, un sort elfique frappa la vouivre, qui poussa un hurlement d'agonie, et fusa en plein vers le flanc de la montagne. Alors qu'un cri de victoire s'élevait chez les poursuivant, l'ombre de tout à l'heure les terrassa en rugissant. La fureur de Fyea s'abattit sur eux et les envoya en pâture aux vagues, qui les accueillirent sans rechigner.
Fyea, avant même de l'avoir rejointe, se lia à Nathrae pour s'assurer que tout allait bien. La N'Elfir était à bout de forces. Elle avait dû essuyer quelques dégâts, mais rien qui ne la mettait en péril. Quand enfin elle se posa, la transformation démoniaque avait été réversée. Nathrae n'avait plus les forces nécessaires ni la nécessité de maintenir cette magie opérante.
La N'Elfir consulta sa Familière du regard. Elles n'eurent même pas besoin de plus pour prévoir la suite. Il leur fallait une cachette indétectable... Le temps que...
Nathrae déposa avec précaution la tête de Fanaël sur le sol. Sa force vitale n'était plus qu'une étincelle fragile. Il avait tout donné pour leur permettre de s'enfuir. Il avait prévu de mourir... Et sans l'intervention de Nathrae, ça aurait été le cas à l'heure actuelle. Mais... Il n'était pas encore totalement éteint.
Bien qu'elle ne sache absolument pas si elle pourrait le ramener... Il allait falloir s'atteler à cette tâche si elle voulait que tout ceci n'ait pas été vain.
Quand leur protégée se manifesta enfin, Nathrae monta le regard vers elle, et la regarda s'agenouiller de l'autre côté du corps de Fanaël. Elle était aussi blanche que lui, mais quand elle posa sa main sur la joue de celui-ci, il était évident que cette lueur surnaturelle semblait l'avoir quitté. On aurait dit... qu'il lui avait transmis.
°° C'était ça ton plan?...°° fit Nathrae intérieurement, avec ressentiment. °° Transmettre puis disparaître...?°°
Des larmes noires se mirent à couler des yeux de leur protégée sur ses joues immaculées. Cette vision rappela à l'Ombre des souvenirs d'un autre âge, qui ne cessaient de remonter. Elle murmura un sort qui enveloppa la jeune femme d'une cape sombre, puis se leva. Elle leva les mains et commença à puiser dans les dernières réserves de Fyea pour créer les enchantements de protection qui leurs permettraient de ne pas être inquiétés d'éventuels poursuivants futurs. Quand elle eut fini l'essentiel, elle se retourna pour faire face à ces deux êtres si étranges qui... en cet instant... semblaient aussi faibles et menacés qu'ils s'avéraient mystérieux et dangereux quelques instants plus tôt.
°° Je ne laisserai plus cela arriver... Pas encore une fois sous mes yeux...°°
Elle tenta de s'insinuer dans l'esprit de Fanaël, même si celui-ci n'était presque plus perceptible ou même accessible.
°° Plus jamais...°°
Elle leva la tête, poussée par une chose qu'elle n'avait plus ressentie depuis longtemps. Depuis tout ce temps, elle l'avait sous les yeux, sans parvenir à le saisir. Maintenant qu'elle voyait ces deux être étranges devant elle... Elle comprenait ce qui l'avait mené jusque là. Elle n'avait pas encore toutes les clés, mais elle en était convaincue.
Fanaël et cette humaine, ou quoi qu'elle fût, représentaient l'espoir que les siens avaient perdu depuis longtemps. Pour la première fois depuis dix millénaires, Nathrae ressentait à nouveau la lumière.
Ses lèvres se s'étirèrent doucement, la surprenant elle-même. Elle avait eu raison de sauver Fanaël. Elle en était persuadée. Il était l'étincelle qu'ils avaient tous cherchés.
Elle s'avança vers ses précieux compagnons de route. L'étincelle menaçait de s'éteindre à tout instant.
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- Spoiler:
- Hope you'll enjoy as much as me T_T
Les grandes révélations approchent ><
2d RP de la semaine: 1 P d'Argent (validé).
Capaz à répartir comme d'hab dès que ce sera faisable ^^
- Musiques & Illustration:
- Divinity 2 - N. Uematsu (OST FF7 Advent Children)
Liberi Fatali - N Uematsu (OST FF8)
Requiem - O. Michiru (OST FMA- Conqueror of Shamballah)
Et je mets une image parce qu'elle m'a trop inspiré la fin... Et elle est trop magnifique alors faut que je vous la montre T_T
Elle vient de là: http://hakubaikou.deviantart.com/gallery/100888#/drxdjl
Validation Itrenog : 5 Pièces D'Argent
Re: Indésirables infiltrés...
Nathrae refoula une énième fois l'assaut de la magie étrange de ce lieu. La tentation de s'y fondre était grande, mais elle n'était pas encore prête à y entrevoir ce qu'elle devinait à peine aux confins de sa conscience. De nombreuse fois auparavant, elle avait eu vent de l'Eden - bien que ce fusse sous un autre nom, bien plus empreint de sens que cette appellation fade - et loisir d'explorer ses secrets, tout en ne s'y aventurant qu'à distance, avec de multiples précautions. Nathrae s'était fait volonté de ne pas profiter de cet ersatz qu'elle avait vu aveugler plus d'un des siens par le passé. L'Eden offrait tout ce que nécessitait son visiteur pour accomplir sa destinée... Toutefois, on le payait au prix d'un détachement de plus en plus fort des réalités extérieures, qui paraissaient de plus en plus fades et ternes. Ce doux piège était un refuge pour nombre d'êtres qui le connaissait, mais Nathrae n'avait pas souhaité abandonner les dernières bribes intenses, aussi douloureuses fussent-elles, de son passé. C'était précisément pour cette raison que depuis leur arrivée, elle se refusait à s'ouvrir.
Elle s'exila de ses retranchements et ouvrit les yeux. Les contours flous de ses pensées laissèrent place à l'intérieur confortable d'une vaste tente. De partout exhalaient des essences de magie, parfois agréables, parfois sournoises, souvent inquiétantes. Elle savait très bien que la vision première de ces apparences n'étaient qu'une façade. Elle ne se trouvait certainement pas dans une tente, et les essences perçues ne provenaient assurément pas des objets qui paraissaient les contenir. Leur protecteur utilisait des enchantements complexes, dont Nathrae parvenait à déchiffrer les effets, sans connaître le moyen de les décortiquer complètement. Mais Fyea était formelle: elles étaient bien là où Fanaël les avait envoyées. Avant de...
La N'Elfir tourna la tête vers sa droite, comme pour s'assurer que ses propres protections fonctionnaient bien. Il était toujours là, étendu sur un lit luxueux, immobile. Ses signes vitaux semblaient bien plus stable que la veille.
A cette pensée, l'Ombre se remémora la journée épique qu'elle avait vécu la veille. Elle n'avait pas traversé de telles épreuves depuis... Elle ne préférait pas s'en souvenir. Ils avaient failli tous mourir, et perdre ainsi la clé d'un grand mystère, qu'elle soupçonnait balayer beaucoup de ceux qu'elle avait élucidés. Une fois qu'ils avaient été à l'abri de leurs poursuivants, Nathrae s'était employé à limiter par tous les moyens à sa disposition les risques qui pesaient sur l'existence de Fanaël. Cela avait nécessité une incantation de plusieurs heures sans interruption, bâtie suivant les moindres réaction du corps de celui-ci, qui semblait enveloppé de magies toutes plus imprévisibles les unes que les autres. De par leur manière d'agir, Nathrae en était même venue à songer qu'il était difficile à croire que Fanaël se les soit toutes jeté lui-même. La manière de faire était sans cesse différente, tantôt soignée, tantôt brutale, tantôt intense, tantôt insidieuse. Le tout formait un entrelacs inextricable, très instable. Même à l'orée de la mort, l'étrangeté de Fanaël ne cessait de la surprendre; comment pouvait-il rester d'aplomb avec autant de chimères en lui? Tous les N'Elfir se lançaient sur eux-même des quantités de sorts divers, pour diverses raisons. Mais l'ensemble restait homogène et hormis la Grande Malédiction, ils annulaient tout effet secondaire indésirable du conflit entre deux sorts. Mais lui... Nathrae s'était surprise à percevoir la sorte de compassion pour sa condition s'amplifier en elle, et naître en Fyea également. Fanaël était comme un réceptacle dans lequel on avait versé d'innombrables élixirs, sans jamais se soucier des conséquences. Etait-il le responsable de tout cela? Certains N'Elfir avaient tenté des choses impensables pour annuler la Grande Malédiction. Etait-ce là le résultat de ses tentatives infructueuses? L'Ombre en doutait. Ou si Fanaël était responsable de sa propre condition, il n'avait pas pu la provoquer seul.
