Legends of Naravel
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Une vie, un devoir ...

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Message par Itrenog Dim 24 Jan 2010 - 19:33

Depuis combien de temps marchait-il ? Il n'en savait rien. Trois jours, peut-être quatre. Ses bottes s'enfonçaient légèrement dans la neige dure et la nuit noire l'enveloppait de son long manteau. Un coup de vent balaya les nuages et révéla une lune dorée, unique témoin de son passage. Les rares habitants nocturnes préféraient éviter ce sinistre personnage qui s'avançait dans l'immensité de la plaine. L'homme portait un long manteau ample et un stetson masquait son visage. Seules veinules bleutées rayonnaient d'énergie. Il s'arrêta et releva la tête. Les rares étoiles qui perçaient à travers les épais nuages donnaient l'impression de minuscules flammes mourantes d'une bougie. Mais ce n'était pas pour admirer le ciel qu'il avait stoppé sa marche. Il les sentait. Très proche d'ici. Deux à trois cent mètres, pas plus. En baissant le visage, l'homme murmura:

-Je ne pensais pas qu'ils me retrouveraient aussi vite...

Comme pour accompagner ses paroles, une tache sombre apparue sur le sol. Des flammèches rouges dansaient autour et formaient des inscriptions étranges. Deux triangles, l'un à l'endroit, l'autre à l'envers, dans un cercle. Un brasier jaillit alors, baignant l'endroit d'une lumière torride. La neige avait déjà fondue, révélant une terre sèche et ocre. La chaleur ne fit pas reculer l'homme. Il n'esquissa pas un mouvement pour se protéger. Lorsque le tube incandescent cessa toute activité, une ombre se détacha des ténèbres. Elle se tenait droite, une armure de plaque rouge lui entourant la poitrine et une flamberge pendant sur son côté. Ses yeux rouges rencontrèrent ceux de l'homme et l'ombre esquissa un sourire. Avec une voix d'outre-tombe, elle déclara:

-Alors c'est toi ? Je me demande pourquoi les Omeradiës font tant de vacarme en bas.

L'ombre fut pris d'un spasme violent et tomba à genou. Une autre forme se dessina alors. Plus élancée mais pas moins disgracieuse.

-Tout simplement parce qu'il est dangereux, répondit la forme d'une voix féminine. Évite de parler d'eux comme ça.

La femme porta son attention sur l'homme qui n'avait toujours rien dit. Elle se lécha les lèvres et s'approcha. Pour tout vêtement, elle ne portait qu'une légère armure recouvrant sa poitrine et son bassin. Ses pieds nus faisaient dépérir l'endroit au fur et à mesure qu'elle s'avançait. Arrivé au niveau de l'homme, elle posa une main sur son épaule et releva son chapeau:

-Excuse moi chéri, il ne sait pas se tenir en surface. Tout ce que nous voulons, c'est te ramener pour que tu puisses être jugé et...

L'homme poussa la main de la femme et continua sa route. Il ne posa pas même un regard vers celui qui tenait sa poitrine entre ses mains. Un mur de flamme s'érigea alors, l'empêchant d'aller plus loin.

-Je crois que tu n'as pas très bien compris ce que je t'ai dit, lança la femme menaçante, Tu viens avec nous.

L'homme se tourna vers son interlocuteur. L'autre ombre s'était relevé et s'épousseta. Un sourire d'enfant ravi flottait sur son visage:

-Dis, s'il résiste, on a bien l'autorisation de l'amocher un peu hein ? Juste les jambes de cassées pour plus qu'il courre.

La femme poussa un soupire et hocha de la tête. Son acolyte sortit lentement son arme de son fourreau, les yeux pétillants d'envie.

-Vous n'êtes pas Omeradiës, l'interrompit l'homme, alors je n'ai pas affaire avec vous.

-Tu te crois plus fort que nous ? Seul contre deux c'est pas une bonne idée de nous provoquer.

Le démon bouillonnait de rage. L'aura qu'il dégageait était telle que les quelques papillons de nuit, attirés par la lumière, furent réduit en cendre, provoquant une pluie de particule dorée.

-Mon arme n'a pas à se salir pour des êtres aussi faibles que vous.

-Ho je vois. On est au courant par le petit tour de magie que t'as accompli pendant la guerre. Mais il y une chose que tu as omis de nous cacher...

L'homme cessa de parler et huma l'air. Sa compagne fit de même:

-Je crois qu'on nous a repéré. On les tue?

-Ce n'est pas ce qu'on nous a ordonné. Nous avons été imprudent.

Elle tourna un regard mystérieux vers l'homme.

-Nous nous reverrons, assura-t-elle, et cette fois, ne compte pas sur les Medülijjani pour te sauver.

En une fraction de seconde, les deux démons disparurent, laissant l'homme seul au milieu de la plaine. Ce dernier vacilla, posa un genou à terre et saisit la garde de son épée:

-Calme-toi, susurra-t-il, d'autres arrivent. Tu pourras...

Ces tremblements cessèrent et l'homme se redressa. Un roulement de tonnerre résonna alors et de l'obscurité de détacha un groupe de cinq cavaliers. Leurs chevaux, plus grand que la moyenne, avaient un pelage blanc comme un duvet de coton et les Elfes sur leur dos avait tout aussi fière allure. Les cheveux battant au vent, les lances d'argents reflétant la pâle lumière de la lune et la rapidité de leur course, un spectacle magnifique pour les yeux. En l'espace de quelques instants, les cavaliers atteignirent l'homme. Ils tournèrent en rond plusieurs fois autour de lui, remuant la tête dans tout les sens. Puis, ils baissèrent la tête et l'un d'eux interpella l'homme:

-Hé toi ! Nous avons senti des démons ! Les as-tu vu ?

-Non.

Un cavalier descendit de selle et tâta le sol de sa main:

-La terre a brulé. Elle souffre encore. Que s'est-il passé ici?

-Je ne sais pas. Je viens d'arriver.

-Nous devrions le ramener au camps, suggéra un autre. C'est histoire est louche et je ne le crois pas.

Le premier elfe acquiesça et fit un geste aux autres. Ils s'approchèrent lentement, lance pointée en avant. Celui qui était au sol avait ses mains devant lui, paume ouverte. Il était visiblement prêt à se servir de la magie si nécessaire. Des convulsions légères reprirent l'homme qui tenta malgré tout de ne pas tomber.

-Je suis désolé..., grinça-t-il entre ses dents.

Les chevaux renâclèrent et l'un d'entre eux se cabra. L'homme posa sa main sur son épée. Les Elfes réagirent au quart de tour. L'un d'entre eux envoya sa lance, visant la poitrine de l'humain tandis que l'autre préparait une incantation. L'homme sortit légèrement son épée de son fourreau avant de répéter:

-Je suis désolé...

Une aura sombre comme la nuit enveloppa l'endroit et le silence nocturne se déchira sous les hennissements des chevaux paniqués et les cris des Elfes.

Spoiler:

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Dernière édition par Itrenog le Ven 14 Mai 2010 - 19:23, édité 2 fois
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Message par Itrenog Sam 6 Fév 2010 - 14:48

Après quatre jours de marche harassants, l'homme aperçut les premiers faubourgs de Munduce. Les bâtisses constituées d'un toit de paille et de mur en torchis semblaient s'amonceler sans ordre préétabli, gravitant seulement autour d'un point central où se dressait une cathédrale aux murs de pierres et aux vitraux multicolores. La partie est du village était recouverte par une épaisse forêt tandis que tout le reste n'était que champs de céréales en tout genre. Blé, orge, millet, froment, tout était cultivé. L'essentiel de la population vivant de l'autosuffisance, une terre mal entretenue signifiait une famine durant l'hiver. L'homme entreprit de descendre du plateau surélevé sur lequel il se trouvait afin de se mêler le plus rapidement possible à la foule. L'accident qui avait eu lieu quelques jours auparavant l'avait forcé à se diriger vers cette l'immense ville portuaire afin d'y trouver refuge pendant quelques temps. Dans les champs, les paysans étaient occupés à couper les épis à grands mouvements de hanche, s'arrêtant parfois pour boire une outre d'eau qui passait d'homme en homme et profiter d'un moment de répit. Les ruelles de terre du village étaient lieu ou animaux et humains se confondaient. Les enfants se roulaient dans la terre et jouaient avec un chien, les vendeurs tentaient de proposer un cochon plus gros que celui du voisin, et les femmes les plus rustres tranchaient la tête des poulets qui terminaient déplumés et ébouillantés quelques instants plus tard. Une telle cacophonie masquerait sans problème un inconnu qui s'aventurerait dans le village. L'homme se fraya tant bien que mal un chemin à travers la foule dense pour atterrir devant la cathédrale qu'il n'avait qu'entrevu de loin. Sur la façade frontale, trois portails centrés sur le bas de l'édifice en ouvraient l'accès, formés de voûtes profondes en arcs brisés, surmontées d'un fronton triangulaire. Les arcs brisés étaient formés de deux portions de cercle qui se butaient à leur sommet et conféraient à la cathédrale une architecture particulière. Plusieurs sculptures ornaient le portail central dont une qui représentait le couronnement d'un homme par une créature ailée et plus haut, dans un vitrail en forme de cercle, s'inscrivait une rose qui renvoyait un rouge nacré presque irréel. Au dessus du vitrail se trouvait diverses statues de pierre symbolisant un combat contre les démons. Deux tours à bases carrées entourant le pignon de la nef venaient clore l'édifice, véritable trait d'union entre le ciel et la terre.

-Une pièce pour un nécessiteux !

Une main agrippa le manteau de l'homme et tirait vigoureusement dessus. Le mendiant ne portait qu'un bout de tissu pour tout vêtement et aucune chausse. Une longue barbe grisâtre lui mangeait le visage et ses yeux étaient aussi vitreux que ceux d'un mourant.

-Une pièce pour un nécessiteux ! Répéta-t-il en tirant un peu plus.

L'homme posa sa main sur celle du vieillard et l'ôta sans un regard. Alors qu'il s'apprêtait à continuer sa route, le mendiant se releva et cria à plein poumons :

-Que Sigmar te brûle vivant !

Il prit les passants à témoins, agitant les bras comme un possédé et délira :

-Cet homme et le fruit du démon ! Brûlez le avant qu'il n'emporte vos enfants !

Il s'assit dans un coin, joignit ses mains et balbutia des inepties dans une langue inconnue. Les paysans qui s'étaient arrêtés un temps pour suivre le spectacle avairnt reprit leurs activités, comme s'ils avaient l'habitude de ce genre de comportement. Certains cependant, en entendant le nom de Sigmar, s'étaient agenouillés en direction de la chapelle et avaient joint leur main de la même façon que le mendiant avant de continuer leur route.
L'homme partit sans demander son reste. Une cohorte de soldat arriva au moment où il quittait la place et emmenèrent le vieillard loin de le foule. Du reste, la traversée du village se fit sans trop de problèmes, l'essentiel des humains concentrés à leur travail. A la fin de la journée, l'homme décida de faire une halte à une taverne. Lorsqu'il ouvrit la porte, il découvrit que l'endroit miteux ne servait que de lieu de beuverie à un groupe d'hommes armés. Probablement des soldats de Monduce. Leur cuirasse portait une flamme rouge, surligné d'un fil d'or sur fond noir. Dès qu'ils aperçurent l'inconnu, ils se figèrent un temps et reprirent une conversation a voix basse. L'homme s'installa au fond et commanda une pinte. Le groupe de soldat s'avança vers lui et l'un d'eux le toisa un moment avant de déclarer d'une voix forte :

-Est-ce que tu sais te battre ?

L'homme attendit patiemment d'avoir sa pinte et but lentement une gorgée.

-J'ai quelques notions, éluda-t-il.

-Parfait ! Ça te dirait de te joindre à nous ? On a une mission à remplir et on a grand besoin de renforts.

-La garde ne se suffit plus à elle même ?

Un air désapprobateur passa dans l'ensemble des soldats. Les temps étaient dur en effet. La variole avait emporté la moitié de l'armée du Duce et malgré les efforts de ce dernier, la situation était très difficile pour les survivants.

-Disons simplement qu'on veut éviter d'avoir des ennuis, expliqua le garde, Tu vois, le but est d'accompagner la fille d'un noble chez les Elfes. Il semblerait qu'un accord doit de nouveau être signé. Mais comme on est sûr de rien, on préfère prévoir.

-Et pourquoi devrais-je me sentir concerné par vos affaires ?

-Hé bien, tu pourrais toucher un beau paquet si on réussit. C'est pas l'argent qui manque tu sais...

L'homme sirota un moment sa pinte tandis que le soldat triturait nerveusement le pommeau de son épée. L'impatience commença à s'insinuer dans l'esprit des autres et quelques uns retournèrent à leur verre en grognant. L'argent n'était pas intéressante. En revanche, s'éloigner suffisamment des terres humaines serait sûrement une bonne chose.

-Quand partez-vous ? S'enquit l'homme.

Le garde sourit, satisfait de la réponse. Il chuchota à voix basse avec un de ses homme et répondit :

-Disons deux ou trois jours, le temps de préparer le voyage.

L'homme acquiesça légèrement de la tête.

-Heu, reprit-il, on pourrait peut-être savoir ton prénom ?

-Itrenog.

Une goutte de sueur coula le long de l'échine du fantassin qui remercia son interlocuteur. Il s'assit avec ses camarades, aussi blanc qu'un linge. Il tourna les yeux dehors afin de se changer les idées et entrevit une ombre cachée dans le recoin d'une rue qui s'éclipsa en tout juste un battement de cil.

-Une autre pinte pour moi, commanda-t-il au tavernier sous les regards interrogateurs des autres. Je veux profiter de cette soirée tranquille ...