Ce qui la ramenait à la raison de sa présence ici, et à toutes les questions qui se bousculaient sous la surface. Comment en était-il arrivé là? Qu'était-il devenu? Avec qui? Dans quels buts?
Elle se leva lentement, et s'approcha de son cheveux, où se tenait, immobile, la créature que Fanaël avait voulu arracher des griffes des Ange Neri, au prix de sa vie. Elle semblait presque humaine, mais sa blancheur irréelle, si semblable à celle de son sauveur, ne permettait guère d'affirmer une telle chose. Elle avait quelques airs elfiques, mais là encore, des étrangetés discréditaient cette hypothèse. Et, chose étrange, elle dégageait une aura qui rappelait cruellement à Nathrae les magies des runes, qui la rapprochaient du peuple nain. Elle était une véritable énigme, mais cela confortait l'Ombre dans le fait que Fanaël l'avait probablement sauvée pour ces traits plus que singuliers. La N'Elfir avait évidemment tenté de sonder son être - sans grand espoir - et s'était heurtée à un capharnaüm effrayant, similaire à celui qu'elle avait pu percevoir chez Fanaël, mais en encore plus confus. La seule chose que Nathrae avait pu comprendre, c'est que cette aberration, quoi qu'elle puisse être, était perdue dans des tourments insondable, et que le sens ne semblait pas pouvoir perdurer dans son esprit, l'empêchant de parler ou de façonner ses idées d'une manière exprimable. Il n'y avait qu'une seule chose qui semblait la rattacher à la réalité: la perception aigüe de Fanaël comme une ancre vitale, comme la flamme au milieu de ses ténèbres.
Nathrae l'observa: elle était assise aux côtés de Fanaël, lui tenant fermement la main gauche entre les siennes. Ses yeux étaient fermés, et son expression indéchiffrable. Elle ne réagit pas à l'approche de la N'Elfir. Cette dernière contrôla les signes vitaux de Fanaël, qui, comme le lui avait assuré leur hôte la veille, s'étaient stabilisés de manière significative.
Après les avoir téléportés à l'orée de la barrière des Joutes, Nathrae les avait fait passer à pied, comme l'imposait la protection. Une fois à quelques centaines de mètres des Joutes, elle avait envoyé le signal mental que Fanaël lui avait indiqué avant qu'ils ne pénètrent Munduce. Leur contact était arrivé presque aussitôt, et les avait emportés avant que les mages de la barrière ne viennent les contrôler. Sa surprise en voyant Fanaël avait confirmé les déductions de Nathrae: il n'avait pas prévu de réchapper à leur entreprise. Toutefois, il les avait secourus et transportés ici, à l'abri des menaces extérieures. Et malgré les craintes de l'Ombre, l'inconnu avait maintenu Fanaël en vie sans poser de questions ni opposer de résistance. Il avait mis en place un dispositif d'objets enchantés en cercle autour de son corps, et leur avaient ordonné en langage de magie de protéger celui-ci. Puis, il leur avait expliqué qu'il les attendait et qu'elles pourraient rester le temps qu'il faudrait. Quand Nathrae lui avait parlé de guérir Fanaël, l'inconnu - que ce dernier avait nommé Serädjëon avant les événements - s'était montré plus rétif quant à la concrétisation d'une telle tentative. Il avait cependant convenu qu'il y avait peut-être une solution, et les avait quittées pour soit disant se procurer de quoi parachever ces intentions.
Cela faisait maintenant presque toute la nuit qu'il s'était absenté, et Nathrae ne parvenait pas à se défaire de la méfiance à l'égard de ce personnage plus que douteux. Il ne dégageait aucune aura, et Fanaël l'avait mise en garde sur certaines règles à appliquer dans son domaine. Mais elle n'avait pas le choix. Fanaël lui avait demandé de veiller sur cet être qu'ils avaient arraché aux Ange Neri, et de s'assurer que Serädjëon la prenne en charge. Après quoi, son compagnon mystérieux lui avait promis qu'elle obtiendrait réponse à ses questions.
Tout ne s'était pas exactement déroulé comme prévu... Mais la N'Elfir avait mené sa mission, et elle la mènerait à son but. Mais avant, elle devait se concentrer sur cette piste impensable qui venait de s'ouvrir à elle. C'était trop important.
Le froissement de la tenture fit se retourner Nathrae. La silhouette de Serädjëon pénétra dans l'espace magique, et s'approcha de l'endroit où reposait le corps de Fanaël. Il se défit d'une sacoche et en sortit divers objets - essentiellement des fioles - qu'il disposa en arc-de-cercle devant lui. Des mots du langage de magie glissèrent de ses lèvres, et les ingrédients se mirent à s'élever et se mélanger dans les airs. L'Ombre identifia rapidement la plupart de ceux-ci: tous rares, il avait dû en acheter certains une fortune. Sans les Joutes, il aurait probablement été impossible de réunir en si peu de temps autant d'ingrédients. Elle nota également qu'il avait pris la peine de ne pas se les procurer depuis l'Eden - ce qui aurait été tout à fait possible: le rituel qu'il allait tenter était d'une nature tellement occulte que le bâtir sur les bases de la magie latente à l'endroit pouvait avoir des effets supplémentaires, non voulus. Il maîtrisait son sujet, c'était déjà un bon point. De plus, ses gestes assurés et les phrases travaillées qu'il prononçait montraient qu'il savait ce qu'il faisait. Peut-être un peu trop.
Soudain, une idée traversa l'esprit de Nathrae, comme un faisceau lumineux. Serädjëon pouvait être celui qui avait participé à créer ces horreurs en Fanaël! Il en avait tout à fait l'étoffe... Elle pouvait aisément croire qu'il avait de quoi accomplir des actes de magies terribles avec le peu qu'elle avait entrevu. Sa méfiance se mua brusquement en crispation dubitative. Fyea tempéra sa montée de suspicion, avant qu'elle ne demande, d'une voix froide:
- Aucun élixir ne pourra le rétablir. Ils vont revitaliser son corps trop vite, et provoquer un déclenchement simultané de tous les enchantements.
- Je sais.
Fyea attira son attention sur le mélange d'ingrédients. Ce n'était pas un élixir. Les dosages étaient mauvais, et ajoutés dans le désordre. Il était en train de fabriquer...
- Un décant de Rixilé... grinça-t-elle, prête à l'attaquer. Un philtre fatal...
- Inutile de vous alarmer. Je ne souhaite la mort de personne ici. Je vais vous expliquer ce que je compte faire. J'aurai besoin de votre aide pour avoir une chance de réussir.
Nathrae se détendit quelques peu, sans pour autant baisser sa garde. Un décant de Rixilé était obtenu lors de l'échec d'élixirs puissants. Un mauvais dosage, un mauvais ordre de mélange, un mauvais composé... et l'élixir, l'une des familles de potions les plus puissantes, devenait un poison aussi foudroyant que son opposé était revitalisant. Le décant de Rixilé ne désignait pas une potion en particulier, il résultait d'un élixir raté. C'était le plus grand obstacle pour les maîtres de lotions, qui causaient de nombreuses morts avant d'obtenir leurs précieuses recettes. Le décant de Rixilé s'achetait à prix d'or pour tous ceux qui souhaitaient semer la mort sans craindre l'échec. Ses exhalaisons pouvaient rendre aveugle, ou faire cracher le sang, tandis qu'un seul contact avec la peau tuait en quelques dizaines de secondes. Une entaille ou une goutte dans une aliment, et c'était la mort quasi immédiate.
Devant l'absence de réponse de la N'Elfir, Serädjëon s'expliqua:
- Il est impossible de guérir Fanaël de son mal. Comme vous le savez déjà probablement, tous les moyens pour le ramener pourrait avoir des conséquences désastreuses, et se solderaient probablement par la mort pour celui qui tenterai la chose, ainsi que de choses que je préfère ne pas évoquer ici.