Spoiler:

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Dernière édition par Itrenog le Ven 14 Mai 2010 - 19:24, édité 1 fois
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Message par Itrenog Mer 10 Fév 2010 - 17:02

Deux jours après le recrutement d'Itrenog, le groupe de soldats se donna rendez-vous à la sortie nord-est des faubourgs. La matinée était fraiche. Plus que de coutume en tout cas. La fille du noble était dans une calèche au fenêtre recouverte par d'épais rideau pourpre. Les chevaux frappaient le sol du pied, impatient de partir et des trombes de buée jaillissaient de leur naseaux.

-Bon, tout le monde est prêt ?, demanda le capitaine.

D'une seule voix, les soldats répondirent. Trente guerriers et dix mages. Ils formèrent un cercle autour du véhicule et le chef ouvrit la marche. Le voyage devait durer une semaine, la ville Elfe se trouvant au bordure du fleuve Yana. Malgré le Pacte des Cinq, le noble n'avait pas lésiné sur les moyens pour assurer la protection de sa fille. Les brigands étaient légions et on pouvait aisément tirer un bon pactole d'une rançon. Durant le trajet, les gardes échangeaient des plaisanteries tandis que les mages furetaient les moindres recoins. Ils avaient bardé le calèche de protection magique et étaient les plus nerveux. Même si l'éventualité qu'un mage attaque le convoi était mince, il fallait parer à tout événement.

-Jared , ordonna une voix féminine après dix minutes de marche, Viens.

Le capitaine s'avança d'une démarche incertaine a côté d'une fenêtre :

-Pourrais-je savoir qui est cet homme ? Je ne crois pas que mon père t'ait ordonné d'engager des mercenaires.

-Nous pensions que cela améliorerait votre sécurité Madame, se défendit le soldat.

-Tu n'es pas payé pour penser, siffla la femme, mais pour exécuter des ordres. Sais-tu seulement si il est digne de confiance ?

Le reste des soldats s'étaient tu, attendant une réponse de leur supérieur.

-S'il tente quoique ce soit, nous le tuerons, assura-t-il.

-Fais le venir.

Le soldat s'inclina gauchement et se dirigea vers l'homme qui n'avait pas l'air d'avoir prêté oreille à la discution le concernant. Il lui demanda d'aller voir la fille du noble ce à quoi il n'objecta pas. Avec une stoïcité presque mécanique, l'homme se plaça au côté du calèche.

-Comment vous appelez-vous mercenaire ? Questionna la femme.

-Itrenog suffira.

-Ce n'est donc pas votre nom ?

Contrairement au garde, aucune note de peur ou autre sentiment n'émanait de sa voix. Elle semblait plus vivace que la moyenne.

-Je ne pense pas qu'un nom définisse une personne.

La femme n'insista pas. Elle laissa planer un silence avant de reprendre :

-D'où venez-vous ?

-Mon rôle est d'assurer votre protection, pas de satisfaire votre curiosité.

Le capitaine s'avança alors et pointa son doigt vers l'homme :

-Ce n'est pas ainsi que l'on parle à Madame ! , s'emporta-t-il, Elle vous a demandé quelque chose, répondez immédiatement !

-Suffit Jared ! Je ne t'ai pas demandé d'intervenir. Cela ne fait rien, nous aurons les réponses que nous souhaitons plus tard.

L'assurance de la femme laissa perplexe le garde mais il resta silencieux de peur de l'irriter d'avantage. Son père était un homme influent et il aurait pu le rétrograder aussi facilement qu'on balaie la poussière au vent. Le reste de la journée se passa sans encombre. Le convoi avançait plus rapidement que prévu ce qui avait pour effet de gonfler le moral des soldats. Seuls les mages restaient aux aguets.

-Je n'aime pas ça, confia l'un d'entre eux à ses camarades, Je ressens une présence maléfique mais je n'arrive pas à la localiser.

-Probablement les effets délirants de vos pouvoirs, se moqua un soldat, il n'y a rien à craindre ici.

Pour toute réponse, il n'eut droit qu'à un grommellement désapprobateur. Le soir venu, la troupe s'arrêta à l'orée d'un bosquet. Un grand foyer fut allumé et les hommes commencèrent à préparer le repas. Un grand chaudron fut disposé et une odeur agréable d'épice se répandit dans le campement de fortune. Durant la cuisson, des bivouacs furent érigés, le plus grand étant réservé à la fille du noble. Lorsque cette dernière sortit du calèche, elle portait une longue robe noire parée de motifs délicats brodés en fil d'or. Les larges manches recouvraient des mains gantées, de tout aussi belle facture que l'habit. Son visage au port altier était d'une très grande beauté. Sa peau aussi claire et pure qu'un lac, ses cheveux aussi noirs que le plumage d'un corbeau cascadaient le long de ses épaules et deux nattes s'entrelaçaient à l'arrière de sa nuque. On aurait dit à s'y méprendre un coiffure typique elfe. Les soldats s'inclinèrent sur son passage et la femme se dirigea vers sa tente.

-Le repas est servi ! Beugla le cuisinier.

Avec des râles de soulagement, les hommes s'amoncelèrent autour du feu pour se servir. L'ambiance joyeuse allait de paire avec la sensation de se rassasier. Un bon ragout de bœuf et de bons légumes bien chaud était toujours les bienvenues lors d'une mission. C'était un moment privilégié entre soldats. Chacun racontait une partie de sa vie, de son service militaire, et on sentait une véritable fraternité entre les hommes. Le capitaine entra dans la tente de la noble et en ressortit une dizaine de minutes plus tard. Il s'approcha d'Itrenog – ainsi qu'il avait dit s'appeler – se racla la gorge avec force et dit :

-Madame souhaite vous voir.

-Encore ? C'est d'une nourrisse dont elle a besoin, pas d'un garde.

Le garde se crispa mais continua doucement:

-Elle dit que c'est important.

L'homme resta un instant silencieux puis se leva et suivit le garde. Ce dernier semblait nerveux. La présence d'une telle femme lui faisait perdre tous ses moyens. Il souleva le pan de toile qui faisait office d'entrée et s'inclina :

-Le mercenaire est ici Madame.

Pas de réponse. Itrenog se baissa et entra. L'intérieur, rudimentaire, avait pour tout mobilier un lit de fortune en peau de bête et quelques coffres contenant les effets personnels de la dame. Ladite dame était assise en tailleur au sol, les yeux clos et respirait calmement. Ce fut l'homme qui parla le premier :

-Puis-je savoir à quoi rime tout ceci ?

La femme souleva lentement ses paupières. Une étincelle indescriptible brilla un instant dans son regard lorsqu'elle vit l'homme avant de disparaître. Elle répondit néanmoins d'une voix posée :

-J'essaie simplement de savoir si vous êtes quelqu'un en qui je peux me fier.

-Quel intérêt ? Vous n'entendrez plus parler de moi une fois que j'aurais accompli ce que je dois faire.

Sans répondre, elle invita l'homme à s'assoir en face d'elle et lui servit une tasse de thé. L'ambiance était étonnement silencieuse. Les deux personnes se contentaient de s'observer, sans un mot. Seules les joyeusetés des soldats allégeaient l'atmosphère.

-Vous avez dit vous appeler Itrenog. Je suppose que c'est un nom d'emprunt pour ne pas vous démasquer.

-Peut-être.

Silence. La femme jaugea un moment son interlocuteur, comme si elle cherchait à prévoir ses mouvements à l'avance. Mais devant ce visage de marbre, un tel examen était inutile.

-Autrefois j'ai connu quelqu'un qui portait le même nom que vous. Il vous ressemblait en tout point sauf pour ce qui est de ceci.

Avec ses doigts elle dessina les marques que l'homme avait sur son visage puis bu une gorgée de thé. Pas de réaction. C'était comme si rien ne pouvait l'atteindre.

-Sort d'illusion de faible intensité pour le masquer aux soldats, constata la femme, Ne vous inquiétez pas, je ne dirais rien.

L'homme souleva un sourcil. C'était la seule fois que son visage esquissait un semblant de vie. Surement ne s'attendait-il pas à ce que la fille d'un noble perce à travers une illusion magique. Ils terminèrent leur thé en silence et après quelques minutes, l'homme se leva et se dirigea vers la sortie de la tente. La femme l'apostropha :

-Vous êtes gaucher ? Demanda-t-elle mine de rien.

-Pourquoi cela ?

-Simple question …

Lorsque l'homme fut partit, elle siffla et un faucon se matérialisa sur son épaule. Sa consistance était presque fantomatique, nappée d'un brouillard bleuté, et ses yeux d'un rouge profond. Elle lui murmura quelques mots à l'oreille et sous la clarté de la lune blonde, le rapace prit son envol.

Spoiler:

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Dernière édition par Itrenog le Ven 14 Mai 2010 - 19:24, édité 1 fois
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Message par Itrenog Mer 17 Fév 2010 - 16:58

Le lendemain, le convoi reprit la route dans la matinée. L'air frais revigorait les soldats. Après tout, la température grimpante de la journée les faisaient suffoquer sous leurs lourdes armures de fer. Le capitaine passa de nouveau en tête et la marche continua. La vie s'éveillait petit à petit dans les fourrés. Les lapins, curieux du spectacle, sortaient la tête de leur terrier avant de disparaître rapidement, apeurés par tant de vacarme. Les oiseaux dessinaient des cercles concentriques autour de la roulotte tandis que le vent apportait le doux parfum des fleurs qui bourgeonnaient. A la mi-journée, la troupe arriva à l'entrée d'un bosquet. Le chemin s'y enfonçait et disparaissait dans ses profondeurs.

-C'est bizarre, marmonna le capitaine, je ne me souviens pas devoir passer par une forêt …

Il accorda dix minutes de pause à ses hommes le temps de décider de la marche à suivre avec la noblesse. Les mages restaient silencieux. Toutes leurs craintes semblaient s'être matérialisées dans ce bois. Les chevaux battaient nerveusement du pied. Le chef arriva et ordonna à ses troupes d'avancer. Il n'y avait, selon lui, aucun danger à traverser une quelconque forêt hormis de tomber nez à nez avec un ours. Au quel cas, l'épée résoudrait le problème. Le convoi progressa relativement bien. La route semblait ne pas avoir souffert de ce retour de végétation et ils sortirent du bosquet en une heure à peine. De l'autre côté, une longue plaine s'étendait à perte de vue. Le vent faisait onduler l'herbe verte et on pouvait voir des troupeaux de ce qui ressemblait à des buffles géants courir sur toute la longueur de la steppe. Le soleil à son zénith dardait ses rayons puissants sur le convoi mais personne ne se plaignit. Plus tôt ils auraient quittés cet endroit et plus tôt ils seraient en sécurité. Car un terrain aussi plat était un endroit rêvé pour une embuscade. Toute la journée, ils marchèrent dans l'immensité verte sans jamais voir le bout de leur chemin. La nuit tomba et le moral des soldats en avaient pris un coup. Leur réserve d'eau étaient sérieusement entamée et s'ils ne traversaient pas la plaine le lendemain, c'était la mort assurée. Comme la veille, le marmiton prépara un ragout et l'ambiance joyeuse finit par reprendre le dessus. Le capitaine s'avança vers Itrenog avec un bol à la main :

-Tenez. Ça vous fera du bien de manger un peu.

-Merci mais je n'ai pas faim.

Le soldat considéra un moment son interlocuteur mais n'insista pas. Il déposa son bol à côté du sien et commença à manger.

-Vous savez, je commence à croire que cette mission cache autre chose qu'un simple traité.

-Possible.

-C'est vrai quoi, continua-t-il, pourquoi vouloir signer quelque chose d'autre alors que le Pacte des Cinq est toujours valable ?

Le soldat prit une autre bouchée et grogna quelque chose pour lui. Les soldats devant eux s'amusaient à un jeu de dés et le perdant devait boire sa chopine cul-sec. Le capitaine leur cria de ne pas se souler étant donné que si l'eau venait à manquer, seul la bière resterait.

-Enfin, fit-il de nouveau à Itrenog, je me pose surement trop de questions. Il y a surement une bonne raison à tout ça …

Un bruissement de feuille attira l'attention des deux hommes. Le capitaine posa lentement son bol de terre cuite et posa une main sur la garde de son épée. Il fit signe un l'un des magicien du camps qui éclaira la zone avec un sort de faible ampleur. Un mulot se tenait droit devant eux. Sa respiration était saccadée comme s'il avait couru pour échapper à un prédateur. Le capitaine se détendit ainsi que le mage. Le rongeur tourna la tête sur le côté. Entre ses mains, il tenait un gland qu'il s'apprêtait surement à ramener dans son terrier. Mais dans son regard, c'était la peur que l'on pouvait lire. Itrenog leva la tête. Pas le moindre rapace ou autre oiseau pouvant le menacer. Autre chose le poursuivait, mais quoi ? Le mulot fut alors happé dans l'ombre avec une vitesse surprenante et on n'entendit plus que ses couinements désarticulés ainsi que ses os se broyer. Itrenog posa une main sur l'épaule du capitaine :

-Préparez-vos hommes, ils sont là.

-Qui ça ? Questionna brusquement le soldat, Qui est là ?

-Eux.

Une masse blanchâtre difforme rampait lentement vers eux. Deux yeux globuleux les fixaient et un cri s'échappa d'une bouche torve d'où dépassaient une série de dents baveuses. La queue du rongeur en dépassait et on pouvait voir sans problème son corps se décomposer à travers la fine peau de la créature. Un cercle de flamme l'entoura alors, la consumant entièrement dans des jappements de souffrance. Il ne subsistait qu'un petit tas de cendre encore fumant. Le mage courrut dans leur direction :

-C'était une goule ? C'est impossible nous ne sommes pas près d'une entrée de l'Inferës !

-Préviens les hommes ! Ordonna le capitaine, Nous allons sur...

D'autres cris survenaient d'un peu partout et déjà les premiers morts affluaient. Les hommes, désorganisés, mirent un temps à réagir. Ils se regroupèrent autour de la tente de la noblesse et bataillaient sauvagement contre les goules qui semblaient jaillir de partout. Certaines sortaient du sol, lacérant les pieds des hommes tandis que d'autres semblaient se mouvoir sur l'air, harcelant sans relâche le convoi. La lune était recouverte par des dizaines de tâches s'avançant vers eux. Pendant un temps, les soldats résistèrent mais petit à petit, leurs rangs diminuaient tandis que les êtres des profondeurs venaient toujours plus nombreux. Au milieu de la bataille, une explosion fit jaillir un attroupement de Vanäthies qui se ruèrent dans des cris de joie sur les soldats. Seul Itrenog ne se battait pas. Il n'avait pas dégainé son arme, se contentant d'esquiver les coups qui pleuvait sur lui:

-Qu'est ce que vous faites, beugla le capitaine, Sortez votre épée et battez-vous !

-Je ne peux pas.

-Comment ça vous ne pouvez pas ? Vous voulez vraiment mourir ?

Il n'eut pas de réponse. Itrenog continuait de se dérober au combat tandis que les hommes s'effondraient autour de lui. De nouveaux spasmes le firent tomber à genou. C'en était trop. Les mages et les soldats, tous avaient été massacrés en quelques instants. Seul le capitaine était encore vivant, maintenu fermement par deux démons. Une longue balafre marquait son visage mais il était pleinement conscient de la situation. Un Vanäthies s'avança vers Itrenog qui tentait d'arrêter de trembler :

-Comme c'est pathétique, railla-t-il, Voilà le grand démon qui nous cause tant de soucis …

Il se tourna vers le soldat et posa une main crochue sur son front :

-Et ici, un humain. Dis moi, où se cache la femme et j'abrègerai tes souffrances.

-Jamais, cracha le capitaine, plutôt mourir.

-Comme il vous siéra ...

D'un geste de la main, il décapita le soldat et une gerbe de sang tâcha l'herbe verte. Il inspira à fond, profitant de nouveau de cette âme à absorber. Le tronc du capitaine tomba lourdement au sol et le démon jeta sa tête au loin qui servit de pâture aux goules affamées. Avec un regard mauvais, il toisa Itrenog :

-C'est ton épée n'est-ce pas ? Qui te cause ce mal.

Les autres rirent nerveusement. Eux aussi avaient du mal à se contenir. Après un tel bain de sang, ils en voulaient plus, toujours plus, afin d'augmenter leur pouvoir. Ils s'écartèrent lentement, laissant avancer deux démons qui tiraient la femme jusqu'au reste des leurs. Elle ne semblait cependant nullement impressionnée, ni par les cadavres jonchant le sol, ni par les êtres qui se tenaient autour d'elle.

-Toujours aussi fière et droite, se moqua le démon, Au moins, nous n'aurons pas perdu notre temps, deux pour le prix d'un.

Silence. Un vent violent balaya les cendres laissées par les démons. Celui qui semblait être le chef posa son regard de feu sur la femme avec un sourire vorace :

-C'était très malin d'envoyer un messager pour prévenir les Elfes d'une éventuelle attaque. Malheureusement, il n'est jamais arrivé à destination.

Il tendit sa main qui tenait fermement un parchemin scellé à la cire rouge et ria. Un rire de démence, un rire d'une personne qui pense avoir gagné la partie avant que celle-ci ne soit terminée. Itrenog tourna lentement la tête vers la femme qui était aussi rigide qu'un bloc de glace. Personne ne bougeait, comme si le temps avait décidé de suspendre son cours. Elle frappa le sol du pied et deux blocs de terre heurtèrent ses gardes qui s'effondrèrent avec des cris de douleur. Avant que les autres aient pu faire quoique ce soit, elle se jeta sur Itrenog, passa ses mains autour de son cou et dans un flash aveuglant, disparu avec lui. Le vent hurla, emportant le cri de rage du démon qui maudissait ses ennemis. Il ne les laisserait pas s'en tirer. Pas si près du but. Il rassembla ses troupes et ordonna de ratisser toute la zone dans un large rayon. Ils n'auraient nul part où se cacher, il s'en assurerait. La traque continuait.

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Message par Itrenog Dim 28 Fév 2010 - 12:06

Une seconde. Ni plus, ni moins. C'est le temps qu'il avait fallu pour se retrouver dans un endroit totalement différent, à l'ombre d'un grand chêne dont les branches remuaient à mesure que le vent s'engouffrait entre ses feuilles. Itrenog regarda autour de lui. Il se trouvait de toute évidence dans une forêt. L'obscurité l'empêchait de voir au-delà des cinq premiers mètres et de nombreux arbres se trouvaient autour de lui. En baissant la tête, il s'aperçut que la femme était allongée à son côté. Sa respiration était laborieuse et des gouttes de sueurs perlaient sur son front. La quantité d'énergie qu'elle avait utilisée pour la téléportation devait être incroyable. Le tout était de savoir s'ils étaient suffisamment éloignés pour ne pas tomber de nouveau nez à nez avec les démons. L'homme rassembla quelques bouts de bois, forma un petit cercle de pierre et prépara un foyer. Il ôta son gant droit, claqua des doigts et une étincelle naquit à l'intérieur des branchages avant de les enflammer totalement. Le feu allumé, il entreprit d'attendre que la femme se réveille afin de lui poser quelques questions. Il recouvrit de nouveau son bras et ferma les yeux. Le silence de la forêt était presque pesant. Seul le hululement d'une chouette venait ponctuer cette attente et le simple fait de ne pas savoir où l'on se trouvait pouvait en déranger plus d'un. Pas Itrenog. Il savait que la femme ne les aurait pas téléporté dans n'importe quel endroit et le fait qu'elle soit encore endormie témoignait de la longue distance qu'ils avaient parcouru. Une quinte de toux lui fit reprendre conscience du monde qui l'entourait. Il tourna la tête. La femme ouvrait péniblement les yeux.

-Où … où sommes-nous ? Articula-t-elle.

-Ce serait plutôt à moi de vous le demander.

Cette fois-ci, ce fut elle qui regarda Itrenog. Elle ne se souvenait probablement pas ce qu'il venait de se passer et venait de se rendre compte qu'elle était encore en vie. Ses yeux reflétaient encore la vision qu'elle avait eue de la veille, et même si elle n'en laissait rien paraître, elle semblait marquée par quelque chose d'inexplicable.

-Je ne sais pas qui vous êtes, continua-t-il, toujours est-il que vous semblez avoir un lien avec les démons qui me pourchassent.

-Et je suppose que vous voulez des explications …

L'homme approuva d'un signe de tête. Cette femme avait surement un lien avec lui puisque le démon les recherchait tous les deux. Le tout était de savoir pourquoi et le moyen le plus efficace d'obtenir des informations étaient d'interroger une personne épuisée, et donc, plus fragile.

-Malheureusement mon histoire est trop liée à celle de d'autres personnes et pour tout comprendre, nous allons devoir nous rendre chez un de mes amis.

-Si cela est nécessaire …

La femme sourit faiblement. Itrenog lui tendit une outre en cuir qu'il avait trouvé accrochée à sa robe et elle but lentement. En temps normal, il l'aurait tuée afin d'éviter tout problème ultérieur, mais quelque chose l'empêchait de le faire. Comme la première fois qu'il l'avait vu. Une sensation dérangeante lui disait de ne pas le faire, qu'elle pouvait l'aider à comprendre qui il était vraiment. Elle n'avait pas répondu ce qui témoignait de sa résistance mentale et lui poser des questions n'aboutirait à rien pour le moment.

-Pour l'heure il faut vous reposer, conclut Itrenog, Je vais inspecter les environs pour dénicher de quoi vous nourrir.

Il se leva et s'enfonça dans la noirceur de la forêt. Rien ne lui assurait qu'il trouverait à manger mais cela lui permettrait de se distraire l'espace de quelques instants. Il ne lui fallut pas dix minutes qu'il tomba sur une parcelle de terre d'où dépassait trois grosses touffes d'herbe. Il s'approcha et tira sur l'une d'entre elle. Un gros tubercule blanc sortit de la terre. C'était comestible jugea-t-il. Son enseignement avec le Khuzûd lui permettait au moins de reconnaître une nourriture mangeable d'une plante empoisonnée. Il récolta l'ensemble des végétaux et revint près du foyer qu'il avait allumé. La femme l'attendait, le regard perdu dans le vide.

-Savez-vous vous servir de la magie ? Demanda-t-il.

Elle secoua la tête comme pour chasser une mouche et regarda l'homme :

-Vous ne pouvez pas ? répliqua-t-elle perplexe.

-Pas suffisamment pour modeler la terre à ma guise. Il faudrait que vous fabriquiez un bol de terre si vous en êtes capable.

La femme se redressa et ferma les yeux. Elle agitait les lèvres presque imperceptiblement et devant elle, la terre semblait mouvoir. Au début, elle bougeait sans véritable but, mais petit à petit, elle se rassembla et une petite cuvette se forma. La terre chassa le surplus et se durcit à vue d'œil. Avec un dernier effort, le bol nouvellement crée sauta en l'air avant de retomber mollement sur le sol. Le femme soupira. Même un si petit exercice semblait la vider de ses forces. Itrenog se saisit du bol et jeta les tubercule à l'intérieur avant de poser le tout sur les braises encore fumantes. Lorsque les légumes furent cuit, il tendit le plat de terre à la femme qu'elle accepta en silence.

-Vous ne mangez pas ? Fit-elle entre deux bouchées.

-Non.

-Vous n'avez pas faim ?

-Ce n'est pas parce que je ne mange pas que je n'ai pas faim. Seulement, je ne me nourris pas d'aliments comme les vôtres.

Elle ne répondit pas, se contentant de manger. Dès qu'elle eut finit, elle étira ses bras et posa le bol à côté d'elle. Le silence s'insinua de nouveau. La femme regardait les veines bleutées palpiter d'énergie à chacune des respirations d'Itrenog. C'était comme si elles étaient alimentées par sa propre énergie.

-Comment vous êtes vous fait ces marques ? S'enquit-elle.

-Surexposition au lyrium, prétendit l'homme en détournant le regard.

-Le lyrium ? Mais on n'en trouve que dans les montagnes naines.

En effet le lyrium était une minéral précieux uniquement présent dans les Chaines des Naug. Mais sa surexploitation par les Nains en avait fait un métal presque introuvable. Certains prétendaient qu'ils permettaient de renforcer les capacités magiques. Seulement, une erreur de manipulation ou une trop grande quantité utilisée pouvaient avoir des conséquences désastreuses sur son utilisateur. L'ermite nain avait conseillé à Itrenog d'utiliser cette explication si jamais on venait à trop lui poser de questions.

-Je n'ai jamais dit le contraire.

-Donc, vous avez fait un voyage chez les nains ?

Étrangement, ses mains serrèrent plus fort sa robe mais rien ne se transcrivait sur son visage. Elle semblait simplement dérangée par une telle possibilité. Itrenog opina :

-J'y ai appris de nombreuses choses qui ont contribuées à faire ce que je suis aujourd'hui. Estimez-vous heureuse que j'y ai passé du temps.

-Je comprends …

Elle se détendit, comme si une de ses crainte s'était envolée. Itrenog nota son air fatigué et lui conseilla de se coucher. Au fond de lui, il espérait simplement partir au plus vite rencontrer ce mystérieux ami afin d'avoir les réponses à ses interrogations. Alors que la femme s'apprêtait à fermer les yeux, elle se retourna et dit :

-Au fait, je m'appelle Iberiel.

-Enchanté.

Elle sourit et ferma les yeux. Ce prénom résonna dans la tête d'Itrenog, murmure d'une période oubliée. Il lui était familier mais impossible de savoir quand et où l'avait-il entendu. Il se posa contre un arbre et croisa les bras. Ce monde qui n'était pas le sien recelait bien plus de secrets qu'il n'aurait pu l'imaginer. Il ferma les yeux et se laissa bercer par le souffle du vent.

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Message par Itrenog Mer 3 Mar 2010 - 18:26

Itrenog ne dormait pas. Jamais il n'avait souffert de ce que les autres appelait «la fatigue». Il ne se l'expliquait pas, c'était ainsi. Pourtant, des vagues de souvenirs lui revenaient en flash lumineux derrière ses paupières closes. Tantôt avec une netteté incroyable, tantôt nappé d'un brouillard insondable. Il ne pouvait pas tous les enregistrer, mais une image en particulier retenu son attention. Il se trouvait, debout, dans une grotte aux pierres noires. Trois personnes se trouvaient en face de lui. Une femme, mince et droite entourée de deux hommes. L'un d'entre eux avait des cheveux raides et brun et une longue robe semblable à celle que porte les mages. L'autre était camouflé dans l'ombre et une aura sinistre s'en dégageait. Tous trois avaient le visage flou. Il savait que ses bras et ses jambes étaient attachés par de lourdes chaines d'acier. Soudain, ils levèrent la main, comme animés par la même volonté, et une lumière d'une blancheur éclatante le frappa de plein fouet. Avec un sursaut, Itrenog rouvrit les yeux. Les braises du feu étaient presque éteintes et il était seul. Nulle trace d'Iberiel. L'obscurité de la nuit avait laissée place à une clarté presque irréelle. Les bois des arbres étaient d'un marron subtil, leurs feuilles de différentes teintes, passant du vert olive à l'ocre rouge. Leurs troncs étaient larges et ils se balançaient lentement au rythme de la brise matinale. Un mouvement subtil attira le regard d'Itrenog sur sa gauche. Iberiel s'avançait vers lui, mais sans sa robe. Elle ne portait qu'une légère tenue de cuir marron qui moulait parfaitement sa silhouette gracieuse et une cape noire tombait sur ses épaules. Une rapière fine pendait à son côté et quelques dagues étaient disposées ça et là autour de sa taille.