- ... Quel est votre solution, dans ce cas?
- Fanaël a donné sa vie pour elle.
Il désigna la créature d'allure féminine qui depuis tout à l'heure, n'avait toujours pas bougé.
- Et... Vous êtes venues ici. Fanaël n'avait pas prévu de revenir ici. Tout cela doit avoir une raison. Nous ignorons encore laquelle, mais ce que je sais, c'est qu'une chose puissante a oeuvré pour que nous nous retrouvions tous, ici. Cette raison est la seule à avoir assez de pouvoir pour le faire revenir.
- ...
- Si la raison pour laquelle il a mis sa vie en jeu est menacée... Il reviendra.
Nathrae comprenait à présent. Il allait utiliser le décant de Rixilé pour menacer la vie de leur protégée. Cela créerait un choc si grand qu'il transcenderait l'état de Fanaël et le tirerai des limbes où il était piégé. C'était extrêmement risqué, car le décant pouvait causer la mort des deux... Mais ils n'avaient pas d'autres choix. Serädjëon intervint à nouveau après avoir presque achevé le décant:
- Fanaël avait choisi de mourir hier et de vous mener à nous. Quel qu'ait été son but, il n'a jamais agi sans raison. Etes-vous sûre de vouloir briser les chaînes de la destinée qu'il s'était construites?
Nathrae consulta à nouveau Fyea, qui s'accorda avec elle. Même si les risques étaient énormes, elles ne pouvaient pas laisser Fanaël s'en aller. Pas maintenant. Pas après tout ça...
- Oui.
- Bien. Maintenant, préparez-vous à ce qui risque d'arriver. Ce que nous nous apprêtons à déranger dépasse l'entendement. Au moindre faux pas, nous serons déchiquetés par les secrets scellés en Fanaël.
Nathrae acquiesça d'un bref signe de tête, pour manifester sa détermination. Il tendit sa main gantée d'un geste sec, et le dernier ingrédient disparut dans la solution brunâtre. Le décant de Rixilé siffla furieusement, et se mit à répandre une vapeur ocre. Quand celle-ci toucha le visage de la protégée, celle-ci ouvrit les yeux avec une expression de douleur atroce. Les veines invisibles de son visage immaculé se teintèrent de brun tandis que le poison s'infiltrait en elle. Un bruit étrange s'éleva tout autour, et la tente commença à s'effriter, comme si le monde partait en miettes. Les veines sombres montaient sur son front et serpentaient dans son cou pâle tel la mort sournoise. Ses mains s'agrippèrent tout d'un coup à celle, inerte, de Fanaël, comme si elle tenter de s'accrocher à la vie, à sa raison d'être.
Soudain, tout explosa autour d'eux. Tout l'univers s'envola, happé par des cieux sans fond, furieux. Ils se trouvaient dans le vide, ballotés comme des fétus de paille. Le vent hurlait et les frappait de débris invisibles. La magie s'éleva de Fanaël comme un colosse implacable, balayant tout sur son passage. Les prairies magnifiques de l'Eden s'arrachèrent, ainsi que ses arbres et tout ce qu'il contenait. Les plantes s'enflammèrent et se dispersèrent en cendres dans les vents hurlants. Les incantations de Serädjëon et Nathrae se perdaient dans ceux-ci, qui se fracassaient contre eux comme pour leur intimer de se taire. Fyea avait beau lutter contre les torrents déchaînés, leur bulle était secouée de tremblements terribles, et percuter par de puissants assauts occultes qui ouvraient des brèches de plus en plus grandes dans l'écran protecteur.
Serädjëon lâcha son emprise sur le décant, qui aussitôt se dissipa dans les airs rageurs. Nathrae dirigea ses incantations sur leur protégée, pour stopper la progression du venin, qui ne pourrait être arrêté que par un élixir.
Puis, brusquement, la magie en Fanaël se déploya, avalant toute la magie de l'Eden pour se l'approprier.
La protection de Fyea vola en éclat, et Nathrae se sentie envahie par la présence abominable qu'elle avait entrevue dans le ciel de Munduce. Ses barrières mentales sautèrent une à une, broyées par les attaques redoublées sur tous les fronts, comme si l'entité était partout à la fois. La N'Elfir fit un effort considérable pour violer toute son éducation en matière de précautions mentales; au lieu de continuer à s'obstiner à se protéger de ces présences horrifiantes qui allaient bientôt l'annihiler, elle s'ouvrit complètement, comme Fanaël avait l'habitude de faire lorsqu'au début, elle essayait de lire en lui.
La douleur qui la traversa fut telle qu'elle perdit toute conscience de son corps ou d'autres réalités concrètes. Elle fut aveuglée pendant un laps de temps indéfinissable, perdant toute notion de celui-ci. Et soudain...
Elle se retrouva devant eux.
Ils étaient devant quelque chose dont elle ne pouvait que sentir l'incommensurable flux indescriptible qui s'en dégageait. L'effroi la saisit... Si elle ne partait pas très vite, cette chose allait l'engloutir pour toujours... Sa vision oscilla à la dérive sur les innombrables silhouettes lumineuses devant elle. Tous ces visages... Tous ces souvenirs... Tous ces sentiments...
Nathrae ne pouvait supporter tout cela...
- Repars d'où tu viens... Il n'y a rien pour toi ici...
La N'Elfir décela la neutralité de cette volonté multiple, qui résonnait comme un avertissement. Une silhouette se détacha des autres et avança vers elle, la poussant en arrière. Elle ne pouvait la distinguer dans la lumière étrange qui baignait ce lieu, mais une sensation familière l'étreignit quand elle se sentit entrer en contact avec l'être:
- Fanaël?
Ce fut la volonté multiple qui répondit, par une infinité de voix:
- L'heure n'est pas venue...
Nathrae tombait, s'éloignant de plus en plus des présences.
- Attendez... Nous avons besoin de votre secret!!! Ne nous laissez pas encore...
La voix de Nathrae se noyait dans les tourbillons des limbes. Elle était chassée de ce lieu mystique, où elle était sûre d'avoir entrevu le pouvoir de mettre fin à toutes les tragédies. Ces... êtres de lumière connaissaient la clé de tous les mystères, elle en était sûre... La présence familière cessa de la repousser. La N'Elfir sentit Fyea et une autre présence la tirer en arrière, pour la ramener...
°° Non... °°
Nathrae devait prendre un choix. Devait-elle écouter l'avertissement et renoncer à ramener Fanaël? Ou devait-elle tout de même le ramener? Maintenant, elle était sûre... Il faisait partie de ces êtres qui gardaient le secret dans le lieu nimbé de lumière... Il savait donc ce qu'elle cachait... C'était la solution à tout. La Porte de l'Espoir... Elle se devait de ramener cette lumière aux siens...
Elle fit son choix en même temps que Fyea et Serädjëon la tirèrent de sa transe.
Quand elle revint à elle, le rituel s'acheva dans un choc si puissant qu'il provoqua un grondement semblable à un roulement de tonnerre, et déchira le voile de l'Eden en mille morceaux. Toute la magie de la tente implosa d'elle même, renversant tout le mobiliser, et brisant les sortilèges mineurs qui s'y trouvaient. La barrière d'illusion qui séparait la tente en deux vola en éclat, et toutes les personnes présentes dans le refuge de Serädjëon furent projetés contre les parois molles.
Hébétés, parcourus d'éclats de magie spontanés, chacun se redressa, dévisageant les autres, le visage encore stupéfait d'être toujours en vie.
Ils étaient à présent 6 inconnus, réunis en cet endroit par le destin. Nathrae, Fyea, Itrenog, Kin-Fei, la jeune protégée et Serädjëon... Aucun ne se connaissait vraiment. Ils venaient d'être réunis par ce qui se trouvait sur le seul mobilier qui n'avait pas été renversé. Tous les regards convergèrent vers cette silhouette blanche, qui était l'origine... Et à la fois le dénouement de cette réunion improbable.
Fanaël...
***********************************
Elle s'exila de ses retranchements et ouvrit les yeux. Les contours flous de ses pensées laissèrent place à l'intérieur confortable d'une vaste tente. De partout exhalaient des essences de magie, parfois agréables, parfois sournoises, souvent inquiétantes. Elle savait très bien que la vision première de ces apparences n'étaient qu'une façade. Elle ne se trouvait certainement pas dans une tente, et les essences perçues ne provenaient assurément pas des objets qui paraissaient les contenir. Leur protecteur utilisait des enchantements complexes, dont Nathrae parvenait à déchiffrer les effets, sans connaître le moyen de les décortiquer complètement. Mais Fyea était formelle: elles étaient bien là où Fanaël les avait envoyées. Avant de...
La N'Elfir tourna la tête vers sa droite, comme pour s'assurer que ses propres protections fonctionnaient bien. Il était toujours là, étendu sur un lit luxueux, immobile. Ses signes vitaux semblaient bien plus stable que la veille.
A cette pensée, l'Ombre se remémora la journée épique qu'elle avait vécu la veille. Elle n'avait pas traversé de telles épreuves depuis... Elle ne préférait pas s'en souvenir. Ils avaient failli tous mourir, et perdre ainsi la clé d'un grand mystère, qu'elle soupçonnait balayer beaucoup de ceux qu'elle avait élucidés. Une fois qu'ils avaient été à l'abri de leurs poursuivants, Nathrae s'était employé à limiter par tous les moyens à sa disposition les risques qui pesaient sur l'existence de Fanaël. Cela avait nécessité une incantation de plusieurs heures sans interruption, bâtie suivant les moindres réaction du corps de celui-ci, qui semblait enveloppé de magies toutes plus imprévisibles les unes que les autres. De par leur manière d'agir, Nathrae en était même venue à songer qu'il était difficile à croire que Fanaël se les soit toutes jeté lui-même. La manière de faire était sans cesse différente, tantôt soignée, tantôt brutale, tantôt intense, tantôt insidieuse. Le tout formait un entrelacs inextricable, très instable. Même à l'orée de la mort, l'étrangeté de Fanaël ne cessait de la surprendre; comment pouvait-il rester d'aplomb avec autant de chimères en lui? Tous les N'Elfir se lançaient sur eux-même des quantités de sorts divers, pour diverses raisons. Mais l'ensemble restait homogène et hormis la Grande Malédiction, ils annulaient tout effet secondaire indésirable du conflit entre deux sorts. Mais lui... Nathrae s'était surprise à percevoir la sorte de compassion pour sa condition s'amplifier en elle, et naître en Fyea également. Fanaël était comme un réceptacle dans lequel on avait versé d'innombrables élixirs, sans jamais se soucier des conséquences. Etait-il le responsable de tout cela? Certains N'Elfir avaient tenté des choses impensables pour annuler la Grande Malédiction. Etait-ce là le résultat de ses tentatives infructueuses? L'Ombre en doutait. Ou si Fanaël était responsable de sa propre condition, il n'avait pas pu la provoquer seul.
Ce qui la ramenait à la raison de sa présence ici, et à toutes les questions qui se bousculaient sous la surface. Comment en était-il arrivé là? Qu'était-il devenu? Avec qui? Dans quels buts?
Elle se leva lentement, et s'approcha de son cheveux, où se tenait, immobile, la créature que Fanaël avait voulu arracher des griffes des Ange Neri, au prix de sa vie. Elle semblait presque humaine, mais sa blancheur irréelle, si semblable à celle de son sauveur, ne permettait guère d'affirmer une telle chose. Elle avait quelques airs elfiques, mais là encore, des étrangetés discréditaient cette hypothèse. Et, chose étrange, elle dégageait une aura qui rappelait cruellement à Nathrae les magies des runes, qui la rapprochaient du peuple nain. Elle était une véritable énigme, mais cela confortait l'Ombre dans le fait que Fanaël l'avait probablement sauvée pour ces traits plus que singuliers. La N'Elfir avait évidemment tenté de sonder son être - sans grand espoir - et s'était heurtée à un capharnaüm effrayant, similaire à celui qu'elle avait pu percevoir chez Fanaël, mais en encore plus confus. La seule chose que Nathrae avait pu comprendre, c'est que cette aberration, quoi qu'elle puisse être, était perdue dans des tourments insondable, et que le sens ne semblait pas pouvoir perdurer dans son esprit, l'empêchant de parler ou de façonner ses idées d'une manière exprimable. Il n'y avait qu'une seule chose qui semblait la rattacher à la réalité: la perception aigüe de Fanaël comme une ancre vitale, comme la flamme au milieu de ses ténèbres.
Nathrae l'observa: elle était assise aux côtés de Fanaël, lui tenant fermement la main gauche entre les siennes. Ses yeux étaient fermés, et son expression indéchiffrable. Elle ne réagit pas à l'approche de la N'Elfir. Cette dernière contrôla les signes vitaux de Fanaël, qui, comme le lui avait assuré leur hôte la veille, s'étaient stabilisés de manière significative.
Après les avoir téléportés à l'orée de la barrière des Joutes, Nathrae les avait fait passer à pied, comme l'imposait la protection. Une fois à quelques centaines de mètres des Joutes, elle avait envoyé le signal mental que Fanaël lui avait indiqué avant qu'ils ne pénètrent Munduce. Leur contact était arrivé presque aussitôt, et les avait emportés avant que les mages de la barrière ne viennent les contrôler. Sa surprise en voyant Fanaël avait confirmé les déductions de Nathrae: il n'avait pas prévu de réchapper à leur entreprise. Toutefois, il les avait secourus et transportés ici, à l'abri des menaces extérieures. Et malgré les craintes de l'Ombre, l'inconnu avait maintenu Fanaël en vie sans poser de questions ni opposer de résistance. Il avait mis en place un dispositif d'objets enchantés en cercle autour de son corps, et leur avaient ordonné en langage de magie de protéger celui-ci. Puis, il leur avait expliqué qu'il les attendait et qu'elles pourraient rester le temps qu'il faudrait. Quand Nathrae lui avait parlé de guérir Fanaël, l'inconnu - que ce dernier avait nommé Serädjëon avant les événements - s'était montré plus rétif quant à la concrétisation d'une telle tentative. Il avait cependant convenu qu'il y avait peut-être une solution, et les avait quittées pour soit disant se procurer de quoi parachever ces intentions.
Cela faisait maintenant presque toute la nuit qu'il s'était absenté, et Nathrae ne parvenait pas à se défaire de la méfiance à l'égard de ce personnage plus que douteux. Il ne dégageait aucune aura, et Fanaël l'avait mise en garde sur certaines règles à appliquer dans son domaine. Mais elle n'avait pas le choix. Fanaël lui avait demandé de veiller sur cet être qu'ils avaient arraché aux Ange Neri, et de s'assurer que Serädjëon la prenne en charge. Après quoi, son compagnon mystérieux lui avait promis qu'elle obtiendrait réponse à ses questions.
Tout ne s'était pas exactement déroulé comme prévu... Mais la N'Elfir avait mené sa mission, et elle la mènerait à son but. Mais avant, elle devait se concentrer sur cette piste impensable qui venait de s'ouvrir à elle. C'était trop important.
Le froissement de la tenture fit se retourner Nathrae. La silhouette de Serädjëon pénétra dans l'espace magique, et s'approcha de l'endroit où reposait le corps de Fanaël. Il se défit d'une sacoche et en sortit divers objets - essentiellement des fioles - qu'il disposa en arc-de-cercle devant lui. Des mots du langage de magie glissèrent de ses lèvres, et les ingrédients se mirent à s'élever et se mélanger dans les airs. L'Ombre identifia rapidement la plupart de ceux-ci: tous rares, il avait dû en acheter certains une fortune. Sans les Joutes, il aurait probablement été impossible de réunir en si peu de temps autant d'ingrédients. Elle nota également qu'il avait pris la peine de ne pas se les procurer depuis l'Eden - ce qui aurait été tout à fait possible: le rituel qu'il allait tenter était d'une nature tellement occulte que le bâtir sur les bases de la magie latente à l'endroit pouvait avoir des effets supplémentaires, non voulus. Il maîtrisait son sujet, c'était déjà un bon point. De plus, ses gestes assurés et les phrases travaillées qu'il prononçait montraient qu'il savait ce qu'il faisait. Peut-être un peu trop.