-Ha vous êtes réveillé, nota-t-elle, Je suis allée bruler ma robe un peu plus loin.

L'homme ne répondit pas, encore sous le choc des visions qu'il avait eu. Iberiel nota son air absent et lui demanda :

-Ça ne va pas ? Vous semblez distrait.

-Si … tout va bien, répondit-il en se relevant. Vous êtes prête à partir ?

-Bien sûr ! Je me remets plus vite que vous ne pouvez le penser. Et cessez de me regarder comme ça, je vais me sentir gênée.

Itrenog détourna le regard. Il ne s'était même pas rendu compte que ses yeux s'étaient perdus sur son corps. La femme tendit la main et le reste des flammes qui subsistaient cessèrent de rougeoyer. Elle attrapa un sac de cuir posé à côté d'un tronc d'arbre qu'elle passa sur son épaule.

-Nous devrons passer par un village afin de nous rendre chez mon ami, informa-t-elle.

-Et bien sûr, nous n'avons pas le choix.

-C'est le seul endroit où nous pourrons nous approvisionner jusqu'à chez les Elfes bien que vous ne semblez pas vous plaindre du manque de nourriture.

L'homme ne répondit pas. Iberiel se lança dans la forêt en courant, suivie de près par Itrenog. Il fut presque étonné de la voir s'élancer avec tant d'aisance entres les branchages compte tenu de son état de la veille. Mais sa faculté à utiliser la magie l'avait tout de suite mener à penser qu'un sortilège bien placé pouvait guérir de tous les maux. La première partie de la matinée les avaient mené à déambuler entre les arbres sans en voir le bout. Une telle densité en était presque exagérée et plusieurs fois ils durent contourner des endroits où les arbres formaient de véritables murs vivants. Itrenog avait interrogé Iberiel pour savoir si elle était au courant de sa présence et force était d'admettre qu'elle était tout aussi déboussolée que lui.

-Même si je suis revenue ici il y a longtemps, disait-elle, une telle forêt n'a pas pu pousser sans attirer l'attention.

Vers le milieu de la journée, Iberiel les mena en dehors du bosquet. Le soleil se trouvait pile en face d'eux et ils leur fallut un moment pour que leur vision s'acclimata à ce brusque changement d'intensité lumineuse. Ils se trouvaient en face d'une plaine semblable à celle où ils avaient été pris en embuscade. La différence notable résidait dans une route de pavés gris qui la traversait de long en large et qui passait à quelques mètres d'eux. L'herbe verte ondulait sous les assauts impitoyables du vent mais aucun animal présent.

-Cette route mène à Carcosa d'ici deux kilomètres. Nous n'y resterons pas longtemps.

Ils s'engagèrent sur la route en direction du nord-ouest, conscient que le temps jouait contre eux. Ils croisèrent quelques caravanes marchandes sur le chemin mais aucune patrouille. L'assurance que les convois soient épargnés par des brigands était impressionnante compte tenu de la longueur de la route. Durant une trentaine de minutes, ils marchèrent en silence, saluant parfois les passants, et finirent par apercevoir des drapeaux noirs à l'horizon. Les armoiries du Duce, nota Itrenog. Le village était simplement entouré de deux palissades et lorsqu'ils se présentèrent devant la porte, on les laissa passer sans leur poser de questions. La route continuait plus avant dans le village et les maisons semblaient graviter autour d'un point central. Toute l'organisation interne était liée au chemin et donc, aux revenus potentiels apportés par les marchands. Une activité incroyable avait lieu entre ses murs de bois. Partout on pouvait voir des vendeurs exhiber les collections les plus époustouflantes de soierie pour le plus grand plaisir des dames tandis que les hommes conversaient autour d'une table, une pinte à la main. Les enfants jouaient au ballon ou avec les animaux passant par là. Iberiel s'arrêta devant une auberge miteuse sur le bord de la route et dit :

-Je vais chercher des vivres. Restez-ici le temps que je revienne.

Et elle disparut en quelques secondes dans la foule compacte, laissant Itrenog seul. Il se tourna et ouvrit la lourde porte en bois de la taverne. Une forte odeur de rancis l'assaillit de prime abord mais il entra malgré tout. Le plancher grinça de douleur lorsqu'il posa le pied à l'intérieur. Personne hormis un petit homme qui roupillait sur le comptoir. Une cheminée consumait le reste d'une branche morte dans le fond de la pièce, seule source de lumière, et les tables étaient disposées en bric-à-brac, les chaises pour la plupart renversées. Itrenog s'avança lentement, ramassa l'un des siège et se résolut à attendre. Le serveur se redressa alors brusquement :

-Reaver ? C'est toi ?

Il cligna des yeux plusieurs fois et se frotta la tête :

-Bon sang, grogna-t-il, Je croyais avoir fermé cette fichue porte.

Son regard se posa sur Itrenog qui n'avait pas bougé. Il secoua sa tête et contourna le comptoir :

-Dites, vous n'auriez pas vu un homme, cheveux bruns, yeux noirs, assez sur de lui et bien habillé en venant ici ?

-Non.

L'homme grommela et s'affala sur une chaise qui était encore debout. Il attrapa une bouteille en verre, ôta le bouchon non sans mal et but plusieurs gorgées. Le liquide devait être assez fort puisqu'il eut une grimace de dégoût. Il posa la bouteille au sol et fixa d'un œil vitreux son interlocuteur :

-Pardonnez moi mais mon auberge n'est pas ouverte au public.

-Nous ne resterons pas longtemps, assura Itrenog.

-Nous ? , s'étonna le serveur en observant les environs, Mais vous êtes seul !

Itrenog ne répondit pas. Pour le moment, mieux valait éviter de parler à n'importe qui sur les motivations que les avaient menées jusqu'ici. Le petit homme n'insista pas et se gratta la barbe de plusieurs jours qui lui mangeait le visage.
Un craquement retentit soudain. L'homme se retourna rapidement et il vit la porte de son auberge s'enfoncer sous la pression d'un coup puissant, suivi d'une ombre s'étalant au sol. Sous le monticule de poussière qui s'était dressé, une personne se releva lentement en époussetant ses vêtements.

-Quel manque d'éducation …

Une troupe armée débarqua alors. Des soldats du Duce. L'un deux pointa son arme vers l'inconnu et beugla :

-Le voilà ! On va t'apprendre à courtiser nos femmes !


C'est à la nuit tombée que la tempête se déchaina et que l'orchestre élémentaire débuta. Aux premiers instants, le vent souffla et ramena sur Geadrâs des nuages noirs en brassant l'air chaud venu du Sud. De l'autre coté, l'air glacial d'une fin d'hiver sifflait son sérieux et sa malice. Les deux courants se contemplèrent de loin pendant un moment en testant les défenses de l'autre. Sifflet dans les arbres, souffle sur le sol, les deux grands s'affrontaient de toute la puissance de leurs bronches. Soudain la période d'intimidation cessa, il était venu le temps de l'affrontement. Le vent du Sud se jeta à la gorge de son adversaire suivit de prêt par des nuages au regard froid et sombre. L'air glacé répliqua de toute sa puissance et percuta le vent. Déchainement du ciel, l'orage retentit. Puissant comme le grondement de mille cors de Rik Kazad, c'était le point de départ de la frénétique balade de ses deux chefs d'orchestre. A l'aune des flashs d'innombrables éclairs les deux vents se mêlèrent, air chaud et air froid fusionnèrent pour ne faire plus qu'un. Ce spectacle de son et de lumière s'acheva dans un déchirement semblable à un cri de souffrance, inconnu, jamais entendu sur Geadrâs. Le ciel se mit en quelque secondes à pleurer. Pleurant la disparition de l'air glacé, le vent du Sud venait de faire sa place sur le continent et avait bien l'intention de générer le maximum d'orage. Ce soir le temps était au chagrin, demain il serait à l'accomplissement de sa mission …

Un petit village du royaume des humains avait vu l'orage précéder la pluie de quelques heures, les éléments s'étaient affrontés dans un combat titanesque, et se trouvait douché par des litres d'eau. Les gouttes claquaient avec résonance sur le sol de gravier et détrempait la terre. Les toits de chôme de quelques habitations moins généreuse que certaines avaient bien du mal à maintenir leurs hôtes au sec. Le village semblait comme abandonné, perdu au milieu de la forêt et de la folie des éléments, même l'église, témoin de la foi des humains à Sigmar, semblait effrayante. Seuls les lueurs des chandelles à l'intérieur des maisons indiquaient qu'il y avait bien des personnes vivant ici. Dans un coin non loin du lieu de foi du village, on s'agitait au sein d'une petite auberge.


***

A l'intérieur un groupe de gardes riaient aux éclats, tous les quatre avaient laissés leurs armes à porté de main et avaient gardés leurs armures légères. Riant d'une nouvelle boutade d'un de leurs comparses, ils se saisirent de leurs chopines, trinquèrent et descendirent d'une traite la bière chaude qu'on venait de leur servir. Le silence avait regagné la taverne pour laisser le temps aux soldats de terminer leur boissons et de constater s'ils tiendraient encore debout après. L'aubergiste ne comptait plus le nombre de chope qu'il avait du servir à ses seuls clients depuis le début de la semaine. Pourquoi avait il fallut que le temps se dégrade autant ? Il avait horreur de voir son auberge souillée par les autres et ne recevait donc que très rarement de visite. Comment vivait il, s'il n'accueillait personne à sa taverne ? A dire vrai, il survivait plus qu'il ne vivait. Le vieil homme avait les traits étirés par le temps et il se perdait de plus en plus souvent dans les plaisirs de l'alcool. De grosses cernes noir demeuraient figées sous ses yeux couleur de cendre et une barbe de plusieurs mois lui mangeait entièrement le visage. Il se laissait complètement aller et espérait jour après jour que celui qu'il attendait reviendrait le voir.

- Comment a t-il pu me laisser là ? Râla t-il. Il bafouilla de rapides excuses en s'apercevant qu'il venait de parler tout haut et que les gardes s'étaient tournés vers lui. Il leur adressa son plus beau sourire en secouant les mains devant lui pour leur faire signe de pas se préoccuper de lui.

- Un problème grand père ? Toussa un des quatre gardes, une lueur d'amusement dans le regard.
Son visage était barré par une longue mèche de cheveux blonds qu'il laissait volontairement pendouiller devant ses yeux. Il était très fin et ne devait pas encore avoir eu la vingtaine. L'aubergiste grimaça, le jeune âge de ce jeune soldat lui rappelait celui dont il désirait temps recevoir la visite.

- Essai de ne pas nous claquer entre les doigts ça ferait désordre sur notre service, lança un second dont la pense était plus large qu'un tonneau et dont la chaise avait le plus grand mal à supporter son poids. Il éclata d'un rire gras que ses compagnons reprirent en cœur en entamant une chanson paillarde.

Hey !!! Voilà le loup !!
Saute moi au cou


- Non tout va bien, je me parlais à moi même, murmura le tavernier. Mais les soldats ne lui prêtèrent plus aucune attention et se concentrèrent sur leur chanson en poussant de grand ho et de gros ha en réponse au refrain. Le tavernier plongea sous son bar et vida une fiole au contenu fortement alcoolique pour se calmer avant de réapparaitre.

La nuit fila en un éclair et les gardes ne semblaient pas décider à partir. A présent ils échangeaient des blagues salasses dont certaines filles du village faisaient l'objet. Les deux derniers braillaient qu'ils aimeraient beaucoup aller les chatouiller pendant la nuit. L'aubergiste refoula un haut-le-cœur et entreprit de laver une nouvelle fois sa taverne afin de se changer les idées. A l'extérieur la pluie ne cessait pas et des gouttes parvenaient à s'infiltrer entre les tuiles et trempaient le sol. A chaque coup de serpillère l'aubergiste jurait dans sa barbe.

- Salop... il fut interrompu dans son juron par un bruit de tonnerre.

Il crut tout d'abord que c'était l'orage qui revenait, puis que c'était un des soldats qui avaient enfin fini par s'effondrer après les litres d'alcool qu'ils avaient bu. Lorsqu'il se retourna il vit que la raison était tout autre, un individu à l'apparence menaçante venait de pousser la porte et se tenait à présent fermement campé sur le seuil. Les soldats prirent peur et se levèrent en renversant leur siège, l'alcool leur monta à la tête d'un coup et le plus gros des gardes faillit s'effondrer de tout son poids sur la table. Celui des quatre qui semblait avoir le moins bu parvint à dégainer son épée dans une douce mélodie. Il ordonna :

- Qui êtes vous ? Il n'eut pour seul raison que le flot de pluie qui tombait à l'extérieur.

- Par Sigmar tu vas répondre ou fiche le camp d'là ! Brailla un second soldat qui avait retrouvé suffisamment de lucidité pour placer dix mots l'un après l'autre et de tirer son arme.