Soudain, une idée traversa l'esprit de Nathrae, comme un faisceau lumineux. Serädjëon pouvait être celui qui avait participé à créer ces horreurs en Fanaël! Il en avait tout à fait l'étoffe... Elle pouvait aisément croire qu'il avait de quoi accomplir des actes de magies terribles avec le peu qu'elle avait entrevu. Sa méfiance se mua brusquement en crispation dubitative. Fyea tempéra sa montée de suspicion, avant qu'elle ne demande, d'une voix froide:
- Aucun élixir ne pourra le rétablir. Ils vont revitaliser son corps trop vite, et provoquer un déclenchement simultané de tous les enchantements.
- Je sais.
Fyea attira son attention sur le mélange d'ingrédients. Ce n'était pas un élixir. Les dosages étaient mauvais, et ajoutés dans le désordre. Il était en train de fabriquer...
- Un décant de Rixilé... grinça-t-elle, prête à l'attaquer. Un philtre fatal...
- Inutile de vous alarmer. Je ne souhaite la mort de personne ici. Je vais vous expliquer ce que je compte faire. J'aurai besoin de votre aide pour avoir une chance de réussir.
Nathrae se détendit quelques peu, sans pour autant baisser sa garde. Un décant de Rixilé était obtenu lors de l'échec d'élixirs puissants. Un mauvais dosage, un mauvais ordre de mélange, un mauvais composé... et l'élixir, l'une des familles de potions les plus puissantes, devenait un poison aussi foudroyant que son opposé était revitalisant. Le décant de Rixilé ne désignait pas une potion en particulier, il résultait d'un élixir raté. C'était le plus grand obstacle pour les maîtres de lotions, qui causaient de nombreuses morts avant d'obtenir leurs précieuses recettes. Le décant de Rixilé s'achetait à prix d'or pour tous ceux qui souhaitaient semer la mort sans craindre l'échec. Ses exhalaisons pouvaient rendre aveugle, ou faire cracher le sang, tandis qu'un seul contact avec la peau tuait en quelques dizaines de secondes. Une entaille ou une goutte dans une aliment, et c'était la mort quasi immédiate.
Devant l'absence de réponse de la N'Elfir, Serädjëon s'expliqua:
- Il est impossible de guérir Fanaël de son mal. Comme vous le savez déjà probablement, tous les moyens pour le ramener pourrait avoir des conséquences désastreuses, et se solderaient probablement par la mort pour celui qui tenterai la chose, ainsi que de choses que je préfère ne pas évoquer ici.
- ... Quel est votre solution, dans ce cas?
- Fanaël a donné sa vie pour elle.
Il désigna la créature d'allure féminine qui depuis tout à l'heure, n'avait toujours pas bougé.
- Et... Vous êtes venues ici. Fanaël n'avait pas prévu de revenir ici. Tout cela doit avoir une raison. Nous ignorons encore laquelle, mais ce que je sais, c'est qu'une chose puissante a oeuvré pour que nous nous retrouvions tous, ici. Cette raison est la seule à avoir assez de pouvoir pour le faire revenir.
- ...
- Si la raison pour laquelle il a mis sa vie en jeu est menacée... Il reviendra.
Nathrae comprenait à présent. Il allait utiliser le décant de Rixilé pour menacer la vie de leur protégée. Cela créerait un choc si grand qu'il transcenderait l'état de Fanaël et le tirerai des limbes où il était piégé. C'était extrêmement risqué, car le décant pouvait causer la mort des deux... Mais ils n'avaient pas d'autres choix. Serädjëon intervint à nouveau après avoir presque achevé le décant:
- Fanaël avait choisi de mourir hier et de vous mener à nous. Quel qu'ait été son but, il n'a jamais agi sans raison. Etes-vous sûre de vouloir briser les chaînes de la destinée qu'il s'était construites?
Nathrae consulta à nouveau Fyea, qui s'accorda avec elle. Même si les risques étaient énormes, elles ne pouvaient pas laisser Fanaël s'en aller. Pas maintenant. Pas après tout ça...
- Oui.
- Bien. Maintenant, préparez-vous à ce qui risque d'arriver. Ce que nous nous apprêtons à déranger dépasse l'entendement. Au moindre faux pas, nous serons déchiquetés par les secrets scellés en Fanaël.
Nathrae acquiesça d'un bref signe de tête, pour manifester sa détermination. Il tendit sa main gantée d'un geste sec, et le dernier ingrédient disparut dans la solution brunâtre. Le décant de Rixilé siffla furieusement, et se mit à répandre une vapeur ocre. Quand celle-ci toucha le visage de la protégée, celle-ci ouvrit les yeux avec une expression de douleur atroce. Les veines invisibles de son visage immaculé se teintèrent de brun tandis que le poison s'infiltrait en elle. Un bruit étrange s'éleva tout autour, et la tente commença à s'effriter, comme si le monde partait en miettes. Les veines sombres montaient sur son front et serpentaient dans son cou pâle tel la mort sournoise. Ses mains s'agrippèrent tout d'un coup à celle, inerte, de Fanaël, comme si elle tenter de s'accrocher à la vie, à sa raison d'être.
Soudain, tout explosa autour d'eux. Tout l'univers s'envola, happé par des cieux sans fond, furieux. Ils se trouvaient dans le vide, ballotés comme des fétus de paille. Le vent hurlait et les frappait de débris invisibles. La magie s'éleva de Fanaël comme un colosse implacable, balayant tout sur son passage. Les prairies magnifiques de l'Eden s'arrachèrent, ainsi que ses arbres et tout ce qu'il contenait. Les plantes s'enflammèrent et se dispersèrent en cendres dans les vents hurlants. Les incantations de Serädjëon et Nathrae se perdaient dans ceux-ci, qui se fracassaient contre eux comme pour leur intimer de se taire. Fyea avait beau lutter contre les torrents déchaînés, leur bulle était secouée de tremblements terribles, et percuter par de puissants assauts occultes qui ouvraient des brèches de plus en plus grandes dans l'écran protecteur.
Serädjëon lâcha son emprise sur le décant, qui aussitôt se dissipa dans les airs rageurs. Nathrae dirigea ses incantations sur leur protégée, pour stopper la progression du venin, qui ne pourrait être arrêté que par un élixir.
Puis, brusquement, la magie en Fanaël se déploya, avalant toute la magie de l'Eden pour se l'approprier.
La protection de Fyea vola en éclat, et Nathrae se sentie envahie par la présence abominable qu'elle avait entrevue dans le ciel de Munduce. Ses barrières mentales sautèrent une à une, broyées par les attaques redoublées sur tous les fronts, comme si l'entité était partout à la fois. La N'Elfir fit un effort considérable pour violer toute son éducation en matière de précautions mentales; au lieu de continuer à s'obstiner à se protéger de ces présences horrifiantes qui allaient bientôt l'annihiler, elle s'ouvrit complètement, comme Fanaël avait l'habitude de faire lorsqu'au début, elle essayait de lire en lui.
La douleur qui la traversa fut telle qu'elle perdit toute conscience de son corps ou d'autres réalités concrètes. Elle fut aveuglée pendant un laps de temps indéfinissable, perdant toute notion de celui-ci. Et soudain...
Elle se retrouva devant eux.
Ils étaient devant quelque chose dont elle ne pouvait que sentir l'incommensurable flux indescriptible qui s'en dégageait. L'effroi la saisit... Si elle ne partait pas très vite, cette chose allait l'engloutir pour toujours... Sa vision oscilla à la dérive sur les innombrables silhouettes lumineuses devant elle. Tous ces visages... Tous ces souvenirs... Tous ces sentiments...
Nathrae ne pouvait supporter tout cela...
- Repars d'où tu viens... Il n'y a rien pour toi ici...
La N'Elfir décela la neutralité de cette volonté multiple, qui résonnait comme un avertissement. Une silhouette se détacha des autres et avança vers elle, la poussant en arrière. Elle ne pouvait la distinguer dans la lumière étrange qui baignait ce lieu, mais une sensation familière l'étreignit quand elle se sentit entrer en contact avec l'être:
- Fanaël?
Ce fut la volonté multiple qui répondit, par une infinité de voix:
- L'heure n'est pas venue...
Nathrae tombait, s'éloignant de plus en plus des présences.
- Attendez... Nous avons besoin de votre secret!!! Ne nous laissez pas encore...