L'aubergiste s'était figé, il n'avait pas esquissé le moindre geste depuis « l'entrée » de l'inconnu. Ce dernier le dévisageait étrangement dans ses vêtements rouge obscure. Enfin, il fit un premier pas pour s'avancer au cœur de la taverne, en saisissant quelque chose de sous sa longue cape. Trois des quatre soldats se mirent en garde et affirmèrent leurs prises sur leurs épées, tandis que le plus gros d'entre eux ne parvenait toujours pas à attraper le pommeau de son arme.
Un petit bruit résonna sur le sol de l'auberge, l'individu s'avança dans la lumière en boitillant, s'aidant d'une canne de bois et respirant avec difficulté. Maintenant que l'éclairage de l'auberge l'illuminait il n'était plus du tout effrayant, c'était juste un vieux monsieur bossu et boiteux qui cherchait un abri. Comme pour rassurer l'ensemble des spectateurs le vieillard retira son capuchon rouge sombre et révéla tout aussi rongé par les âges que celui de l'aubergiste. Ce dernier eu immédiatement de la sympathie pour cet homme qui avait réussi à secouer ces fripouilles de gardes.
Il avait de grands yeux où des tâches de gris venaient colorer une pupille bleu d'océan. Son visage imberbe et ridé inspirait la confiance et la sagesse. La sagesse certainement à cause de ses longs cheveux blancs, parfaitement lissés. S'arrêtant à quelque pas des gardes et de l'aubergiste, il tapota sa cape et se massa le dos avec une grimace douloureuse.

Le garde le plus jeune éclata de rire sous l'effet de la surprise, le second quant à lui n'avait pas du tout l'air de rigoler. Il brailla de tout son courage retrouvé après le vieil inconnu.

- Tu n'as pas répondu à ma question l'ancêtre ! T'es qui et qu'est tu viens fiche là ?

Le bossu secoua une dernière fois sa cape et posa ses deux mains sur le dessus de sa canne.
- Pardonnez moi si je vous ai effrayer preux chevalier. Mais je crois avoir lu sur l'enceinte de ce bâtiment qu'il s'agissait d'une auberge. Il marqua une pause en fixant son interlocuteur, inspira puis reprit. Peut être ais je fais erreur et que j'ai cherché le refuge au mauvais endroit.

- Ouais fous nous l'c …

- Officier il ne me semble pas que vous soyez ici chez vous, l'interrompit le vieux tavernier. Cette auberge est encore à moi que je sache et restera ici toute personne qui sera assez brillante pour vous mettre du plomb dans le crâne.

- Comment oses t …

- Retourne cuver ton vin Bill et laisse mes autres clients en paix. Ha et pendant que vous y êtes, poursuivit il en désignant les épées qu'ils tenaient à la main, rangez moi ça !

Les gardes, comprenant qu'il ne servait à rien de discuter avec ce vieillard sénile abandonnèrent la lutte et quittèrent l'auberge en trombe, humilié et ivre comme jamais. Une fois la porte refermée derrière eux, le calme revint enfin. Le tavernier fixa le nouvel arrivant et l'invita à s'approcher.

- Je ne vous remercierais jamais assez pour votre intervention. Sans vous je crois que j'aurais du écouter encore toute la journée de demain les énormités de ses quatre idiots. Veuillez pardonner mon accueil peu chaleureux, c'est que nous n'attendions personne par ce temps là.

- Ne vous excusez pas. Si j'avais eu les poumons de ma jeunesse j'aurais très certainement pu répondre à ces messieurs et vous éviter un surplus dérangeant d'adrénaline, dit-il en lui souriant.

Le tavernier lui rendit son sourire et l'accompagna jusqu'au comptoir de l'auberge, ou il le débarrassa de ses affaires complètement trempées. Sous sa cape sombre, le vieil inconnu portait des vêtements de grande allure. Un tissu rouge souple lui serrait la taille et tenait un pantalon de la même couleur. Son haut était plus modeste, de couleur grise et troué à quelques endroits. Il souffla sous l'effort que lui demanda de s'assoir sur le haut tabouret du comptoir et s'aperçut que le tavernier le dévisageait.

- Ho au vu de votre air surpris devant mes vêtement, vous ne devez pas avoir vu très souvent d'hommes du sud. J'ai raison ?

Le tavernier détourna le regard légèrement honteux de s'être fait surprendre en pleine analyse du style vestimentaire de son nouveau client.
- Oui vous avez raison. De quel coin avez vous dit que vous veniez ? Questionna t-il.

- Je ne l'ai pas dis, rétorqua sèchement son interlocuteur.

L'aubergiste étonné par ce changement d'attitude de la part du vieillard leva un sourcil.
- Vous aurais je offensé ? Demanda t-il en cherchant à se rassurer.

- Pas encore !

Le trouvant de plus en plus étrange, décolla ses coudes du comptoir et s'éloigna un peu de l'homme aux cheveux si blanc.
- Que voulez vous dire ?

- Je cherche quelqu'un et j'aimerais que vous m'aidiez à le trouver. Si vous n'y parvenez pas je serais extrêmement déçu, répondit il d'une voix dont toute hésitation avait disparu.

L'aubergiste recula d'un pas et fronça les sourcils :
- Qui êtes vous ?
- Aucune importance ! Un homme est venu ici il y a peu de temps, il était accompagné d'une femme. Vous devriez voir de qui je parle. La beauté de cette femme ne passe pas inaperçu et lui encore moins. Vêtu de noir, mystérieux, un col noir lui remontant jusqu'au dessus de la bouche …

- Vous devez faire erreur, je ne vois pas de qui vous voulez parlez, l'interrompit le tavernier. Je n'ai pas eu de visi …

- Ne me mens pas imbécile d'humain ! Le coupa le vieillard d'une vois forte et imposante. Je sais qu'ils sont venu ici, les lieux empestent son aura ! J'attends une réponse à ma question, écoute bien : OU SONT T-ILS ?

- Je l'ignore. Cette fois si le vieil homme n'avait pas essayé de dissimuler le fait qu'il avait reçu la visite de gens répondant exactement à la description faite par ce … cette chose.

Le vieillard aux cheveux blancs se laissa tomber du tabouret saisit sa canne à deux mains et ferma les yeux. Un son strident retentit et l'aubergiste crut un moment qu'il avait cassé son appui deux mais en réalité la canne de bois avait disparut, laissant place à deux sabres courts. Dans un geste fluide, rapide et silencieux il pointa une de ses armes sous la gorge du tavernier. Il plongea son regard dans le sien et menaça :

- Je te donne deux minutes pour me donner la réponse que je suis venu chercher.

- Qui que vous soyez tuez moi je ne parlerais pas, fit l'homme avec courage.

Un sourire froid se dessina sur les lèvres du vieillard aux yeux bleu d'océan tachetés de cendre. Il maintenait le regard de l'aubergiste comme s'il avait la capacité de l'attirer à lui. Une lueur s'illumina au fond de la pupille du vieillard, une lueur qui n'était pas là quelques instants plus tôt, et qui était témoin de sa puissance et de sa nature. Une aura malfaisante éclata et souffla sa volonté autour de lui, l'air frémis et la terre trembla en reconnaissant ce pouvoir.

- Pauvre fou ! Je ne suis pas un pitoyable assassin de ton peuple, si je te tue. Tu ne seras jamais vraiment mort, tu endureras mille tourments au cœur des flammes de l'Inferës, ton âme vieillira, brûlera, souffrira sans que tu puisses mourir. Et seulement quand je l'aurais décidé alors tu pourras mourir. Ne commet pas cette erreur et réponds dans l'instant !

- Je ne sais pa …

La voix de l'aubergiste s'étrangla lorsque la lame du vieillard au cheveux blancs lui perfora la gorge, sentant la vie lui échapper il ferma les yeux. C'est donc ainsi qu'il mourrait ? En se vidant de son sang ? Mais comme pour le contredire le démon le saisit à la gorge en plaquant sa paume contre la blessure. Immédiatement il se sentit aspirer hors de son corps, il voulut hurler mais il ne trouva pas assez d'air dans ses poumons pour appeler à l'aide. L'aubergiste s'effondra avec un sourire aux lèvres dans un murmure étouffé :

- Reaver …

Le vieillard ôta sa main et laissa le corps de l'aubergiste tomber sans vie derrière le comptoir. Il sauta de son tabouret et siffla dans l'air. Instantanément une forme noir se matérialisa devant lui, elle n'avait rien d'humain. Couverte de fourrure de la tête aux pieds, elle avait de petites cornes sur le front et une queue lisse comme un fouet (seule zone de son corps épargné par les poils).
La créature imposante planta un genoux dans le sol et baissa la tête :

- Ga...Garde conseil Siriondil que faites vous ici ? Balbutia t-il.

- Cette affaire n'a que trop traînée entre les mains d'incapable, je prend à mon tour part à la poursuite …

La créature releva la tête et protesta :
- Mais pourquoi abandonner la protection du conseil pour traquer de vulgaires renégats, ce n'est pas digne de vous maître. Il avait prononcer ses derniers mots en s'inclinant et en baissant d'un ton, il ne voulait pas offenser le démon.

- Le conseil me donne plein pouvoir pour cette mission, j'écraserais tout ceux qui me feront obstacle. Ou est Shär ?

- Il devait s'occuper d'une affaire personnelle, répondit la créature en se relevant.

- Une affaire personnelle hein ? J'irais à sa rencontre, ou qu'il soit.

Siriondil dépassa la créature au pelage noir et s'arrêta devant la porte de l'auberge, comme s'il avait oublié quelque chose.
- L'apparence de vieillard ne me plaît pas du tout, signifia le métamorphe.

Il modifia son aura et il se transforma. Le vieillard avait laissé place à un jeune homme au visage parfait, sans la moindre trace de vieillesse, à la peau légèrement mat et aux cheveux d'un blanc de neige. Il tendit la main derrière lui. La créature n'eut pas à demander pourquoi, elle lui remit ses affaires et recula de deux pas. Le garde conseil enfila une longue veste rouge sang, abaissa son capuchon sur son visage et rengaina ses sabres courts dans les fourreaux que son serviteur venait de lui remettre. Siriondil venait de prendre part à la traque, Itrenog ne pourrait plus fuir bien longtemps.

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Message par Itrenog Sam 8 Sep 2012 - 13:28

Spoiler:

Iberiel et Athos traversèrent rapidement Moerlanev en direction du centre de la forêt, là où demeuraient la plupart des Anciens et les hauts responsables de la ville. D'énormes tables en bois de séquoias à feuille d'if trônaient un peu partout dans un apparent désordre, mais avec une régularité déconcertante, et de petits tabourets étaient disposés de part et d'autres de ces buffets géants qui se mettaient en place. Des effluves de cuissons se répandaient doucement à travers les branchages et les feuilles, nappant l'atmosphère de senteurs tantôt salées, tantôt sucrées, et les premiers invités commençaient déjà à placer les couverts et les draperies colorées pour égayer le repas qui se profilait. Cette fébrilité n'allait pas pour améliorer l'anxiété qui se nichait dans le ventre d'Iberiel depuis qu'elle avait expliqué à Athos ce qu'elle comptait faire. Alors, elle marchait dans une sorte de rigidité mécanique, laissant ses jambes la porter jusqu'au lieu où elle devait se rendre, pour se concentrer sur ce qu'elle devait dire. Rien ne devait lui échapper, aucun imprévu ne devait venir s'infiltrer dans la machinerie qu'elle allait mettre en place. Elle ne doutait pas que son plan était tout à fait réalisable, il n'était pas si complexe qu'il n'y paraissait, mais elle ne voulait pas tout faire rater à cause de la pression que cela lui infligeait.
Finalement, ils arrivèrent devant un chêne massif où logeait Ilmarë. Des escaliers sortaient du tronc de l'arbre comme autant de racines aériennes, et se déployaient dans toutes les directions au dessus de leurs têtes, tandis qu'au sol, une entrée creusée dans l'écorce semblait attendre qu'on ose franchir son pas.

-Je maintiens que c'est une mauvaise idée, dit Athos en réarrangeant le plis de sa robe, Vous risquez de vous fourrer dans un sacré pétrin.

-Une autre proposition, peut-être ? Autre que rester passif en attendant que les choses s'arrangent ?

Le vieil homme bougonna quelque chose mais ne répondit pas. C'était un coup bas, ils le savaient tous les deux, mais c'était nécessaire pour le faire réagir.

-Bon, eh bien dans ce cas, finit-il par grogner, Je vais vous laisser vous occuper de ça. Je n'ai pas grand chose à faire, alors autant que je parte voir maître Othaën. N'oubliez pas d'en parler à Dozla, il voudra surement se préparer aussi.

Iberil hocha distraitement de la tête et entra d'un pas vif. Elle ne voulait pas laisser sa détermination se tarir. A l'intérieur, elle monta une série de marches formant un escalier en colimaçon, traversa un large couloir tapissé de mousse et entra dans la pièce située la plus au fond du bâtiment. Assise derrière un bureau en tilleul brun, Ilmarë levait juste ses yeux noirs en la voyant arriver. La pièce exigüe et sombre lui donnait un air bien plus renfermé qu'il ne l'était de coutume.

-Iberiel ? Puis-je savoir ce qui t'amène ici ?

-Il fut un temps ou vous n'auriez pas même osé me regarder dans les yeux, Ilmarë, rétorqua Iberiel en relevant le menton, J'espère que vous n'avez pas oublié qui je suis.

Le ton venait d'être donné d'une seule réplique, et indéniablement, la conversation prenait une tournure plus pressante. Iberiel voulait frapper fort et vite, pour se donner l'assurance qui lui était nécessaire, et elle était prête à faire fi des conventions pour cela. Ilmarë se joignit les mains et encaissa en silence. Un demi-sourire se dessina lentement sur son visage tandis qu'elle répondait dans sa langue natale.

-Soit. Qu'est-ce qu'un humble membre du Conseil peut faire pour vous, Ethël'niss ?