La voix de Nathrae se noyait dans les tourbillons des limbes. Elle était chassée de ce lieu mystique, où elle était sûre d'avoir entrevu le pouvoir de mettre fin à toutes les tragédies. Ces... êtres de lumière connaissaient la clé de tous les mystères, elle en était sûre... La présence familière cessa de la repousser. La N'Elfir sentit Fyea et une autre présence la tirer en arrière, pour la ramener...
°° Non... °°
Nathrae devait prendre un choix. Devait-elle écouter l'avertissement et renoncer à ramener Fanaël? Ou devait-elle tout de même le ramener? Maintenant, elle était sûre... Il faisait partie de ces êtres qui gardaient le secret dans le lieu nimbé de lumière... Il savait donc ce qu'elle cachait... C'était la solution à tout. La Porte de l'Espoir... Elle se devait de ramener cette lumière aux siens...
Elle fit son choix en même temps que Fyea et Serädjëon la tirèrent de sa transe.
Quand elle revint à elle, le rituel s'acheva dans un choc si puissant qu'il provoqua un grondement semblable à un roulement de tonnerre, et déchira le voile de l'Eden en mille morceaux. Toute la magie de la tente implosa d'elle même, renversant tout le mobiliser, et brisant les sortilèges mineurs qui s'y trouvaient. La barrière d'illusion qui séparait la tente en deux vola en éclat, et toutes les personnes présentes dans le refuge de Serädjëon furent projetés contre les parois molles.
Hébétés, parcourus d'éclats de magie spontanés, chacun se redressa, dévisageant les autres, le visage encore stupéfait d'être toujours en vie.
Ils étaient à présent 6 inconnus, réunis en cet endroit par le destin. Nathrae, Fyea, Itrenog, Kin-Fei, la jeune protégée et Serädjëon... Aucun ne se connaissait vraiment. Ils venaient d'être réunis par ce qui se trouvait sur le seul mobilier qui n'avait pas été renversé. Tous les regards convergèrent vers cette silhouette blanche, qui était l'origine... Et à la fois le dénouement de cette réunion improbable.
Fanaël...
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- Spoiler de fin de ma participation à ce topic:
- Ahah... Hope you'll enjoy...
J'ai donc, comme tu peux le voir changé mes plans. Comme à Itrenog, je vais te laisser le choix déterminant quand à l'avenir de ton personnage. Quelque part, tu as déjà fait ce choix, mais je voulais y donner un poids un peu plus symbolique et fort.
J'espère qu'en lisant tu auras compris combien importante est ta décision. Si tu ramènes Fanaël, tu sais déjà en partie à quoi t'attendre (même si je suis fourbe donc en fait tu sais pas du tout mouhahaha) dans un premier temps. Ce ne sera guère la solution la plus facile, ni la plus simple, mais j'ose espérer qu'elle n'en sera que plus palpitante.
L'enjeu pèse évidemment sur l'avenir des N'Elfir, mais aussi de l'avenir de Naravel de manière plus large.
Tu peux aussi choisir de renoncer et de respecter les dernières volontés de Fanaël en le laissant là où il est.
Quoi que tu fasse, il y aura des révélations derrière. Ce qui diffère, c'est ce qu'il va falloir faire.
Théoriquement, laisser partir Fanaël fera se dérouler son plan, et te laissera choisir entre y participer, ou laisser les choses se dérouler comme il l'avait prévu.
Si, au contraire, tu le ramène, cela anéantira le plan qu'il avait prévu, et entrainera des conséquences de taille, qu'il faudra régler sous peine de mener à une catastrophe (évidemment, sinon c'est pas drôle =P). Cette deuxième voie sera donc forcément plus mouvementée (au moins au départ).
Donc tu vois, toi aussi je te donne un dilemme =P
Bref...
J'attendrai que toi et Itrenog vous vous soyez décidés sur votre avenir avant de commencer le topic des révélations et du commencement d'un nouveau départ pour tout le monde. (Kin-Fei réserve sa décision pour plus tard... Mais c'est normal, elle n'a pas un passé aussi lourd que le vôtre, et le moment n'est pas encore venu pour elle de faire un grand choix. Elle sera donc la bienvenue dans la suite de l'histoire, et on verra ce qu'il adviendra).
De toute façon, comme le dit si bien Kin-Fei, la vie est une succession de choix. Même si les choix qu'on a fait, on ne peut plus les défaire, on peut toujours avancer et faire de nouveaux choix. Donc quoi que vous choisissiez, il sera encore possible à l'avenir de changer encore de voie(même si ce ne sera jamais la même que maintenant ^^).
Voilà voilà. J'attends vos posts à tous les deux, pour savoir cque vous choisissez =)
- Spoiler:
- 1st RP of the week => 1P d'Argent. (moi-même: validé)
Récomp en flouz.
- musiques:
- Dante - by O. Michiru in FMA OST
In Awe of the Power - by K Otani in Shadow of the Colossus OST
The Promised Land - by N Uematsu in FF7-AC OST
Validation Itrenog : 8 Pièces D'Argent
Re: Indésirables infiltrés...
- Spoiler:
- no comment...
écrit en écoutant :
Portes closes. Fermées. Barrées.
Fyea faisait les cent pas, retenant à peine un lent et sourd grondement continu. La tête basse, elle arpentait la tente d'un pas calme et régulier, tout le contraire de son état d'esprit actuel. Elle ne comprenait pas pourquoi l'Ombre lui avait coupé tout accès à sa psyché, et l'attente la rendait folle. Elle ne prit pas la peine de faire attention au peu de mobilier qui avait survécu au rituel précédent et balaya d'un coup de queue rageur quelque bibelot qui reposait à portée. L'objet, en se fracassant au sol, suscita un sursaut violent chez la jeune créature albinos, laquelle observait l'animal du coin de l'œil, soucieuse. Serädjëon, ainsi que ses deux autres invités, étaient sortis. Leur hôte avait restitué quelques sorts mineurs avant de les quitter, ayant échangé un regard entendu avec la N'Armetla qui n'avait pas dit mot depuis le rituel. Une décision semblait avoir été prise, mais elle ne savait laquelle. A présent, l'humeur de l'immense félin semblait se dégrader de seconde en seconde et elle ne savait qu'en penser. Elle leva les yeux vers la haute silhouette qui se tenait non loin d'elle. Elle n'avait pas même frémi.
Nathrae sentait les tentatives agacées de sa compagne effleurer régulièrement son esprit. Elle y resta sourde et muette, s'immergeant au contraire plus profondément, loin de toute influence extérieure. Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas joui d'une introspection en solitaire. La compagnie de Fyea était irremplaçable, il était vrai. L'exercice était toutefois nécessaire et elle ne pouvait pas la laisser la suivre. Pas cette fois. Elle espérait qu'elle comprendrait... Non. Elle savait qu'elle comprendrait.
A mesure qu'elle fermait les yeux sur le monde, elle les ouvrait sur les plaies qui barraient son âme, suturées à grand peine à force d'oubli et de sortilèges mêlés. Au lieu d'ignorer la peine qui suppurait de nombreuses d'entre elles, elle prit une inspiration insubstantielle et se laissa porter par le courant. Des images commencèrent à l'assaillir de toutes parts, virevoltant devant les yeux de sa conscience avertie et menaçant de l'y noyer. Elle ne lutta point. Il s'agissait d'elle-même, il n'y avait rien qu'elle ne connût pas en ces lieux. Aussi s'ouvrit-elle davantage encore, brisant toutes les conventions que Fyea et elle avaient pu suivre lors de précédentes incursions. Il y avait quelque chose là qu'il lui fallait trouver. Quelque chose d'enfoui. Une réponse, ou plutôt une question qu'elle s'était posée autrefois et qu'elle avait oubliée. Une question anodine. Mais nécessaire.
Le torrent sensoriel l'enveloppa toute entière, taisant une bonne fois pour toutes les appels de la Familière. Ballottée en tout sens, elle se laissa néanmoins porter sans manifester la moindre résistance. Giflée, griffée, malmenée, elle tint sa conscience à flot, acceptant les moindres démonstrations de son subconscient. Progressivement, l'assaut se tarit et prit le débit régulier d'un fleuve indolent, où elle s'accorda une pause salvatrice. Les images ne s'imposaient plus à elle, elles s'offraient à présent. A défaut de savoir où la trouver, elle allait la chercher en tout point d'elle-même.
Avec une précision aussi incisive qu'hasardeuse, elle plongea.
Une odeur de parchemin fraîchement pressé, de tisane, de feuilles de Mech'aui. C'est l'automne. Un soir d'automne. La lune est à son premier quartier, trop tôt pour la cueillette. Une main posée sur l'écorce vive. Elle appelle, mais son appel reste vain. Personne ne répond, pas même en souvenir. Perdue, perdue... non, autre chose.
- Quoi que tu décides, l'un ou l'autre t'ouvrira une voie que toi seule sera à même d'arpenter.
- Et si je me trompais ?
Non.
- Non, répéta l'image suivante, vibrante d'énergie. D'ailleurs, l'idée est absurde. Je n'ai pas besoin d'apprenti.
Une moue déçue, une nouvelle défaite essuyée. Elle le salue et s'éloigne avec grâce, l'abandonnant dans une déconvenue à présent quotidienne. Il lève les yeux vers la voûte formée de branches entrelacées. Il ne faut pas longtemps pour voir un éclat de détermination raffermie briller dans l'ambre de ses yeux. Il sourit. Persévère.
Avant.
Une voix grave. Plusieurs sentiments contradictoires se bousculent. Respect, crainte, amour, espoir, attente, colère, rage, incompréhension, pardon, regret... La lumière du jour est aveuglante. L'orée de la forêt. Le ciel découvert est magnifique. Une colère incomprise. Une dispute.
- Il en est ainsi car je l'ai décidé.
- Ce n'est pas mon choix !
Loin, plus loin.
- J'irai.
La voix est ferme, inflexible. L'elfe hausse le menton mais ne prononce pas un mot. Il les salue et quitte les lieux, en silence. Silence qui se prolonge, s'étend, installe entre eux sa toile inextricable. Il lève les yeux vers elle. Elle ne le regarde pas. Elle est déjà retournée à l'ouvrage. L'ambre ne cesse de la fixer. Elle le sait. Et elle sait ce qu'il va suivre. Les mots sont inutiles. Vains. Futiles.
- Et moi avec vous.
Une douleur aiguë, appelant l'image suivante. A grand peine, elle l'écarta et choisit de chercher plus loin, beaucoup plus loin.
Un sourire las. Elle croit y déceler une subtile note d'humour, dissimulée derrière une fatigue millénaire. Elle se revoit presque sur le pont du navire qui, plusieurs siècles plutôt, les a menés sur les côtes de Geadrâs.
- Le choix n'est plus à faire...
- Le crois-tu vraiment ?
Au-delà.
Passés innombrables se mêlant sans fin. Alors qu'elle écartait une énième réminiscence, la recherche lui parut presque vaine. Abandonner aurait été insoutenable, pas après tout ce qu'ils avaient traversé jusqu'ici. Pas après ce qu'elle avait vu lors du rituel. Trop de choses étaient en jeu. Elle avait déjà fait son choix. Elle avait juste besoin de...
Le silence pèse entre les deux Ombres. Le soleil décroit. Paisible. Inexorable. Le temps n'a pas plus d'effets sur lui qui n'en a sur les deux êtres. Pourtant, en cette heure tardive, elle se sent plus lasse que jamais.
Là.
- Aide-moi à oublier.
Elle ouvrit brusquement les yeux. Les couleurs et odeurs multiples et anciennes cédèrent aux teintes harmonieuses de la tente de Serädjëon. Le présent sembla mettre un certain temps à s'engranger sous ses sens. Elle cilla à plusieurs reprises, prit un temps pour remarquer que Fyea se trouvait tout juste à ses côtés. Elle leva la main pour lui caresser passivement la tête, s'efforçant de reprendre pied dans un présent qui lui paraissait extrêmement lointain. Elle sentit l'effleurement familier, timide, et lui ouvrit cette fois. Le contact lui fit l'effet d'une douche froide et la fit chanceler. La brume de ses sens se dissipa davantage et elle distingua une voix.
- ...des risques encourus.
Serädjëon avait reparu, seul. Elle leva les yeux vers lui. Elle ne prononça d'abord pas un mot, affirmant son lien avec Fyea. Celle-ci ne lui tint pas rigueur de son rejet précédent. Elle avait compris. Elle l'aida à clarifier ses esprits tandis qu'elle y mêlait les siens, pansait les plaies, dispersait les dernières volutes des rêves éveillés. Nathrae l'accueillait avec gratitude, et réfléchissait. Elle avait commencé à entrevoir des choses qu'elle avait sues puis oubliées, mais dont elle ne se souviendrait pas seule. Elle porta son regard au corps étendu, d'un blanc sépulcral. Sans beaucoup d'espoir d'être entendue, elle lui adressa une unique pensée.
°° J'ai su, autrefois, n'est-ce pas ? °°
Aucune réponse ne lui parvint. Elle n'en éprouva aucune surprise. Sa présence était trop faible pour l'avoir même entendue. Elle leva de nouveau les yeux vers Serädjëon.
Le choix était déjà fait. Le choix avait toujours été fait. Les raisons pour lesquelles elle le faisait avaient été plus dures à déterminer. Elle ne pouvait pas se contenter d'une intuition ou d'un coup de tête, quand bien même elle les savait plus certains qu'il n'y paraissait. Ainsi qu'elle s'y était attendue plusieurs semaines plus tôt, lorsqu'ils s'étaient confrontés au pied d'Elesas et qu'elle avait décidé de le suivre, les choses avaient pris un tour beaucoup plus complexe et plus palpitant qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Ce qu'elle avait entrevu dépassait l'entendement, et elle ne regretta pas sa décision d'alors. Celle qu'elle prenait en cet instant, elle le savait, serait décisive. Quoi qu'il fût prévu, les conséquences ne restreignaient pas au cercle fermé d'un Royaume ou d'un continent, de cela elle était certaine. Malgré tout, elle ne prévoyait pas de laisser ces plans se dérouler comme il l'avait entendu. Devrait-elle s'attendre à des conséquences à la mesure de ce qu'elle perturbait ? Sans doute. En discernait-elle toute l'ampleur ? Sans doute pas. Etait-elle prête à y faire face malgré tout ? Prête, peut-être pas... mais déterminée, oui.
- Je n'ai pas changé d'avis, prononça-t-elle à voix haute.
- Très bien, reprit Serädjëon. Vous savez déjà ce qui nous attend.
Je ne peux pas te laisser partir, songea-t-elle alors qu'il lui expliquait la manière dont ils allaient s'y prendre pour la deuxième tentative. Tu m'en voudras, sans doute. Mais je suis prête à l'accepter. Je ne le regretterai pas.
J'arpenterai la voie.
Fyea faisait les cent pas, retenant à peine un lent et sourd grondement continu. La tête basse, elle arpentait la tente d'un pas calme et régulier, tout le contraire de son état d'esprit actuel. Elle ne comprenait pas pourquoi l'Ombre lui avait coupé tout accès à sa psyché, et l'attente la rendait folle. Elle ne prit pas la peine de faire attention au peu de mobilier qui avait survécu au rituel précédent et balaya d'un coup de queue rageur quelque bibelot qui reposait à portée. L'objet, en se fracassant au sol, suscita un sursaut violent chez la jeune créature albinos, laquelle observait l'animal du coin de l'œil, soucieuse. Serädjëon, ainsi que ses deux autres invités, étaient sortis. Leur hôte avait restitué quelques sorts mineurs avant de les quitter, ayant échangé un regard entendu avec la N'Armetla qui n'avait pas dit mot depuis le rituel. Une décision semblait avoir été prise, mais elle ne savait laquelle. A présent, l'humeur de l'immense félin semblait se dégrader de seconde en seconde et elle ne savait qu'en penser. Elle leva les yeux vers la haute silhouette qui se tenait non loin d'elle. Elle n'avait pas même frémi.
Nathrae sentait les tentatives agacées de sa compagne effleurer régulièrement son esprit. Elle y resta sourde et muette, s'immergeant au contraire plus profondément, loin de toute influence extérieure. Il y avait longtemps qu'elle n'avait pas joui d'une introspection en solitaire. La compagnie de Fyea était irremplaçable, il était vrai. L'exercice était toutefois nécessaire et elle ne pouvait pas la laisser la suivre. Pas cette fois. Elle espérait qu'elle comprendrait... Non. Elle savait qu'elle comprendrait.