-Vous le savez tout aussi bien que moi, aussi sauterai-je directement à la conclusion. Pourquoi m'avoir fait une telle proposition ?

Une brève réflexion précéda la réponse d'Ilmarë, de quoi lui laisser organiser clairement ses idées.

-Les Ethël'Rill sont désordonnées, et sans but, expliqua-t-elle en pesant soigneusement ses mots, et le Conseil a vu en votre retour l'assurance d'un avenir meilleur pour ce groupe si cher à nos yeux. Lorsque j'ai envoyé Firin vous porter le message, j'avais espéré que le temps avait apaisé votre amertume et que vous auriez fini par voir au delà des considérations personnelles qu'impliquait... notre désaccord.

-Un désaccord ? Appelez donc le täfnen par son nom. Ou bien craignez-vous que tous ne soit au courant de vos exactions ?

-Nous avons fait ce qui s'imposait à nous pour le bien des nôtres. Vous ne pouvez nous…

Iberiel n'eut qu'à froncer des sourcils pour obtenir le silence. Elle n'avait que trop de fois souffert cet argument et l'entendre à nouveau risquait de la faire enrager plus qu'autre chose.

-Cette conversation ne nous mènera à rien, semble-t-il, lâcha-t-elle en secouant la tête, Vous ne faites que résumer ce que vous et le Conseil m'avez dit il y a de cela mille ans. J'ai fini par m'y résigner, mais nous savons toutes les deux que l'altruisme n'a pas été la seule motivation à vos actes.

Ilmarë cala au fond de son siège sans répondre et caressa distraitement la natte sombre qui lui tombait sur l'épaule. Iberiel éprouva alors un fort sentiment d'aise en voyant la réaction que provoquait les piques qu'elle lançait sans vergogne à son interlocutrice. C'était quelque chose qu'elle avait presque fini par oublier avec les humains pour seule compagnie.

-Dans ce cas, pourrais-je savoir le motif de votre refus ?, demanda Ilmarë avec toute la politesse qu'elle pouvait offrir, Il est clair que vous tenez les besoins des Elfes en haute estime - plus que nous, semblerait-il - et pourtant, vous vous refusez à reprendre la place que nous vous offrons de bon cœur et qui serait une preuve suffisante de votre bonne foi.

Iberiel ne put réprimer un rictus satisfait.

-Il est une chose qui vous échappe, Ilmarë. Vous avez beau m'avoir séparé de mon Ethël, elle demeure intacte, et j'en reste donc la légitime propriétaire. Le millénaire qui me sépare de la dernière fois où je l'ai tenue dans mes mains n'y changera rien, pas plus que cette apparence humaine que j'ai été contrainte de revêtir. Pourquoi ai-je refusé me demandez-vous ? Parce que vous me demandez de reprendre ma place. Or, il est évident qu'un membre des Ethël'Rill le demeure jusqu'à sa mort, où jusqu'à ce que son Ethël soit brisée. Ni l'un ni l'autre n'étant arrivé, comment pourrais-je donc récupérer ce que je n'ai jamais perdu ?

Ilmarë s'apprêta à objecter mais Iberiel leva la main pour couper court à toute intervention.

-Ce que je pense de tout ceci, enchaina-t-elle, implacablement, c'est que vous avez tenté de donner ma place à quelqu'un, quelqu'un de politiquement plus influençable que je ne l'ai été en mon temps. Ce que vous n'aviez pas prévu, c'est le refus des Ethël'Rill. N'ai-je pas raison ?

La question était purement rhétorique, mais la flamme qui dansait dans les yeux d'Ilmarë valait à elle seule qu'on daigne la poser.

-L'heure de mon retour approchant, il vous fallait réagir. En prenant l'initiative de cette vulgaire... proposition, vous pensiez que je la considérais comme étant une fleur, que vous faisiez le premier geste de paix envers la seule fautive de cette affaire... Que je vous étais redevable en somme.

Iberiel se passa une main dans les cheveux pour éloigner une mèche humide qui dansait devant son nez, et conclut sur un ton condescendant.

-Ne croyez pas que ce temps passé loin des miens m'ait fait oublier les joutes politiques qui se jouent entre les membres du Conseil. Je reste d'Ultwë, que vous le vouliez ou non.

Le silence s'installa finalement entre les deux femmes. L'une dardant un regard d'acier sur tout ce qui passait dans son champ de vision, l'autre reprenant son souffle après avoir exprimé ce qu'elle avait sur le cœur. A l'extérieur, la gaieté baignant les nombreux préparatifs du banquet était en totale contradiction avec l'ambiance électrique instaurée en quelques instants seulement, et se passait dans plan qu'on aurait juré appartenant à un autre monde. C'était à croire que les seules personnes existantes étaient celles présentes dans la pièce sombre. Ce fut Ilmarë qui brisa la glace en s'avançant d'avantage sur son bureau de bois, balayant les faux-semblants qui avaient peint son visage jusqu'alors.

-Votre langue est aussi affutée que le nuage d'arrogance qui vous entoure est épais, Iberiel. Vous croyez donc que tout n'est que conspiration ? Le monde ne gravite pas autour des Ethël'Rill, et encore moins autour d'un chef fantôme qui revient des limbes pour assoir une autorité perdue depuis des lustres.

Iberiel tiqua, mais elle avait désormais ce qu'elle était venue chercher. Au lieu de relever, elle tourna volontairement le dos à Ilmarë, un grave manque de respect à un membre influent du Conseil, et se contenta de répondre.

-Apportez mon Ethël à la cérémonie. C'est tout ce que j'attends de vous désormais.

Et elle sortit en faisant claquer la robe légère qui lui ceignait le bassin. Une grosse goutte de sueur glissa le long de son dos quand elle avala les marches de l'escalier à une vitesse folle, mais le bouillonnement qui faisait rage en elle l'éloigna bien vite de son esprit. Il était grand temps qu'elle redevienne ce qu'elle était pour éviter ce genre d'emportement. Elle venait de rappeler qu'elle n'était pas prête à se laisser marcher sur les pieds, ce qui était le but principal de la manœuvre, mais avec un trop plein de sentiments qui avait manqué plusieurs fois de lui faire perdre toute constance.

Dehors, il faisait lourd. Trop peut-être. La fièvre de la soirée s'annonçant y était pour beaucoup, mais ce temps n'était pas naturel. Surtout pas à l'intérieur d'une ville comme Moerlanev dont la température était quasiment constante toute l'année. Iberiel localisa rapidement Dozla dans une bâtisse réservée aux invités non-Elfes, et s'y rendit d'un pas souple. Quand elle arriva dans la pièce, le colosse blond était simplement couvert d'une serviette autour de la taille et essuyait son épaisse barbe avec une force démesurée, ce qui ne semblait pas le faire souffrir outre mesure. L'humain, notant la présence de quelqu'un d'autre dans la pièce, se retourna, les yeux ronds, et ne sut que bégayer en cherchant désespérément de quoi se couvrir.

-M-Madame... ? Je... Je... Je vais me changer ! Que c'est embarrassant... Où sont mes affaires ?

-Ne t'inquiète pas, Dozla, j'en ai déjà vu d'autre. Mais habille-toi si tu veux, je t'attends dehors.

Ce qu'elle fit. Pour se recentrer, elle fixa un point à l'horizon et le laissa absorber l'ensemble des émotions qui lui martelaient la tête. Dozla la rejoignit à peine quelques secondes plus tard, peinant à resserrer une tunique rouge brodée sur son torse massif. Ses bras trapus étaient à peine couverts jusqu'à l'avant bras et on pouvait voir sans peine que les fibres du tissu étaient à la limite de leur résistance.

-Ils sont un peu petits, ces vêtements, commenta-t-il en parvenant à accrocher l'un des boutons.

Un craquement retentissant suivi l'instant d'après, indiquant que la partie dorsale venait de se déchirer sous l'effort.

-Oups...

Voyant qu'Iberiel ne réagissait pas, il se mura dans un silence gêné et se débattit comme un Houp pour ôter ce qui n'était désormais plus qu'un simple bout de tissu inutile. Après force coups de bras balayant l'espace vide autour de lui, la tunique s'ouvrit complètement, le laissant enfin respirer avec plus d'aise. Puis, il resta immobile et attendit patiemment, les bras croisés dans son dos. Le soleil qui amorçait une descente paresseuse vers l'horizon diaprait les feuilles des immenses arbres de la cité elfique et des mosaïques de lumière se dessinaient lentement sur le sol moussu que foulaient des Elfes de tous âges.

-Tout va bien, Madame ?, ne put s'empêcher de demander Dozla après un temps.

-C'est au plus fort de la tempête que l'on remarque l'arbre le plus robuste, énonça Iberiel d'une voix lointaine.

-Pardon ?

-Les Souvenirs des Galh'däs. Rien de plus qu'une simple allégorie, je le crains.

-Je ne sais pas si je suis censé y comprendre quelque chose…

-Non rien, souffla l'elfe avec un faible sourire, Je crois seulement que je commence à comprendre ce que ressentent les Anciens qui partent pour le Grand Sommeil. Et pour tes vêtements, ne t'en fais pas, je t'en ferai apporter à ta taille. Il doit bien en rester de ta dernière visite.

Penaud, le colosse ne sut que masser les épaules par réflexe.

-Si vous voulez me parler de quoi que ce soit, je suis là, Madame.

-Sentirais-je de l'inquiétude dans ta voix ?

-Pour être tout à fait franc, je n'ai eu de cesse d'éprouver du remord depuis que je vous ai perdue sur la route du Ponan.

-Ce n'était pas ta faute.

-Je ne sais pas trop, Madame, hésita Dozla, baissant les yeux, Ma famille est au service de la vôtre depuis que mon ancêtre fut capable de mettre un pied devant l'autre, et toujours nous avons juré de d'être le bouclier se dressant face à vos ennemis. Pourtant, j'ai misérablement failli en vous abandonnant dans cette embuscade, et il a fallu attendre près de trois mois pour que je ne vous retrouve. C'est... indigne de ma fonction.

Il soupira à pierre fendre sans cesser de regarder le bout de ses bottes. Iberiel lui posa une main sur l'épaule pour le rasséréner.

-Ta fonction ne se résume pas uniquement en ma protection, Dozla. Les Boendr sont avant tout des amis et des conseillers, non de simples serviteurs. Nous savions tous les deux que, tôt ou tard, nous serions de nouveau ensemble. Tu vois de quoi je veux parler, n'est-ce pas ?

-Bien sûr.

-Dans ce cas, ne t'appesantis pas sur tes erreurs passées. Si c'est le pardon que tu recherches, alors trouve-le dans le futur, en restant à mes côtés.

Iberiel laissa peser ses paroles un instant avant de poursuivre.

-Et puis, j'ai aussi ma part de responsabilité. J'aurais dû me manifester plus tôt pour que tu puisses me rejoindre.

Dozla tenta de dissimuler un revers de manche maladroit et se redressa, l'œil brillant.

-Ce que vous dites tient beaucoup pour moi. Vraiment, je vous remercie du fond du cœur, Madame.

Il sourit franchement et apprécia l'absence de réponse d'Iberiel. Cela leur rappelait à tous les deux un temps moins chargé en troubles, et plus propice à de simples moments de calme comme celui-ci.

Plus tard, Iberiel informa Dozla de sa décision de quitter Moerlanev après la cérémonie. Ce dernier ne cacha pas sa surprise, mais ne protesta en rien, réaffirmant avec force sa volonté de la suivre quelles soient ses décisions.
Tous deux marchaient d'un pas tranquille, sans destination précise, en échangeant des banalités, quand ils aperçurent Athos, seul, qui faisait les cents pas entre deux arbres aux troncs massifs et aux branches parées de fils d'argent et de soies délicates. Le vieil homme semblait particulièrement furibond contre une raison inconnue, à ce point qu'il ne remarqua pas les deux arrivants se placer devant lui.

-Un problème, Lord Athos ?, demanda Dozla prudemment.

-Un problème ?, répéta l'ermite en relevant ses yeux blancs, Un problème ? J'ai déjà honte d'avoir plus de douleurs aux articulations que d'articulations dans le corps, de me lever sept fois par nuit pour aller me soulager dans les buissons, et voilà qu'on me demande ce qui ne va pas ? Le monde est fou, mon petit, voilà le problème.

Le dos vouté, il pesta dans sa barbe, et finit par s'arrêter de tourner en rond histoire de lâcher une bordée d'insultes à qui voulait bien les recevoir.

-Vous pourriez peut-être reprendre depuis le début, suggéra Iberiel.

-Oui. Oui, c'est ce que je vais faire. Le début. En voilà une idée brillante. Suis-je bête.

Il soupira et sortit sa pipe des plis de sa robe, mais Iberiel s'en saisit rapidement avant qu'il ait eu le temps d'en faire quoique ce soit. Elle avait déjà du mal à percer à travers les paroles du vieil homme pour qu'en plus une substance douteuse ne vienne lui compliquer la tâche. Athos se pinça l'arrête du nez pour rassembler ses idées et se lança sans conviction.

-Vous vous souvenez de cette lettre qui devait prévenir les Elfes d'une attaque sur le convoi ?

A l'énonciation de ce fait, Dozla se renfrogna mais garda toutefois le silence.

-Celle que le démon avait récupérée, répondit Iberiel pour l'empêcher de ressasser ses erreurs, Je m'en souviens.

-Mmh, oui. Je crois me souvenir de vous avoir dit que c'était moi l'auteur de cette lettre, n'est-ce pas ? Pour prévenir, tout ça. Eh bien, ce n'est pas tout à fait vrai, en fait.

-Vous pouvez développer ?