A mesure qu'elle fermait les yeux sur le monde, elle les ouvrait sur les plaies qui barraient son âme, suturées à grand peine à force d'oubli et de sortilèges mêlés. Au lieu d'ignorer la peine qui suppurait de nombreuses d'entre elles, elle prit une inspiration insubstantielle et se laissa porter par le courant. Des images commencèrent à l'assaillir de toutes parts, virevoltant devant les yeux de sa conscience avertie et menaçant de l'y noyer. Elle ne lutta point. Il s'agissait d'elle-même, il n'y avait rien qu'elle ne connût pas en ces lieux. Aussi s'ouvrit-elle davantage encore, brisant toutes les conventions que Fyea et elle avaient pu suivre lors de précédentes incursions. Il y avait quelque chose là qu'il lui fallait trouver. Quelque chose d'enfoui. Une réponse, ou plutôt une question qu'elle s'était posée autrefois et qu'elle avait oubliée. Une question anodine. Mais nécessaire.
Le torrent sensoriel l'enveloppa toute entière, taisant une bonne fois pour toutes les appels de la Familière. Ballottée en tout sens, elle se laissa néanmoins porter sans manifester la moindre résistance. Giflée, griffée, malmenée, elle tint sa conscience à flot, acceptant les moindres démonstrations de son subconscient. Progressivement, l'assaut se tarit et prit le débit régulier d'un fleuve indolent, où elle s'accorda une pause salvatrice. Les images ne s'imposaient plus à elle, elles s'offraient à présent. A défaut de savoir où la trouver, elle allait la chercher en tout point d'elle-même.
Avec une précision aussi incisive qu'hasardeuse, elle plongea.
Une odeur de parchemin fraîchement pressé, de tisane, de feuilles de Mech'aui. C'est l'automne. Un soir d'automne. La lune est à son premier quartier, trop tôt pour la cueillette. Une main posée sur l'écorce vive. Elle appelle, mais son appel reste vain. Personne ne répond, pas même en souvenir. Perdue, perdue... non, autre chose.
- Quoi que tu décides, l'un ou l'autre t'ouvrira une voie que toi seule sera à même d'arpenter.
- Et si je me trompais ?
Non.
- Non, répéta l'image suivante, vibrante d'énergie. D'ailleurs, l'idée est absurde. Je n'ai pas besoin d'apprenti.
Une moue déçue, une nouvelle défaite essuyée. Elle le salue et s'éloigne avec grâce, l'abandonnant dans une déconvenue à présent quotidienne. Il lève les yeux vers la voûte formée de branches entrelacées. Il ne faut pas longtemps pour voir un éclat de détermination raffermie briller dans l'ambre de ses yeux. Il sourit. Persévère.
Avant.
Une voix grave. Plusieurs sentiments contradictoires se bousculent. Respect, crainte, amour, espoir, attente, colère, rage, incompréhension, pardon, regret... La lumière du jour est aveuglante. L'orée de la forêt. Le ciel découvert est magnifique. Une colère incomprise. Une dispute.
- Il en est ainsi car je l'ai décidé.
- Ce n'est pas mon choix !
Loin, plus loin.
- J'irai.
La voix est ferme, inflexible. L'elfe hausse le menton mais ne prononce pas un mot. Il les salue et quitte les lieux, en silence. Silence qui se prolonge, s'étend, installe entre eux sa toile inextricable. Il lève les yeux vers elle. Elle ne le regarde pas. Elle est déjà retournée à l'ouvrage. L'ambre ne cesse de la fixer. Elle le sait. Et elle sait ce qu'il va suivre. Les mots sont inutiles. Vains. Futiles.
- Et moi avec vous.
Une douleur aiguë, appelant l'image suivante. A grand peine, elle l'écarta et choisit de chercher plus loin, beaucoup plus loin.
Un sourire las. Elle croit y déceler une subtile note d'humour, dissimulée derrière une fatigue millénaire. Elle se revoit presque sur le pont du navire qui, plusieurs siècles plutôt, les a menés sur les côtes de Geadrâs.
- Le choix n'est plus à faire...
- Le crois-tu vraiment ?
Au-delà.
Passés innombrables se mêlant sans fin. Alors qu'elle écartait une énième réminiscence, la recherche lui parut presque vaine. Abandonner aurait été insoutenable, pas après tout ce qu'ils avaient traversé jusqu'ici. Pas après ce qu'elle avait vu lors du rituel. Trop de choses étaient en jeu. Elle avait déjà fait son choix. Elle avait juste besoin de...
Le silence pèse entre les deux Ombres. Le soleil décroit. Paisible. Inexorable. Le temps n'a pas plus d'effets sur lui qui n'en a sur les deux êtres. Pourtant, en cette heure tardive, elle se sent plus lasse que jamais.
Là.
- Aide-moi à oublier.
Elle ouvrit brusquement les yeux. Les couleurs et odeurs multiples et anciennes cédèrent aux teintes harmonieuses de la tente de Serädjëon. Le présent sembla mettre un certain temps à s'engranger sous ses sens. Elle cilla à plusieurs reprises, prit un temps pour remarquer que Fyea se trouvait tout juste à ses côtés. Elle leva la main pour lui caresser passivement la tête, s'efforçant de reprendre pied dans un présent qui lui paraissait extrêmement lointain. Elle sentit l'effleurement familier, timide, et lui ouvrit cette fois. Le contact lui fit l'effet d'une douche froide et la fit chanceler. La brume de ses sens se dissipa davantage et elle distingua une voix.
- ...des risques encourus.
Serädjëon avait reparu, seul. Elle leva les yeux vers lui. Elle ne prononça d'abord pas un mot, affirmant son lien avec Fyea. Celle-ci ne lui tint pas rigueur de son rejet précédent. Elle avait compris. Elle l'aida à clarifier ses esprits tandis qu'elle y mêlait les siens, pansait les plaies, dispersait les dernières volutes des rêves éveillés. Nathrae l'accueillait avec gratitude, et réfléchissait. Elle avait commencé à entrevoir des choses qu'elle avait sues puis oubliées, mais dont elle ne se souviendrait pas seule. Elle porta son regard au corps étendu, d'un blanc sépulcral. Sans beaucoup d'espoir d'être entendue, elle lui adressa une unique pensée.
°° J'ai su, autrefois, n'est-ce pas ? °°
Aucune réponse ne lui parvint. Elle n'en éprouva aucune surprise. Sa présence était trop faible pour l'avoir même entendue. Elle leva de nouveau les yeux vers Serädjëon.
Le choix était déjà fait. Le choix avait toujours été fait. Les raisons pour lesquelles elle le faisait avaient été plus dures à déterminer. Elle ne pouvait pas se contenter d'une intuition ou d'un coup de tête, quand bien même elle les savait plus certains qu'il n'y paraissait. Ainsi qu'elle s'y était attendue plusieurs semaines plus tôt, lorsqu'ils s'étaient confrontés au pied d'Elesas et qu'elle avait décidé de le suivre, les choses avaient pris un tour beaucoup plus complexe et plus palpitant qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Ce qu'elle avait entrevu dépassait l'entendement, et elle ne regretta pas sa décision d'alors. Celle qu'elle prenait en cet instant, elle le savait, serait décisive. Quoi qu'il fût prévu, les conséquences ne restreignaient pas au cercle fermé d'un Royaume ou d'un continent, de cela elle était certaine. Malgré tout, elle ne prévoyait pas de laisser ces plans se dérouler comme il l'avait entendu. Devrait-elle s'attendre à des conséquences à la mesure de ce qu'elle perturbait ? Sans doute. En discernait-elle toute l'ampleur ? Sans doute pas. Etait-elle prête à y faire face malgré tout ? Prête, peut-être pas... mais déterminée, oui.
- Je n'ai pas changé d'avis, prononça-t-elle à voix haute.
- Très bien, reprit Serädjëon. Vous savez déjà ce qui nous attend.
Je ne peux pas te laisser partir, songea-t-elle alors qu'il lui expliquait la manière dont ils allaient s'y prendre pour la deuxième tentative. Tu m'en voudras, sans doute. Mais je suis prête à l'accepter. Je ne le regretterai pas.
J'arpenterai la voie.
- Spoiler:
- 1er RP > 1PA ~ Edit: autovalidated.
Récompenses en Int ou Conc.
- validation:
- Edit Yuke: +23Con, +9Int (bonus musique)
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