-Saperlotte. Il faut tout faire soi-même de nos jours.

Athos s'agenouilla et avec son doigt, plaça trois croix alignées. Il pointa la première d'entre-elle, à ses pieds.

-Ici, c'est Munduce. Le symbole du milieu, mon petit bosquet, désormais détruit, mais passons. Le dernier, tout au bout, n'est autre que Moerlanev. Maintenant, réfléchissons deux minutes, voulez-vous ? L'attaque a eu lieu entre Munduce et mon bosquet, nous sommes d'accord ?

Iberiel approuva d'un bref hochement de tête.

-Si j'avais voulu prévenir les Elfes, j'aurais naturellement envoyé un messager en direction de leur territoire. Jusque là, rien d'incohérent. Les choses le deviennent par la suite. Comment expliquer la présence dudit message entre Munduce et mon bosquet, si je devais l'envoyer dans la direction opposée ?

Dozla se gratta pensivement la joue et risqua une proposition.

-Peut-être que les démons se sont déplacés à partir du territoire des Elfes vers Munduce. Ce serait...

-Bougre d'âne, morigéna Athos, de mauvaise humeur, Avec leur capacité à apparaître où bon leur semble, il est vrai que faire un petit détour par chez les Elfes pour le plaisir est l'explication qui saute aux yeux. Pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt ?

Le géant baissa les yeux en tentant de trouver une autre idée à soumettre. Iberiel, elle, voyait nettement où voulait en venir le vieil homme, mais tenta de poursuivre sur la piste de Dozla.

-Pourtant, des éclaireurs Elfes ont aperçu des démons proche de Carcosa. Il n'est pas impossible que ce fussent les mêmes qui m'aient pris en chasse.

-Tout comme il n'est pas impossible qu'il s'agisse d'un groupe totalement différent qui est apparu après l'attaque, répliqua Athos, Et puis bon sang de bois, si j'avais voulu prévenir quelqu'un, je n'aurais pas envoyé un pigeon, et encore moins aux Elfes. Prenez comme acquis que je n'ai pas envoyé cette lettre, bourrez-vous le crâne avec ce fait si vous n'arrivez pas à comprendre l'évidence, mais par les Rois Perdus, cessez de lancer des idées saugrenues à tout va !

-Bon, très bien, soupira Iberiel qui commençait à son tour à perdre patience, Vous m'avez donc menti.

Elle ne s'offusquait que rarement du manque flagrant de respect d'Athos aux moments les moins propices, elle avait fini par s'y faire, mais l'heure était mal choisie pour le laisser s'emporter pour un rien. Le vieil homme dû s'en rendre compte, car il se calma un temps soit peu et répondit d'une voix plus posée.

-Oui... On peut dire ça. Mais n'y voyez pas une envie de vous faire du tort. Je pensais simplement que vous aviez suffisamment de choses vous préoccupant pour vous encombrer d'avantage l'esprit.

-Et c'est cela qui vous rend aussi nerveux ?

-Non, bien sûr que non. Si je suis de mauvais poil, c'est parce qu'en venant ici, je pensais trouver la réponse à la question qui devrait à tous nous sauter au visage. Qui a écrit cette maudite lettre ? Je pensais que les éclaireurs Elfes de maître Othaën étaient les plus à même de me répondre avec les troupes qu'ils ont disséminées un peu partout, mais il semble que je me sois fourvoyé.

Athos se frotta le visage comme s'il espérait se débarrasser de sa colère de ce simple geste et se mit debout.

-Qui est notre mystérieux bienfaiteur ? Je l'ignore. Pourquoi a-t-il agit ainsi ? Encore un mystère. Et ça ne me plaît pas.

Iberiel s'emmêla une mèche de cheveux pour répondre.

-Quoi qu'ait fait cette personne, ça n'a servi à rien. Et même si le message était arrivé à destination, je doute que des troupes ne soient arrivées à temps pour nous secourir.

-Voilà pourquoi je devrais toujours rester à vos côtés, bougonna Dozla.

-Je sais. Mais nous ne...

Un son clair et puissant l'interrompit dans sa phrase, tandis que des volées d'oiseaux fuyaient à tire d'ailes cette perturbation sonore d'une intensité non négligeable. Presque aussitôt, des échos se firent entendre un peu partout, et des murmures s'élevèrent de la forêt. L'agitation contenue durant les préparatifs sembla éclater à différents endroits et gagner progressivement l'ensemble de la ville, et des clairons plus doux résonnèrent pour accompagner des ballets d'Elfes qui sortaient de nulle part pour se joindre aux festivités.

-Les Cors Blancs, fit Iberiel, Nous devrions aller nous préparer.

Elle se tourna vers Dozla qui observait une table se remplir de mets délicats un peu en contrebas.

-Tu trouveras une tenue chez maître Valaën. C'est lui qui s'occupe du tissage de nos tuniques.

Puis, elle posa son regard vert sur Athos.

-Je ne vous dirais pas quoi faire, vous êtes assez grand pour vous occuper seul. Tachez simplement d'être présentable lorsque tout sera prêt.

-Je ne devrais pas vous accompagner ?, s'enquit Dozla.

-Non. Je dois me préparer seule. Ne t'inquiète pas, nous nous reverrons bientôt.

Elle tendit sa pipe au vieil homme qui s'empressa de la fourrer dans sa robe, avant de partir vers une direction que seule elle devait connaître.

-Vous savez de quoi elle parlait ?, demanda le géant en observant Iberiel s'éloigner progressivement.

-Uniquement les grandes lignes. Iberiel a le chic pour compliquer les choses au possible.

-Cela m'inquiète. Ce départ précipité n'augure rien de bon.

-Tout dépend pour qui, souligna Athos, d'un air moqueur, Allons, du cran que diable ! La soirée qui s'annonce promet de nous faire passer une nuit que nous n'oublierons pas de si tôt, croyez-moi sur parole.
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Message par Itrenog Ven 28 Déc 2012 - 20:10

-Mais ... vous êtes nu !

Ainsi réagit Dozla en voyant Athos, assis nonchalamment à une table, un verre à la main, en train de discuter avec un groupe d'Elfes qui ne semblaient pas choqués outre mesure de la non-tenue qu'avait adoptée leur interlocuteur. Le colosse s'était absenté l'espace d'une dizaine de minutes, le temps d'enfiler une tenue correcte pour la soirée chez l'un des tisseurs de la ville, et était revenu vêtu d'une chemise vert feuille aux coutures blanches et d'un large pantalon de soie d'une couleur moins prononcée. Il avait même refusé des invitations à festoyer pour surveiller le vieil homme, toujours enclin aux excentricités les plus surprenantes. Et force était de reconnaître que son jugement était le bon.

-Et alors ?, répliqua Athos d'un rire gras, La moitié des Elfes ici a décidé de se passer des vêtements pour la soirée ! Regardez autour de vous !

Dozla se retint bien de suivre ce conseil et répéta, éberlué.

-Enfin... Nu, tout de même...

-Bah ! Au diable les codes de bonnes conduites. Je suis venu pour m'amuser et je compte bien le faire. Posez donc votre immense carcasse à côté de la mienne et servez-vous en boisson au lieu de me materner comme cela !

Le géant soupira mais obtempéra. Qu'avait-il à perdre à s'amuser un peu ?

-En tout cas, dit-il en s'asseyant, il semblerait que vous soyez de meilleure humeur que tout à l'heure.

-Laissons les sujets désagréables sur la paillasse, voulez-vous ? Profitons, demain sera fait d'un autre bois.

Athos se rapprocha alors et murmura sur le ton de la confidence.

-Et puis, tout à fait entre nous... Vous avez vu cette Elfe, assise en face de nous... Elle me fait de l'œil. Je crois que j'ai ma chance pour ce soir.

-Eh bien ! L'alcool vous aurait déjà fait perdre vos capacités à réfléchir ? Il n'y a aucune chance pour qu'une Elfe minaude devant vous.

-Et pourquoi je vous prie ? Parce que je suis un vieil homme rachitique ?

-Athos, souffla Dozla, Vous devez pourtant savoir que les Elfes ne font pas l'amour.

-Quoi ? Nom d'un corniaud ! Mais qui vous a mis une telle imbécillité dans la tête ? Vous croyez qu'ils possèdent les mêmes appendices que nous par pure décoration ?

Dozla se passa une main sur le visage.

-En tout cas, si elle ne vous a pas entendu, vous pouvez vous estimer heureux.

-Bah ! Je suis sûr qu'il n'y a pas la moitié d'entre eux qui comprend la langue commune. Donnez-moi le reste de la soirée, et je vous prouve que vous avez tort !

-Tenu !

Le vieil homme se leva avec peine et écarta les bras, beuglant à qui voulait l'entendre dans un elfique approximatif, ses parties exposées à la vue de tous.

-Écoutez ! Ce soir, je retrouve ma jeunesse ! Bois Moerlanev, chante et brille, car demain, les nuages seront bas, et le vent tournoyant !

Il accompagna ses dernières paroles d'un déhanché circulaire exagéré et Dozla de se servir une bonne rasade de la première boisson qui lui tombait sous la main, pour tenter d'effacer ce que ses yeux venaient de voir à l'instant. Les Elfes autour de lui rirent à gorge déployée et complétèrent le tableau par des chansons et des danses aux gestes amplifiés par des relents d'alcool qui s'insinuaient dans leur sang noble.
La soirée se déroula ainsi, voguant d'une euphorie générale à la limite de l'hystérie, en passant par des moments plus calmes voire mélancoliques. Dozla ne conserva que de rares souvenirs du temps qui précéda la cérémonie. Entourés d'une nappe obscure et de flash lumineux sans cohérences, les moments de conscience qu'il tentait vainement de maintenir n'étaient pas les plus reluisants qu'il ait pu garder en mémoire. Il dut convenir, à contrecœur, qu'il ne tenait pas aussi bien l'alcool qu'il avait escompté. Pourtant, il se doutait que ce n'était pas tant la quantité d'alcool descendue qu'une étrange sensation dans l'air ambiant qui sapait sa capacité à réfléchir convenablement. C'était étrange, mais pas pour le moins désagréable.
Son appétit, lui, n'avait pas décru. Il goûtait à tout, sans distinction d'aucune sorte et se surpris même à avaler une généreuse tranche d'une viande épicée dont il ignorait la provenance. A un moment, il ne sut dire quand exactement, Athos et lui étaient en train de discuter avec une femme arborant un bandeau qui cachait son œil gauche. Le vieil homme s'était approché d'elle et lui avait murmuré à l'oreille.

-Vous savez que avec qui vous avez un air de ressemblance ? Avec le Duce. LA Duce. Si, si. Au moins pour un des deux yeux, en tout cas. Puis-je savoir votre nom, très chère ?

La femme avait accueillie la remarque d'un rire clair et avait poliment décliné son identité.

-Vous pouvez m'appeler Iris.

-Très enchantané, Iris. Moi, je suis Athos. Enfin, c'est comme ça que je me fais appeler. Mais ne le dites pas surtout, faudrait pas que ça se sache. Qu'est-ce qui vous amène par ici ?

Le reste de la discussion n'était qu'une suite de mots sans lien dans l'esprit de Dozla et il ne se souvint que d'avoir vu Athos emmener par la main une femme dans un recoin sombre, sans savoir de qui il s'agissait.
Plus tard, tous deux se retrouvèrent isolés sur une énorme souche taillée et le vieil homme lui tendait une fiole à l'aspect peu engageant en soutenant qu'il s'agissait probablement de la meilleure chose qu'il ait inventé ces dernières années.

-Bon, très bien, avait soufflé Dozla, Je vais la siffler votre piquette. Qu'est-ce que ça fait au juste ?

Athos se passa d'explication et plissa le front comme prit d'une intense réflexion. Sa barbe se mit à trembloter, à remuer fébrilement, puis à bouger comme si elle avait sa conscience propre, imitant grossièrement un homme en train de danser sur un quelconque rythme imaginaire. Dozla dut admettre qu'il s'agissait la de la chose la plus hilarante qu'il ait vu, sans trop savoir si c'était pour la tête d'enfant ravi d'Athos ou le spectacle incongru qui se déroulait devant ses yeux et après avoir essuyé un fou rire de plusieurs minutes, il avala d'une traite la décoction.

-Attention, le prévint le vieillard, Des poils qui ne sont pas sur votre visage pourraient avoir envie de se joindre à la fête, si vous voyez ce que je veux dire.

-Et je suis censé la contrôler comment ?

-Comme si c'était votre bras. Vous verrez, c'est très simple.

Le géant commençait à ressentir un étrange picotement au menton quand il s'exclama.

-Je suis sûr que si vous pourriez faire fortune avec ça !

-Eh ! Si j'arrive à la vendre aux nains, ça pourrait peut-être devenir un sport, qui sait. Imaginez ! Je roulerai sur l'or avant même d'avoir dit «barbe» !

La suite, Dozla ne sut jamais avec précision comment elle se déroula. Selon certains, les deux hommes auraient commencé une bataille furieuse entre leurs deux barbes et ces-dernières auraient fini tellement emmêlées que la présence d'un tisseur de sort en état de prononcer une incantation convenable aurait été requise. Toujours est-il qu'en milieu de soirée, ils étaient totalement libres de leurs mouvements et on les conduisit au milieu d'une plaine dégagée, occupée uniquement par une estrade sur laquelle de petites arches de bois étaient disposées en cercle. L'ambiance ici était plus calme, apaisante et Dozla récupéra progressivement ses facultés mentales, ce qui le rassura presque autant de savoir que finalement, il n'avait pas tant bu que cela. Il tenta d'assembler ses souvenirs de façon cohérente, mais sa logique se refusa à lui, glissant entre ses doigts comme par trop huilée. Athos lui, était toujours aussi atteint par on ne sait quoi, probablement à cause des substances qu'il avait fumé plus tôt, et s'amusait de voir l'attitude des personnes l'entourant. Un tel comportement aurait été d'ordinaire mal vu, mais il semblait que ce soir-là, tous furent d'accord pour laisser une certaine latitude au vieil homme.

-Bigre, vous êtes d'un sérieux tout d'un coup, lâcha-t-il entre deux crises de rire, Ce doit être a cause des trucs magiques qui ne s'agitent plus autour de nous. Il fait si... froid ici.

-Un vrai langage de magicien, Lord Athos.

Le vieillard lui tira la langue mais se tint tranquille. A ce moment, Ilmarë apparut au centre de l'estrade, vêtue d'une magnifique robe à plumes irisées et d'une tiare semblable à un fil d'argent ondulant sur un lac tranquille. Derrière elle, il y avait six Elfes, portant des habits de la même facture, à ceci prêt que les deux hommes possédaient une doublure de lin au niveau du torse. Encore un peu plus en retrait, Iberiel, le visage fermé, avec un châle si fin qu'on pouvait presque voir à travers. En la voyant, Dozla ne put s'empêcher de frissonner avec une certaine appréhension.
Une fois que tous furent installés, assis ou perchés sur les branches des arbres avoisinants, Ilmarë prit la parole dans sa langue natale.

-Je ne saurais mieux compléter cette cérémonie qui a lieu que par une annonce qui a fait frémir jusqu'aux fondations de notre Arbre au centre de la forêt. Car aujourd'hui, mes frères et sœurs, Iberiel d'Ultwë ...

-Eh, psst. Vous voulez voir un truc qui en jette ?

Dozla se tourna vers Athos qui tournait et retournait sa pipe dans sa main, comme un enfant sur le point de faire une révélation à même de changer le monde. Il sourit, ravi et saisit sa pipe du bout des doigts. Lentement, il écarta ses deux mains et le bois qu'elles tenaient accompagna le mouvement, s'épaississant au fur et à mesure du processus. Finalement, le vieil homme se retrouva avec un bâton noueux, au bout duquel trônait une pierre azurée brillant comme un petit feu follet.

-La classe, hein ?, fanfaronna-t-il, Pratique, et in-sou-pçon-nable.

-Ça l'est tout de suite moins si vous le dites à qui veut bien l'entendre, non ?

Dozla porta son attention sur Ilmarë, mais sentait que sa concentration n'était pas au meilleur de sa forme, d'autant que le discours d'Ilmarë traînait en longueur, avec de lourdes phrases pompeuses et des non-dits à en perdre la tête. Alors il fixa l'étrange saphir sur le bâton d'Athos dans l'espoir d'éloigner l'ennui qui pointait le bout de son nez dans son esprit.

-Je me demandais... D'où vient cette pierre exactement ?

-Vous ne me croviez pas si je vous le dirais.

-Si vous ne voulez pas en parler, je ne vous forcerai pas.

-Bon, très bien, si vous insistez, je vais tout vous dire. En fait, ce n'est pas vraiment une pierre. C'est plutôt...

Il se rapprocha, tout sourire et lâcha.

-Un testicule de Dragon.

Dozla eut du mal à retenir un rire et se contenta de l'étouffer dans son épaisse barbe blonde.

-Un testicule ? De Dragon ? Vous vous fichez de moi, c'est ça ?

-Je suis sûr que ce n'est pas très dur de m'imaginer, avec quelques siècles de moins, en train de partir à la chasse aux Dragons, les cheveux au vent et tout. Vous en rêviez, avouez-le, mais vous attendiez juste d'en avoir la confirmation.

-J'en rêvais, oui... Ah ! Elle est bien bonne.

-Mais ce n'est pas une blague, enfin ! Vous pensez vraiment que c'est mon genre de plaisanter sur ce genre de choses ?... Oh ! Écoutez ! Là, ça va devenir intéressant.

Poum! Un bruit sec suivit l'instant d'après. Iberiel s'avança dans l'espace formé par les Elfes de l'estrade. Poum! Nouvelle frappe, plus forte. Quelqu'un entonna une chanson. Poum! Poum! Deux claquements consécutifs et la voix s'amplifia. Iberiel commença à remuer les bras, d'abord fébrilement, puis avec plus de vigueur, s'accordant parfaitement avec le rythme imposé par des instruments que nul ne pouvait voir. Son châle se détacha, révélant un immense tatouage représentant des lierres courant sur sa peau nue tels des serpents et ses mouvements se firent encore plus rapides, plus secs, mais non moins harmonieux. De petits nuages de poussières s'élevèrent à chaque pas qu'elle faisait et une goutte de sueur s'échappa de se front, tandis que les Elfes levaient tous leurs bras. Athos suivit le mouvement sans comprendre et un mot fut prononcé. Un mot dont Dozla ne connaissait pas la signification, mais dont il comprit l'importance quand il observa la scène. D'abord sur les jambes, l'encre verdâtre se décolla, laissant de profondes marques qu'un enchantement sembla ressouder l'instant d'après. Puis les hanches, le bassin, les mains et les épaules suivirent, alors qu'Iberiel dansait toujours sans s'arrêter. Les fils d'argents qui l'entouraient trouvaient leur origine sur ses seins, baignant l'air de leurs remous éthérés et quand l'un deux se détacha, ce fut dans une onde de lumière éblouissante. Le second fut plus tardif à se décrocher, comme si une force résistait et le maintenait fermement accroché au corps de la femme qui commençait à s'épuiser. Poum! Ce fut l'ultime claquement. Tous se turent et un torrent argenté se déversa sur l'estrade, sourd aux protestations qui s'élevaient dans l'assemblée. La blancheur demeura, progressivement estompée vers une silhouette qui se découpait lentement. Ilmarë s'approcha, et saisit ce qui s'apparentait à un bras et Iberiel reparut. Dozla en eut le souffle coupé.

-Alors elle... C'est elle..., souffla-t-il, sans y croire.

Il n'y avait plus d'humaine, mais bel et bien une Elfe qui se tenait au centre de l'estrade. Une Elfe aux cheveux d'une nuit sans lune et des yeux d'un bleu azur éclatant de force. Le tatouage avait disparu et les blessures qu'il avait laissé, estompées, pour ne laisser qu'un corps ferme et élancé. Quelques uns, emportés par un moment d'ivresse, applaudirent, mais ils étaient minoritaires. Athos se leva alors et pointa du doigt le ciel. Une boule de feu jaillit du bout de sa main, explosa en une gerbe de globes d'argent et tous applaudirent à tout rompre. On cria, gesticula, tant et si bien que personne ne remarqua la tension qui s'était établi autour d'Iberiel. Les Elfes l'entourant demeurèrent impassible, mais un s'avança, une lance à la main. La hampe parfaitement droite, l'arme d'un blanc nacré possédait une pointe meurtrière en tout point semblable à la lame d'une épée. Les entrelacs sculptés dans le bois brillèrent lorsque la légitime propriétaire s'en saisit, non sans un certain contentement sur le visage, mais rien ne sembla calmer la foule qui semblait avoir oublié la raison de leur présence en ce lieu. On lui tendit aussi un maigre châle beige qu'elle enfila fébrilement.
Iberiel leva une main pour demander le silence. Peu la remarquèrent au début, mais la vague d'emphase se tarit bientôt, pour ne laisser place qu'à une contemplation béate. Il y avait des sourires, des poses ouvertes, des accolades, chose extrêmement rare pour ce peuple aussi peu enclin aux débordements sentimentaux.

-Je n'en ai peut-être pas l'air ainsi présentée devant-vous, scanda-t-elle pour que tous l'entendirent, mais mon cœur est aussi rempli de joie que peut l'être le vôtre. Aujourd'hui sonne la fin de ce temps passé loin de vous tous et c'est avec une immense fierté que je brandis de nouveau mon Ethël.

Elle ponctua son discours d'un large mouvement de la lance, provoquant un tonnerre d'applaudissements.
De nouveau, elle demanda le silence en scrutant l'assemblée, résolue, mais émue.

-Avant de vous laisser retourner à vos festivités toutefois, je me dois d'aborder un sujet sensible. Avec vous, oui, mais surtout avec toi – elle pointa une tâche indistincte perdue dans un arbre – Moerlanev.

Athos, pouffant comme un gosse ravi, tapa l'épaule de Dozla.

-Là, ça va vraiment être intéressant.

-Si l'on évoque un retour, continua Iberiel, l'on évoque aussi un départ. Et un départ appelle nécessairement une raison. Ma question est donc la suivante, Moerlanev... Quelle raison le Conseil t'a-t-il donnée pour justifier mon absence pendant mille ans ?

Une chape de plomb recouvrit les Elfes en l'espace d'une seconde. L'incompréhension avait remplacé l'euphorie, mais personne ne répondit.
Iberiel se tourna alors vers le Conseil et en désigna les membres un par un.

-Mais peut-être devrais-je demander aux concernés ? Eärion et Cemië des Isanwiëil, Narel de l'Arbre Thanaën, Silya de Ciryanatiel, l'amblyope Numial Inmacë, Fanyëen des Trois-Pousses... Et enfin, toi...

L'Elfe désigna la dernière d'entre eux, tendue comme un arc.

-...Ilmarë de Moerlanev. Je vous ai fait l'honneur d'énoncer à voix haute vos noms et vos origines, tuíras padâm at rill Demeth ët Erä, alors peut-être me ferez-vous l'honneur de m'expliquer quelle éclatante vérité vous avez soumise à Moerlanev. Sans détours, sans ambivalences, avancez et parlez.

Ilmarë caressa sa longue natte tressée avant de s'exécuter. Elle n'avait plus devant elle une humaine qu'elle pouvait toiser de haut, dénigrant ce qu'elle était et brisant sa fierté de ses bottes et Iberiel le savait. Elle cacha le plaisir de la voir soumise par un masque de fermeté propre à sa fonction et la garante de Moerlanev parla.

-Je suis aussi heureuse qu'Iberiel pour son retour, frères et sœurs. Jamais l'Arbre n'avait sonné si fort à nos oreilles, jamais la magie n'avait brillé...

Un coup sec de lance contre le bois la fit taire.

-Est-ce donc trop vous demander que de parler franchement ? Moerlanev exige une réponse, et moi-aussi. Ou bien dois-je prendre les devants et prononcer ce mot qui vous fait frémir ?

Ilmarë releva le menton.

-Le temps passé chez les humains vous aurait donc fait oublier l'art de la discussion, Ultwë ed Iberiel ? On ne sert pas un poison acide sans l'enrober d'une nappe de sucre.

Iberiel devait le reconnaître, il y avait toujours cette fierté de paon qui se dégageait de celle qui présidait au Conseil et qui croyait détenir tout pouvoir en ces lieux. Et elle était résolue à y mettre un terme.

-Un poison, dîtes-vous ? C'est le mot le plus approprié, oui. Un secret inutile qui gangrène et pourrit ce qu'il touche, à commencer par l'intégrité des représentants de cette ville. Allons, n'ayons pas peur, et prononçons tous ensemble ce mot si... acide. Le tafnën.

De grands yeux, des bouches pincées, et surtout, un silence glacial accueillirent ce simple mot. Un silence brisé par un éclat de rire grasseyant qui provenait d'un barbu à peine conscience de la gravité de la situation.

-Bravo !, s'exclama-t-il, Bravo ! Allons, allons ! Appréciez la vérité qui vous tombe tout cru dans le bec. Iberiel d'Ultwë a été soumise à un tafnën ! Oui, oui !

Dozla pressa Athos à la retenue et réussit tant bien que mal à le maintenir en place. Comme si cette intervention en avait éveillé la plupart, des murmures se levèrent, amplifiés par ce mutisme ambiant et se muèrent bientôt en brouhaha pressant et en vacarme opprimant. Certains traitèrent Iberiel de menteuse, refusant ce qu'ils avaient entendu et d'autres gardèrent un calme glacial, évaluant une situation du haut de leurs longues années d'existence. Dozla serra du poing, prêt à bondir pour défendre sa protégée au moindre geste hostile et s'approcha sensiblement du gradin.
Iberiel exhorta les siens au calme pour poursuivre.

-Je comprends ce que vous ressentez. J'ai moi-même été prise dans l'étau du doute, mais la vérité est là. Les membres des Ethël'Rill ici présents, et qui restent circonspects, avaient pressentis ce que je viens d'annoncer à tous. Ils savaient que la seule explication au départ soudain, et pourtant si discret, de leur chef ne pouvait être qu'un acte aussi puissant que celui-ci. Il ne pouvait que s'agir d'une décision extérieure, dictée par la si grande sagesse des vénérables membres du Conseil.

Iberiel leva les bras comme si ce qu'elle allait dire la navrait.

-Il y a mille ans, ici même, sous le couvert d'une nuit propice aux complots, c'est tenu le rituel du tafnën. Tout ceci sans ta présence, Moerlanev, car tu étais encore aveugle et sourde à la vérité à cette époque.

Ilmarë fouetta l'air de sa natte et posa un pied en avant, suivis de l'ire de certains dans l'assemblée.

-Comment osez-vous !

-Qu'y a-t-il, Ilmarë ?, s'exclama vivement Iberiel, les yeux flambants d'excitation, Ne laisses-tu donc pas les tiens s'exprimer ? Et toi, Moerlanev ? Veux-tu savoir la vérité ? Veux-tu connaître mon histoire ? Savoir ce qui m'a valu mille ans passés loin de toi ? La voici, mon histoire, celle que tout à chacun devrait connaître.

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